Ils ont droit à des aides sociales... mais n'en bénéficient pas

De nombreuses personnes renoncent aux aides sociales dont ils sont les bénéficiaires légitimes. Ce phénomène, appelé le « non-recours aux droits sociaux », constitue un enjeu social et interroge la bonne application des lois et leur adéquation avec la réalité sur le terrain.
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Allocations de chômage, statut OMNIO, aide juridique gratuite : autant d’aides dont peuvent bénéficier des personnes en difficulté, qui font la force du système social belge. Pourtant, certaines personnes ne font pas valoir leurs droits aux prestations sociales auxquels elles pourraient prétendre. On appelle ce phénomène le "non-recours aux droits sociaux".
Complexité du système
Plusieurs paramètres sont à prendre en compte pour expliquer ce phénomène (résumés dans la typologie ci-dessous). La principale cause du non-recours est le manque d’information et de compréhension dans le chef des bénéficiaires mais aussi des travailleurs sociaux, incapables donc de la transmettre. Il peut aussi s’agir d’une forme de capitulation face à la complexité de la procédure administrative ou à la stigmatisation dont sont victimes les bénéficiaires, souvent précarisés. Si l’on en parle peu dans les médias – en tout cas moins que la fraude sociale – le phénomène est loin d’être rare. En 2010 par exemple, sur les 800.000 personnes qui auraient légalement droit au statut OMNIO (intervention majorée de l’INAMI), seules 316.700 en ont bénéficié… Le phénomène se manifeste également du côté des jeunes qui ne recourent pas au chômage ou des personnes qui ne demandent pas des réductions sur leur facture d’électricité.
Les CPAS montrés du doigt
Autre exemple flagrant : l’Aide médicale urgente, une couverture comparable à l’INAMI pour les personnes non reconnues par celle-ci (personnes sans titre de séjour légal, sans mutuelle…). L’AMU a été mise en place pour garantir le droit universel à la santé. Pour pouvoir en bénéficier, la personne est soumise à une enquête sociale par le CPAS. Mais en cours de route, la complexité des procédures et les conditions d’octroi contradictoires notamment rendent cette aide complexe à obtenir. Et les CPAS ne se montrent pas toujours coopérants, comme l’ont pointé plusieurs associations, notamment Médecins du Monde et La Ligue des droits de l’homme. « Lorsqu’on ne veut pas accorder le bénéfice d’un droit, il est excessivement facile de le refuser ou de ne pas acter la demande (ce qui empêche tout recours à la justice) », souligne ainsi la Ligue dans un dossier consacré à l’accès aux droits économiques, sociaux et culturels, thème de l’année 2014. Et La ligue de montrer du doigt le cas du CPAS de Bruxelles-Ville « qui avait fait circuler une note de service invitant les agents à ne pas acter certaines demandes » (Lire à ce sujet la carte blanche signée par plusieurs associations, « Trois ans de pratiques illégales au CPAS de la Ville de Bruxelles », Le Soir, 6 octobre 2013.
Simplification des procédures
Le Service de lutte contre la pauvreté interpelle également les responsables politiques sur la question du non-recours - qu’il préfère appeler « sous-protection » pour insister sur le rôle des politiques publiques dans ce problème - dans son Memorandum Protection sociale publiée en février 2014. Il évoque notamment la piste de l’automatisation des droits – qui consiste en une ouverture des droits dès que la personne est « repérée » (en respectant la vie privée des personnes) – et exigent que des efforts soient faits en matière de simplification : « Nous devons simplifier autant que possible la réglementation en matière d’assistance sociale et de sécurité sociale, y compris les formalités administratives à accomplir pour l’ouverture des droits, tout en veillant à ce que cela n’implique pas une perte de droits existants [et] intensifier les démarches pro-actives d’information, dans le respect de la vie privée. »
Manon Legrand
TYPOLOGIE DU NON-RECOURS AUX DROITS SOCIAUX
Comment expliquer que des bénéficiaires légitimes ne recourent-ils pas à leurs droits ? Les chercheurs de l’Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore), pionniers dans l’étude du phénomène en France, identifient trois situations :
– La non-connaissance : l’offre n’est pas connue. Cause : manque d’accès à l’information, mauvaise transmission des informations de la part du prestataire social.
– La non-demande : l’offre est connue mais pas demandée. Cause : Stigmatisation ; ou manque de confiance envers l’institution ; anticipation des difficultés ; difficulté de la procédure…
– La non-réception : l’offre est connue, demandée mais non obtenue. Cause : abandon de la demande ; changement de conditions d’octroi en cours de procédure, discrimination, dysfonctionnement du service prestataire.
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