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Les combats du GAMP : « Le handicap est le parent pauvre des politiques sociales ! »

03/11/21
Les combats du GAMP : « Le handicap est le parent pauvre des politiques sociales ! »

Dans notre société, la problématique du handicap est souvent traitée à travers les actions caritatives ou la difficulté pour ce public de vivre conformément aux normes établies. L’association de parents d’enfants handicapés et de professionnel.le.s qu’est le GAMP (Groupe d’Action qui lutte contre le Manque de Place) dénonce les politiques successives stagnantes et inefficaces dans la création efficace de place dans les écoles. Thibauld Menke nous en dit plus sur les missions et objectifs de cette asbl d’action et de lutte.

C’est dans un grand bâtiment avec un centre de jour et d’hébergement, que le Guide Social retrouve Thibauld Menke. Nous nous dirigeons vers le deuxième étage où se trouve le bureau orné de très beaux vitraux. Beaucoup de livres sur la psychologie occupent la bibliothèque derrière lui. L’ancien journaliste et professeur de théâtre est depuis trois ans chargé de communication et chargé d’assistance politique au sein du GAMP. Il nous partage les objectifs des luttes et pressions de l’asbl ainsi que leurs attentes et les différents services proposés pour apporter un soutien bienvenu aux parents d’enfants porteur.se.s de handicap.

Le GAMP  : plus de 15 ans de lutte

Le Groupe d’Action qui lutte contre le Manque de Place a vu le jour grâce à la mobilisation de parents d’enfants en situation de handicap et de professionnel.le.s regroupé.e.s autour de la recherche de solutions concernant le manque de place en école mais aussi de logements adaptés. Les premières actions étaient de l’ordre de la revendication et de l’action. Thibauld se rappelle  : «  On a commencé en 2005 par des sit-in devant des cabinets de ministres et des parlements. Le manque de places dont on parle concerne le manque de situations adaptées, donc à la fois le manque de places dans les centres mais aussi le fait que le handicap soit le parent pauvre des politiques sociales. Il y a un vraiment manque de solutions dans bon nombre de domaines.   »

Le lobbying politique est l’un des pans principaux de GAMP. Le rôle d’assistant politique qu’endosse Thibauld Menke est donc primordial. Il précise  : «  Mon rôle est de centraliser les liens et de porter les revendications. Aujourd’hui, on propose d’autres services mais de base on est un groupe d’action. La proposition de services est arrivée plus tard puisque le GAMP est né comme groupe militant.  » En ce sens, l’association est a-politique et fonctionne par le biais de bourses et de dons privés.

Cette indépendance permet de prendre position vis-à-vis de toutes les décisions prises autour du handicap et ce, par n’importe quel parti. Thibauld insiste  : «  L’ADN de notre association c’est le changement par le droit, par les lois. On essaye de se dégager d’une vision philanthropique ou charitaire du handicap. On cherche vraiment à ce que l’inclusion soit inscrite dans le droit.  »

 A lire : Plan d’action fédéral Handicap : 145 actions pour plus d’inclusion

Des constats inquiétants

Après plusieurs années d’études du terrain, l’association émet plusieurs constats.

Le premier concerne un manque flagrant de moyens et d’automaticité des diagnostics de handicap, pourtant primordiaux pour la qualité du développement futur. «  Le constat que l’on fait c’est que l’on ne s’occupe pas assez bien des enfants. On ne les dépiste pas assez tôt et une fois qu’ils sont dépistés, il n’y a pas une automaticité du diagnostic et une fois qu’il y a le diagnostic, il n’y a pas une automaticité de l’accompagnement non plus. Le diagnostic vous ouvre certaines portes mais ça n’est pas automatique.  »

Ce manquement se ressent d’autant plus pour les enfants atteint d’autisme qu’il n’est pas possible de détecter in-utéro. C’est d’ailleurs une grande partie de la population parentale qui contacte le GAMP. Pour Thibauld cela prouve «  que c’est un parent pauvre du handicap. On pense que le dépistage et le diagnostic sont super importants et il y a encore beaucoup d’efforts à faire.  »

D’autant plus que les conséquences d’un dépistage tardif entraînent des répercussions sur le développement des adolescents et adultes en devenir. «  Il faut savoir qu’un enfant dont on s’occupe mal ou pas, c’est un enfant qui va devenir un adolescent à problèmes puis un adulte qui va être de très grande dépendance.  » alerte le chargé d’assistance politique.

L’action politique de l’asbl est d’autant plus importante qu’elle permet de mettre en lumière des spécificités autour des problématiques du handicap qui ne sont que peu abordées dans les médias ou dans la culture populaire. Quand cette question est traitée, c’est souvent sous le prisme de la charité, du dramatique «  Essayez de voir des films où l’on présente le handicap sans vous faire tirer une larme mais plutôt d’un œil revendicatif, c’est très rare.  » pointe Thibauld.

La grande dépendance  : un handicap spécifique

La grande dépendance est le type de handicap sur lequel le GAMP se penche depuis plus de 15 ans. Pour Thibauld c’est même «  l’ADN de notre association. Elle se définit par un handicap qui ne permet pas aux personnes atteintes de réaliser les gestes simples de la vie quotidienne qui assurent leur survie, comme se nourrir. Cependant, la grande dépendance peut être aussi être mentale. Là c’est plus pernicieux car on ne peut pas toujours le voir. Par exemple, vous pouvez avoir une interaction avec un adulte autiste de grande dépendance, se rendre compte qu’elle est structurée différemment mais ne pas avoir l’impression qu’elle est en situation de grande dépendance, alors qu’en vérité elle n’est pas autonome et elle aura toujours besoin de l’aide d’un tiers.  »

Pour le GAMP, la meilleure manière d’accompagner ces personnes tout au long de leur vie n’est pas possible dans les structures des centres actuels. Pour Thibauld, elles sont trop « déshumanisantes. Dans notre association, on est pour une forme des dés-institutionnalisation. On s’oppose à des très grands centres, avec 1500 patients. On est plus pour des unités en inclusion, à échelle humaine comme le propose l’asbl les Pilotis avec ses petites unités.   »

Les bonnes pratiques

Tout milieu professionnel possède un ensemble de comportements qui font consensus et qui sont considérés comme indispensables. Ces comportements sont désignés sous le terme de «  bonnes pratiques  ». Malgré plusieurs rapports fédéraux du KCE (Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé) qui en font part pour le milieu du handicap, elles ne sont pas dispensées dans les formations officielles.
L’asbl GAMP s’inquiète alors de la qualité de l’accompagnement et propose des formations : «  On a réussi à négocier des prix attractifs pour les parents et professionnels. Ces derniers, s’ils veulent se former doivent le faire par eux-mêmes. Ainsi, on demande à revoir la formation des éducateurs spécialisés qui ne sont pas formés pour ce qu’ils voient et ce à quoi ils sont confrontés. Souvent leur rôle devient du gardiennage et pas le développement dont les enfants auraient besoin. »

La base des bonnes pratiques est de constituer une méthode qui soit constituée sur des preuves scientifiques. C’est donc l’évaluation des services qui permet de rendre compte de la réalité du terrain, ce qui est fait, ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Thibauld a fait une étude sur les bonnes pratiques auprès des centres qui accompagnaient de près ou de loin l’autisme. «  Je leur posais la question des bonnes pratiques. Beaucoup étaient démunis, ne savaient pas me répondre ou me demandaient «  quelles bonnes pratiques  ? On peut quand se dire que la situation est grave.  »

 A lire  : “Dites AAA” : sensibiliser les soignants à l’inclusion des personnes porteuses d’un handicap intellectuel

Les services du GAMP

Les formations représentent une partie de ce que propose le GAMP. Mais à ce pan plutôt tourné vers les professionnel.le.s s’ajoute l’organisation de moments dédiés aux parents. Face à la difficulté de trouver des informations, face aux situations difficiles à surmonter, l’association offre également l’occasion aux parents de se rencontrer, d’échanger et de partager des moments de «  répit  »  : «  On propose des «  moments répit  » avec des soirées pizzas, des cafés papotes…On essaye un maximum de créer des moments pour que les parent se retrouvent entre eux et pour échanger des informations.   »

Les demandes les plus récurrentes concernent en majorité le manque de places en milieu scolaire. Certains parents se retrouvent sans structures où inscrire leurs enfants dû au manque de place, à l’exclusion ou au refus de réinscription. L’équipe du GAMP est alors un vrai soutien dans l’apport d’informations pour les droits des parents mais aussi dans les démarches judiciaires. «  Les parents ont le droit de faire un recours, mais ils ne le savent pas. Je suis déjà allé jusqu’au tribunal avec certains parents pour faire des recours car ils étaient complétement perdus.  »

La seule solution proposée au manque de place est la liste d’attente qui peut durer plusieurs années. L’assistant politique appui sur le fait que «  l’enfant continue de grandir. Et donc un enfant qui n’est pas à l’école, qui ne sociabilise pas régresse. Il devient un adulte qui n’a pas été assez stimulé et qui va se retrouver dans des centres.   » Pourtant certains pays voisins développent des modèles qui évitent ce genre de situation, comme l’Italie  : «  En Italie, il y a une inclusion complète dans tout le système scolaire. Cet exemple montre qu’il faudrait revoir différemment l’ensemble du système scolaire. Notamment, sortir de l’idée qu’il ne doit y a voir qu’un adulte dans l’école. Je suis un ancien enseignant et j’ai bien vu que lorsqu’il y a avait un autre adulte dans ma classe, je ne trouvais pas ça normal. Mais il faut sortir de ça et ça demande une révolution du système scolaire.  »

Les professionnel.le.s du GAMP

Les membres sont en majorité des parents en recherche de solutions et de soutien mais certains professionnel.le.s font partie de l’asbl. Educateur.rice.s, psychologues, logopèdes, juristes… autant de profils qui se sont engagé.e.s à appliquer les bonnes pratiques. Ils.elles développent également des outils pour l’association, comme les histoires sociales à l’aide de pictogrammes  : «  Actuellement, on travaille beaucoup avec une psychologue formée à la méthode ABA (analyse appliquée du comportement). Par exemple elle développe des histoires sociales. Au début, on en a fait pour le COVID comme se laver les mains, faire un test, le vaccin, porter le masque… Cela permet aux enfants d’être moins angoissés. On peut les trouver sur notre site, à l’onglet Nos services.   »

«  Le recensement est une urgence  !  »

Depuis 2005, le GAMP fait la demande d’une mise en place d’un recensement régulier et automatisé des personnes en situation de handicap en Belgique. Cette demande est toujours restée lettre morte, gouvernement après gouvernement. Mais une lueur d’espoir est apparue avec le cabinet du ministre Rudi Vervoort qui proposait deux grands projets : la création d’une maison de l’autisme et la mise en place du recensement. Puis, le Covid. La crise sanitaire a retardé l’échéance.

Pourtant, connaître le pourcentage de la population porteuse de handicap est essentielle à la prise de décisions politique et aux financements des moyens. Thibauld insiste  : «  C’est une urgence d’obtenir ce recensement car il permet de définir les besoins des gens, combien sont ces personnes et ainsi planifier et anticiper le nombre de places à ouvrir. Il faut reconnaître que des places sont ouvertes mais sans savoir combien de personnes vont être sans solutions, combien sont sur listes d’attentes… Et ce qu’il se passe dans le milieu scolaire, se passe dans le milieu du logement. On ne sait pas dire combien d’enfants sont en déscolarisation.  »

- A lire : La Wallonie se met à l’heure du « handistreaming » : la dimension du handicap envisagée dans chaque décision du Gouvernement

Le groupe de paroles 

Depuis septembre 2021, le GAMP propose un groupe de parole destiné aux mamans d’enfants en situation de handicap. Moment privilégié pour faire part de son vécu, de ses inquiétudes, de ses doutes et de ses questions. Le groupe est animé par l’asbl Vie Féminine.

Au fur et à mesures des appels reçus par Thibauld, il lui est apparu indispensable de permettre aux mères d’avoir un moment et un lieu pour partager leurs expériences. Il nous confie «  J’ai beaucoup d’appels de mamans qui sont à bout, qui ont des demandes auxquelles je dois répondre qu’il n’y a pas de solutions. Et j’ai pensé qu’il fallait faire un groupe de paroles pour les mamans accompagnées d’une association féministe. C’était important pour moi qu’il y ai une association féministe pour que ces mamans puissent avoir conscience de leur rôle dans la société et de leur place en tant que mères et en tant que femmes.  »

La crise sanitaire a été le déclic. «  La période Covid a été un catalyseur. Ces mamans se sont retrouvées seules avec leurs enfants du fait des écoles et des centres fermés. Ça a été et c’est encore, très dur pour certaines. De plus, on ne pouvait pas se mobiliser puisque les rassemblements étaient interdits. Beaucoup de parents ont craqué.  »

Les profils des mamans sont essentiellement des mamans d’enfants autistes et maman monoparentale car malheureusement, Thibauld constate que «  le handicap est un facteur de séparation.  »

Ce qu’elles viennent chercher dans le groupe de paroles ne sont pas forcements des solutions mais plutôt «  de définir leur place, de s’autorenforcer et de trouver de la solidarité.  ». Le jeune homme conclut « A côté de cela, elles demandent d’avoir un endroit où toutes les infos sont centralisées.  »

A. Teyssandier



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