Éducateurs, travailleurs sociaux… les oubliés de la crise sanitaire
Travailleurs sociaux, éducateurs-trices, psychologues, assistant-e-s sociaux-ales : leur travail s’est largement complexifié depuis l’apparition du virus. Depuis la suspension des leçons dans les écoles, la réalité de ces professionnels s’est encore considérablement complexifiée. Les services résidentiels notamment sont désormais confrontés à la nécessité d’encadrer 24h/24 des enfants placés par les services de protection de la jeunesse ou des enfants en situation de handicap, alors que leur cadre de travail ne prévoit pas la « couverture » professionnelle des heures scolaires.
[DOSSIER]
– Béatrice, éducatrice dans la petite enfance, lance un coup de gueule
– Melissa, éducatrice, raconte son travail en temps de coronavirus
– "Nous, les éducateurs spécialisés, nous sommes des soignants !"
On a beaucoup parlé ces derniers jours de la situation délicate dans laquelle se retrouvent désormais certaines professions du fait de la pandémie du satané coronavirus. Outre les soignants, très exposés, les restaurateurs, les cafetiers ont notamment été l’objet des meilleures attentions de l’opinion publique. Jusqu’à leur réserver un intérêt trop prononcé et trop festif la veille d’entrée en vigueur de l’interdiction. Non sans risque en matière de santé…
Tous les métiers sont, en réalité, confrontés à des mesures de précaution ou à des réorganisations urgentes pour endiguer la propagation de la maladie et en préserver les plus faibles. Il en va ainsi pour le personnel de caisse dans les commerces d’alimentation, les chauffeurs des transports publics, dont les réalités difficiles et l’exposition à la contamination sont régulièrement commentées. On a également régulièrement fait état de l’exposition des enseignant-e-s avant que le gouvernement ne décide la suspension des leçons, du fondamental à l’enseignement supérieur.
Les conditions de travail des travailleurs sociaux, éducateurs-trices, psychologues, assistan-e-s sociaux-ales n’ont que très rarement retenu l’attention des médias. Leur travail a été pourtant largement complexifié depuis l’apparition du virus : prudence dans les relations sociales avec les familles des enfants ou des adultes accompagnés, renforcement des mesures d’hygiène au sein des différents services résidentiels, entourage psychologique renforcé pour les personnes plus fragiles, ont été parmi les premières priorités du personnel psycho-social pour faire face aux nouvelles exigences imposées par l’épidémie.
Depuis la suspension des leçons dans les écoles, la réalité de ces professionnels s’est encore considérablement complexifiée. Les services résidentiels notamment sont désormais confrontés à la nécessité d’encadrer 24h/24 des enfants placés par les services de protection de la jeunesse ou des enfants en situation de handicap, alors que leur cadre de travail ne prévoit pas la « couverture » professionnelle des heures scolaires.
On aurait pu craindre de la réserve, de la peur légitime, du retrait. Dès l’annonce des mesures gouvernementales, j’ai pris contact avec plusieurs directions d’établissements résidentiels concernés, pour voir comment ils comptaient s’organiser. J’ai entendu des inquiétudes bien sûr. Mais l’écrasante majorité des retours ont évoqué l’engagement du personnel, la raison, la solidarité avec les enfants et les familles et, par-dessus tout, une énorme créativité pour passer ce cap difficile en protégeant au maximum les enfants de la maladie et du contexte anxiogène qui nous traverse.
"Ces personnes sont les plus exposées à la maladie"
D’autres professionnels sont également concernés. Les puéricultrices qui continuent encore à accueillir les plus petits bien sûr. Mais aussi les nombreux travailleurs sociaux qui entretiennent une relation déjà ténue avec des personnes exclues ou en marge, dépendantes, abandonniques ou sans aucun domicile connu. Ces personnes sont les plus exposées à la maladie. Parce que les soins d’hygiène sont impossibles dans un contexte de rue. Parce que l’information même sur le virus qui nous menace ne leur est parfois pas arrivée. Je n’ai aucun doute que ces professionnels, tout en prenant les précautions d’usage, garderont le contact avec les personnes qu’elles accompagnent au long court et seront nos dernières sentinelles si la situation devait empirer.
Parce que je pense fortement qu’il faut à la fois limiter les interactions sociales au maximum et que je suis conscient qu’il faudra garder de la marge pour maintenir le contact avec les publics les plus faibles, j’encourage tous les services qui peuvent se mettre « en veille » et à mettre en place des modalités de travail à distance de le faire sans hésitation. Les travailleurs sociaux ont une conscience professionnelle bien ancrée, basée sur un contact proche et un accompagnement convivial des publics auxquels ils se consacrent. Y renoncer, même provisoirement, est un déchirement pour beaucoup. C’est pourtant la meilleure et sans doute la seule solution pour permettre d’infléchir la courbe de croissance de la pandémie, permettre aux soignant-e-s de travailler dans les moins mauvaises conditions et permettre à certains d’entre nous de garder leur attention aux plus fragiles. C’est dans cet esprit d’ailleurs que mon Institution a adopté des modalités de travail adaptées au défi que nous devons relever ensemble.
Merci à toutes et à tous pour votre engagement. La solidarité est notre guide. Elle nous aidera à traverser les moments difficiles qui restent à venir.
Bernard De Vos
Délégué général aux droits de l’enfant
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