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Chronique d'un psy : combien tu prends ?

16/03/17
Chronique d'un psy : combien tu prends ?

Coup de projecteur sur un élément qui peut paraître tabou chez les psychologues cliniciens : le prix d’une consultation.

Cette semaine, un grand mal s’est immiscé dans le creux de mon ventre, le genre d’anxiété qui ne peut vous prendre que pour une seule et unique raison : l’approche d’un repas de famille. C’était pour moi l’occasion de rediscuter des bases de mon métier avec mon oncle, cet être touchant, un peu raciste, au bord de l’alcoolisme, pas très futé. Bref, on est loin du fin fleuron de la marine anglaise, sachant que mon oncle est au raffinement ce qu’une embarcation au large de Lampedusa est au Titanic, c’est-à-dire pas grand chose malgré le funeste destin qu’ils ont certainement en commun.

Je le sais pertinemment, tel un Don Quichotte des temps modernes, je vais devoir batailler face à un moulin à vent, qui brasse autant d’inepties qu’il cuve son vin, mais lorsque tonton José se permet de critiquer ma profession, mon sang ne fait qu’un tour. « Finalement ton boulot, c’est écouter les gens et empocher de l’argent, non ? »

Non, tonton, mon métier, ce n’est pas qu’ « écouter » les gens et certes, je demande une rétribution financière pour une consultation, mais elle est à l’image de mon parcours universitaire, de ma formation continue, de mon expérience et du fait qu’il n’y ait pas de psychologue dans les 25 kilomètres qui entourent mon cabinet, diantre ! J’étais donc fier de ma répartie lorsqu’il m’asséna un coup que je n’avais pas vu venir : « Ça coûte combien une consultation chez toi ? »

Non, mais il clapote de la cafetière, le vieux ! Déjà que l’on ne parle pas de ça entre psy, je ne vais certainement pas étaler le prix de mes consultations à table entre le fromage et le dessert ! Quoique, après réflexion, pourquoi doit-on avoir honte de ce que l’on gagne ? J’ai finalement du mal à comprendre d’où vient cette réticence à annoncer le prix de la consultation entre professionnels. Clairement, vous verrez toujours les plus rusés d’entre nous s’en sortir en effectuant une pirouette de langage : « Ça dépend du patient ». Oui, mais en attendant, pour le patient lambda ? C’est combien ? On ne badine pas avec ces choses-là, monsieur !

Un brin hypocrite ? Il y a certainement de ça. Il est clair qu’entre bons collègues, on aura plus facilement tendance à critiquer autrui, en prenant bien soin de ne pas stipuler son propre tarif, qui, telle la recette de potion magique d’un célèbre druide gaulois, est gardé secret. « Tu sais combien il demande untel pour 50 minutes ? 75 euros ». « Il est gonflé ! »

Je vous arrête tout de suite, le but de cette chronique n’est pas de descendre mes confrères qui ont certainement une très bonne raison de demander la moitié d’un salaire par séance. Ce qui me meut, c’est de comprendre pourquoi il n’y a que si peu de transparence entre nous ? Alors que certains médecins spécialistes comparent leurs tarifs avec autant d’aisance que deux beaufs détailleraient leur voiture tunée ou leur compagne, mélangeant certainement les deux, de notre côté, on y va d’un petit sourire gêné pour annoncer doucereusement que l’on demande 50€ tout en embrayant en vitesse sur la possibilité de se faire rembourser partiellement par sa mutualité… Bref, amis psychologues, je ne sais pas si c’est finalement de l’hypocrisie, de l’humilité, de la honte, ou simplement de la gêne parce qu’à l’heure actuelle, on ne rembourse pas suffisamment nos prestations.

En conclusion, cette semaine, j’ai décidé d’assumer mon tarif devant l’ensemble de ma famille, stipulant sans pudeur que ce que je demandais était une certaine somme, mais que le jour où la sécurité sociale se rendra compte que ça vaut le coup de rembourser un peu plus nos entretiens, ils prendront conscience de l’importance de mon métier. Il s’en est suivi un silence gêné, durant lequel je me suis rendu compte que finalement, à force de vouloir me défendre d’une attaque fictive, c’était mon paquebot qui était en train de prendre l’eau.

T. Persons

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