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Le payement en question dans la pratique psy

15/01/18
Le payement en question dans la pratique psy

Le moment de payer la séance est tout à fait particulier et d’une grande portée symbolique. Dans la pratique quotidienne, il est un rituel singulier qui nécessite d’être pensé plus avant qu’une simple nécessité pragmatique.

L’argent condense réalité tangible et grande portée symbolique. Le prix de la séance, c’est ce qui fait vivre le psychologue, tout en restant une charge supportable pour le patient. C’est aussi un acte qui permet à ce dernier de s’inscrire dans un échange cadré, codifié. C’est enfin une occasion de discuter, d’échanger, d’élaborer et donc d’enrichir le processus thérapeutique.

Un montant variable

Le montant à payer pour consulter un psychologue est très variable d’un praticien à l’autre, d’un contexte à l’autre. Aucune grille n’existe pour permettre au patient de se repérer et de se faire une idée d’un tarif « adapté ». En cabinet privé, le prix oscille souvent entre 40 et 70 euros mais reste néanmoins à la libre appréciation de chaque praticien (même si on est loin de certains tarifs de « coach » qui peuvent atteindre des montants bien plus élevés et parfois même franchement déraisonnables). Il n’en reste pas moins que le patient, sans aucune boussole en la matière, peut se sentir perdu.

Un remboursement qui l’est tout autant

Les Mutuelles remboursent une partie des séances, ce qui allège le coût pour le patient. Ce remboursement est bien inférieur à celui qui est prévu pour une consultation chez le psychiatre, ce qui me semble anormal, mais bien sûr « c’est mieux que rien ». Sauf que, là aussi, chaque Mutuelle va offrir une aide différente, sans consensus ni pour le montant remboursé ni pour le nombre de séances prises en compte. D’autres institutions vont également offrir des remboursements, parfois totaux, avec des règles d’application toujours particulières. Une fois de plus, il est difficile de s’y retrouver.

Et dans les institutions ?

En institution, la question du payement n’est pas plus transparente : chacune fait comme elle l’entend. Le prix de la séance peut ou non se baser sur les revenus du patient et parfois véritablement se négocier lors de la première séance (« Qu’est-ce qui est possible pour vous ? »). Certains hôpitaux vont même plus loin dans les subtilités et feront payer la séance en ambulatoire pour la rendre gratuite en hospitalisation. Même lieu, même praticien, même thérapie, mais parfois vous payez et parfois non. Allez-vous y retrouver !

La question de l’annulation

Tous les praticiens y sont confrontés. Cette question est délicate car elle concerne deux plans bien distincts. Le payement assure d’abord la viabilité financière de notre activité professionnelle. Cet aspect n’est absolument pas spécifique de notre profession et mettre cette nécessité en retrait dans cette réflexion serait une grande hypocrisie. Mais dans notre cas, la nécessité de penser le cadre des annulations éventuelles concerne également le processus thérapeutique lui-même. Et là encore, les pratiques divergent. Quel est le délai raisonnable ? 24h ? Une semaine ? Et pour les absences de dernière minute, la règle est-elle immuable ou peut-elle souffrir des exceptions ?

D’abord une occasion

Tous ces « manquements » au cadre sont d’abord des occasions, des occasions de discuter, des opportunités de mettre quelque chose au travail, de mettre des mots sur ce qui se passe alors. Un cadre trop rigide peut permettre au psychologue de se cacher derrière et d’anoblir sous le sceau de la sacro-sainte règle thérapeutique des réalités financières qui le concernent lui aussi. Un cadre trop flou, malmené, affaiblit le processus de la rencontre et ne permet pas au praticien de s’y appuyer pour en faire une occasion de mise au travail. Comme toujours, c’est le cas par cas et le questionnement clinique qui sont les meilleurs guides.

Au final

Payer, pour nos patients, c’est se donner la permission de déposer. Payer, c’est aussi inverser quelque chose dans cette relation tellement asymétrique et permettre ainsi d’inscrire la rencontre dans un échange dans lequel chacun apporte sa contribution. Payer, c’est encore une occasion, celle de s’appuyer sur le cadre pour mettre quelque chose au travail. La question du payement est donc complexe. L’important, c’est justement de profiter de cette complexité pour en faire une opportunité de réflexion, inlassablement, tout au long de notre pratique professionnelle.

D. Bertrand, psychologue

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Commentaires - 1 message
  • VoilÍ  un texte qui remet "l'église au milieu du village"!
    Article nuancé qui permet de réfléchir Í  la pratique du psychothérapeute psychologue et qui donne des informations pertinentes aux patients.

    Ana Evangelista

    Ana Evangelista mardi 28 mars 2017 07:35

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