Un site de l'Agence pour le Non-Marchand
Informations, conseils et services pour le secteur associatif

Projet PAT : intégration des pairs-aidants dans le social-santé à Bruxelles et en Wallonie

18/11/24
Projet PAT : intégration des pairs-aidants dans le social-santé à Bruxelles et en Wallonie

En faisant appel à ceux qui ont vécu les difficultés de la maladie ou de la souffrance, la pair-aidance révolutionne les soins en apportant une corde en plus au monde du social-santé. Elle a pour objectif d’intégrer l’expérience d’anciens bénéficiaires d’aide et de soins, au sein des dispositifs psycho-médico-sociaux. Depuis 2020, le projet PAT (Peer and Team Support) propose d’accompagner les équipes qui souhaitent engager des pairs-aidants en tant que salariés. En 2020, le projet PAT devient actif en Région de Bruxelles- Capitale. Depuis 2024, il est en mesure de pouvoir également offrir ses services à l’ensemble des institutions wallonnes.

La pair-aidance intègre, d’anciens bénéficiaires d’aide et de soins, au sein d’équipes travaillant dans les secteurs psycho-médico-sociaux. Ceux-ci y partagent leur vécu et leur parcours de rétablissement, en donnant à ces équipes un éclairage qui colle au plus près aux réalités de terrain. Leur expérience apporte aussi un espoir de rétablissement aux personnes fragilisées, celles qui vivent dans la rue, qui souffrent d’addiction, qui sont tombées dans la prostitution, qui se retrouvent dans des situations de troubles psychiques,…

Comment le projet PAT a-t-il permis le développement de la pair-aidance ?

Projet mis en place par l’asbl Smes

Né de la collaboration entre les secteurs de la santé mentale et du social, l’ASBL Smes vise à améliorer l’accès aux soins et à l’aide sociale pour les personnes cumulant des troubles liés à la précarité sociale, à la santé mentale et aux addictions.

Le projet PAT (acronyme pour Peer and Team Support) a été concrétisé par l’ASBL Smes. Celui-ci est en œuvre depuis 2020 en région de Bruxelles-Capitale, et depuis 2024, il peut offrir ses services aux institutions wallonnes.

Stéphane Waha, pair-aidant, formateur et accompagnateur du projet PAT depuis son commencement, nous raconte que « ce projet est né de questionnements issus de certaines expériences initiées en France, notamment face à l’incompréhension de ce qu’était la pair-aidance et de demandes de structures qui s’étaient déjà tournées vers l’association Smes avant 2020 ».

Que propose le projet PAT ?

En pratique, PAT consiste en :

  • des formations à la pair-aidance et au rétablissement, pour des directions d’organisations, travailleurs psycho-médico-sociaux, … ;
  • un accompagnement personnalisé aux organisations qui souhaitent engager un pair-aidant ;
  • des intervisions à destination des pair-aidants et des coordinateurs des équipes travaillant avec des pair-aidants.

« Depuis septembre 2020, l’ASBL Smes a travaillé avec 38 équipes différentes et a permis l’engagement de 25 pairs-aidants. 4 engagements sont encore prévus d’ici fin 2024, parmi les équipes suivies pour le moment », mentionne Stéphane Waha.

Comment les équipes de santé mentale et sociale peuvent-elles intégrer un pair-aidant ?

Le projet PAT se définit comme un processus d’accompagnement se déroulant en plusieurs étapes qui couvrent l’entièreté du processus d’engagement du pair-aidant.

L’engagement se fait au sein d’équipes de professionnels qui s’investissent au quotidien dans le suivi de la personne et qui se demandent comment innover afin de rencontrer les besoins toujours plus criants.

Lire aussi : Les pairs-aidants en santé mentale : valoriser l’expertise du vécu

Quelles sont les étapes clés du processus d’engagement du pair-aidant ?

  • Au niveau de la structure accompagnée : analyser les besoins ; identifier les craintes et les représentations ; définir la fonction du pair-aidant une fois l’équipe partante pour le projet ; déterminer le financement et les conditions contractuelles ; voir comment mener l’entretien d’embauche du pair-aidant et préparer l’équipe au mieux à accueillir ce nouveau type de travailleur.

Stéphane Waha pointe « qu’il est indispensable de réfléchir avec les équipes demandeuses afin de déconstruire les représentations et de ne pas rester en vase clos. Qu’en amont de l’engagement d’un pair-aidant, il faut se poser certaines questions : qu’est-ce qu’un pair-aidant peut nous apporter ? ; en quoi va-t-il nous aider à encore mieux faire notre boulot ? ; comment l’intégrer comme un collègue à part entière. Le pair-aidant vient vraiment en complément à ce qui est fait dans l’équipe institutionnelle ». Et d’ajouter : « Etre présent aux entretiens d’embauche est important. Cela permet de mettre à l’aise le pair-aidant au niveau émotionnel ; qu’il se sente serein pour parler de son vécu (dans un entretien ‘traditionnel’, ce genre de sujet et le vécu émotionnel ne sont généralement pas abordés), de comment il va pouvoir aider l’équipe en place, en quoi il se sent pair et comment il se projette dans l’équipe ».

  • Au niveau de l’intégration du pair-aidant engagé : l’accueillir, le soutenir et le former ; le considérer comme un collègue à part entière ; l’accompagner pour qu’il trouve le juste milieu entre la proximité et la distance et gérer son évolution en tant que pair-aidant et le développement de sa fonction.

Après l’embauche, « les équipes peuvent être suivies par des échanges mais aussi par des outils mis en place dont ‘Le Guide des entretiens de fonctionnement’ qui est en cours de construction actuellement », précise-t-il.

Faire le choix de devenir pair-aidant : une nouvelle étape de vie

Un pair-aidant est un ancien bénéficiaire des services psycho-médico-sociaux qui va s’appuyer sur son propre vécu pour accompagner des personnes en difficulté. Il va être engagé au sein des structures pour les aider à encore mieux effectuer leur travail (pair-aidant de première ligne).

L’objectif principal du pair-aidant est de susciter l’espoir et de soutenir la capacité des personnes en rétablissement à décider pour elles-mêmes. Pour Stéphane Waha, « Le maître-mot qui guide le projet, c’est l’ESPOIR. Voir quelqu’un qui a fait du chemin et qui a récupéré sa vie ».

Certains pair-aidants sont également engagés, au sein de l’équipe PAT de l’ASBL Smes, en qualité de formateur-accompagnateur pour guider les organisations ayant le souhait d’engager un pair-aidant (pair-aidant de 2ème ligne).

Quel est l’apport de la pair-aidance pour le secteur psycho-médico-social ?

Avec la pair-aidance, des savoirs tirés de l’expérience de vie viennent en complément aux savoirs académiques et professionnels des équipes. Elle permet d’apporter aux structures professionnelles un nouvel éclairage sur le terrain de leur pratique.

« Travailler avec un·e pair-aidant·e, c’est amener une nouvelle paire de lunettes dans l’équipe » déclare un coordinateur dans la brochure du Smes « Développer la pair-aidance professionnelle – Pratiques et perspectives », publiée en avril 2024.

La nécessité de mettre en place des intervisions entre pair-aidants actifs ?

Les pair-aidants font partie intégrante des structures dans lesquelles ils sont engagés. Cependant, il est essentiel aussi pour les pair-aidants d’échanger et de réfléchir sur leurs pratiques au sein de groupes d’intervisions.

« Se retrouvent, à ces réunions d’intervisions, des pair-aidants travaillant dans des institutions de secteurs divers. Il n’y pas de personnes tierces qui y participent. On y réfléchit à des situations de terrains bien concrètes – des cas pratiques – : une analyse est faite, une mise en perspective et des ébauches de solutions,…Le fait de se retrouver entre pairs-aidants nous permet également de cultiver notre identité », déclare le pair-aidant et formateur.

Perspectives en cette fin d’année 2024

Il y a à l’heure actuelle des demandes de nouvelles équipes qui ont déjà consulté le Smes.

Stéphane Waha expose que « le fédéral a déjà débloqué des moyens spécifiques en 2023, dans divers secteurs, dont celui des hôpitaux psychiatriques (HIC - Unité High Intensive Care). Des appels à projets ont été lancés dans le cadre du trajet de soins internés et en matière de drogue et détention. »

Il conclut : « Je suis optimiste et j’espère que les régions vont également débloquer des moyens financiers pour soutenir l’engagement de pairs-aidants. Le recours plus systématique à la pair-aidance est inéluctable. Elle s’inscrit dans la suite logique de la réflexion sur la place centrale de l’usager dans le monde du social-santé ».

Laurence Demartin



Ajouter un commentaire à l'article





« Retour