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Madrane : "Le code est une révolution pour le secteur !" (VIDEO)

28/02/19
Madrane:

À la veille du scrutin du 26 mai, l’heure est au bilan. Le Guide Social a donc mis sur le gril plusieurs mandataires politiques. C’est au tour de Rachid Madrane, ministre de l’Aide à la jeunesse à la Fédération Wallonie-Bruxelles, de se prêter à l’exercice. L’entrée en vigueur du code de la Prévention, de l’Aide à la jeunesse et de la Protection de la jeunesse a été le point d’orgue de son mandat. Retour sur la genèse du projet et sur les nouvelles dispositions du décret.

[DOSSIER]

 La deuxième partie de l’interview de Madrane sur le refinancement du secteur
 La troisième partie de l’interview de Madrane sur la réforme des IPPJ

« L’ancien décret datait de 1991 ! Depuis sa création, il n’avait plus été modifié ou presque. Après 25 ans, il y avait un besoin criant de modernisation. Les gamins de 91 ne sont plus les gamins d’aujourd’hui », lance, Rachid Madrane. Il rajoute : « On a fondu tous les textes existants en un seul code. On a brassé tout le spectre qui relève de l’Aide à la jeunesse, de la prévention jusqu’aux faits qualifiés infractions : tout est rassemblé dans un seul et unique texte. »

Après trois ans de négociations et de réunions, le flambant neuf code de la Prévention, de l’Aide à la jeunesse et de la Protection de la jeunesse est finalement entré en application le premier janvier dernier. « Nous avons aujourd’hui un texte qui est une vraie révolution pour le secteur ! »

La prévention, son crédo

Très vite, Rachid Madrane s’est positionné en fervent défenseur de la prévention. Elle tient d’ailleurs une place de choix dans le nouveau code, devenant une politique spécifique. « J’estime qu’il faut absolument travailler en amont, quand les problèmes sont petits », pointe le ministre. « Parfois il est trop tard quand on nous présente l’enfant... On est déjà dans des solutions d’hébergement, alors qu’on aurait pu traiter le problème à la source. Cette situation n’est pas soutenable. Il était donc essentiel de faire plus de prévention auprès des enfants, des jeunes et des familles. »

Bernard De Vos, le Délégué général aux droits de l’enfant, se réjouit de cette valorisation de la prévention mais il exprime tout de même un bémol : pour lui, il manque une politique transversale de prévention, avec notamment le concours de l’enseignement. « Je suis pour un décret intersectoriel. Mais, il faut voir d’où on vient », répond l’élu socialiste. « Avant, la prévention était mise en œuvre par le conseiller qui travaillait dans un SAJ. C’est fini ! Via le code, on a créé un nouveau poste : le chargé de prévention. Sa mission principale ? Réaliser un diagnostic social sur l’arrondissement dont il est compétent. Il est chargé, avec les partenaires autour de la table comme les AMO, d’identifier les besoins en prévention et les solutions requises. »

Le Collège de prévention va regrouper les six chargés de prévention ainsi que toutes les administrations qui ont un impact sur la politique de l’Aide à la jeunesse. « Santé mentale, enseignement, emploi ou encore logement : tout le monde doit être là », précise-t-il. « Et c’est là qu’on a une vraie intersectorialité. Nous sommes donc face aux prémisses de ce que voudrait Bernard De Vos. »

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"Les AMO peuvent travailler avec un public plus âgé"

Grande nouveauté du code : l’âge pour bénéficier de mesures de prévention a été relevé à 22 ans, contre 18 ans auparavant. L’objectif est de permettre une meilleure transition de ces jeunes vers l’autonomie.

« Je voulais pousser jusqu’à 26 ans la prise en charge, l’accompagnement des AMO. Il a fallu faire des compromis et le terrain d’entente a été 22 ans. J’ai parcouru les rapports annuels des AMO et j’ai bien vu que certains travaillaient déjà avec des jeunes au-delà de 18 ans. C’était la réalité du terrain. Dans le secteur de la Jeunesse que j’ai depuis deux mois, les jeunes peuvent fréquenter les organisations jusque 26 ans et parfois 30. Le grand paradoxe était que pour ceux qui relèvent de l’Aide à la jeunesse, qui sont donc en grand besoin, ça se limitait à 18 ans. On leur disait : cher ami, l’Aide à la jeunesse a fait tout ce qu’elle pouvait pour toi, maintenant tu peux aller éventuellement chercher de l’aide dans un CPAS. La coupure était trop radicale ! »

Les AMO ont donc la possibilité de travailler avec un public plus âgé. Pour se faire, ils doivent demander un agrément. « Certains n’étaient pas favorables à cette mesure. Pourtant, aujourd’hui ce sont eux qui m’écrivent pour me dire : on aimerait bien travailler avec des jeunes de plus de 18 ans », révèle Rachid Madrane.

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Signature à 12 ans : le jeune trop responsabilisé ?

Il est aussi prévu une implication plus importante des jeunes dans l’élaboration et la concrétisation des mesures d’aide, notamment avec l’abaissement à 12 ans (au lieu de 14) de l’âge à partir duquel l’enfant, assisté par un avocat, doit donner son accord au programme d’aide qui lui est proposé. « Vous savez un enfant qui peut être adopté à 12 ans, on lui demande son avis. Avec la nouvelle législation sur l’euthanasie, un mineur de 12 ans est considéré comme ayant la capacité de discernement. Nous aussi, on considère que l’enfant, à 12 ans, a cette capacité », explique le mandataire politique. « En tout cas, cette mesure a suscité un grand débat entre les gens du secteur. Nous sommes parvenus à un compromis : le jeune doit être assisté d’un avocat quand il donne son accord. »

Roberto Mulas, son directeur de cabinet adjoint renchérit : « Pour les réfractaires, la mesure donne une trop grande responsabilité à l’enfant. Ils craignent aussi un conflit de loyauté envers l’un ou l’autre parent. Or, avant les parents ne signaient le programme d’aide que quand c’était un accompagnement mais pas quand c’était un placement. Maintenant les parents signent, comme l’enfant, toutes les décisions et donc inévitablement la décision ne repose plus sur les épaules de l’enfant comme on veut le faire croire. De plus, ces enfants, à 12 ans, ont vécu parfois des choses très dures, ils ont donc plus de maturité. Ils n’ont pas encore une vision d’adulte, attention, mais par rapport au problème, ils savent souvent ce qu’ils veulent. Et puis, l’avocat est là pour les aider à bien comprendre la situation et pour retraduire ce qu’ils disent. C’est une réelle avancée par les mineurs ! »

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Projet pour l’enfant, inédit en Belgique

Rayon changements, notons la création du « projet pour l’enfant ». Il vise à « garantir son développement physique, psychique, affectif, intellectuel et social » et « (...) l’accompagne tout au long de son parcours dans le cadre de l’aide à la jeunesse ou de la protection de la jeunesse ». « Cette mesure est inédite en Belgique. Elle existe dans d’autres pays, comme la France. L’idée est de répondre à cette question : qu’est-ce qu’on construit avec cet enfant ? », dévoile Rachid Madrane.

Concrètement, les mandants sont invités à formaliser dans un document les articulations des actions menées en faveur des jeunes. « Ce fil rouge va aider et aiguillonner toutes les personnes qui vont s’occuper de cet enfant », détaille-t-il. « Il est essentiel d’avoir une vue d’ensemble sur le projet à long terme. Le premier jour de la prise en charge, on doit construire sa trajectoire. Et, ce projet est élaboré avec la famille et l’enfant. Le document doit intégrer explicitement leur point de vue. Des échéances sont fixées. Cela permet aux enfants et aux parents de se projeter. C’est essentiel ! »

E.V.

Quelles seront les actions menées par Rachid Madrane s’il rempile au poste de ministre de l’Aide à la jeunesse après les élections de mai prochain ? Découvrez ses priorités dans cette vidéo :

Retrouvez la suite de l’interview de Rachid Madrane sur le site du Guide Social ce vendredi 1er mars. Le ministre répondra à nos questions concernant le refinancement du secteur de l’Aide à la jeunesse et les accusations de favoritisme et de conflit d’intérêt qui ont secoué son cabinet.



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