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Le travail social : un service comme tant d'autres ?

19/01/18
Le travail social : un service comme tant d'autres ?

Toutes les sociétés connaissent des inégalités, plus ou moins marquées. L’aide aux personnes qui en sont victimes fait partie de la réalité de chaque société, à des degrés divers. Chez nous, historiquement, le travail social n’a pas toujours été lié à l’activation des personnes et tant les bénéficiaires que les travailleurs n’ont pas toujours été pris dans un engrenage si complexe.

Notre société est passée de l’organisation d’une solidarité collective à une responsabilisation individuelle. La diminution du nombre d’emplois peu qualifiés et la recherche de profils beaucoup plus techniques rendent difficile l’intégration sur le marché de l’emploi pour les plus fragiles. Formations et incitants à l’embauche ont le mérite d’exister, mais ne peuvent remédier à eux seuls à un système défaillant.

De la responsabilité collective à une responsabilisation individuelle

Par le passé, la société, incapable de fournir une activité génératrice de revenus à tous ses citoyens, se chargeait d’entretenir les laissés pour compte. De nos jours, elle demande aux travailleurs sociaux d’intégrer ceux qui ne travaillent pas. La mécanisation et la mondialisation ont fait drastiquement diminuer le nombre d’emplois, surtout peu qualifiés. Aujourd’hui, les métiers les plus en pénurie sont des professions techniques hautement qualifiées pour lesquelles il faut faire des études longues et complexes. Inutile de dire que ce n’est pas le profil de la très grande majorité des bénéficiaires de services sociaux.

Un manque d’emplois

D’un point de vue purement quantitatif, le nombre d’emplois disponibles est inférieur au nombre de personnes sans emploi. Notre société fait donc peser sur le bénéficiaire, par le truchement du travailleur social, la responsabilité de se trouver un emploi qui n’existe pas ou pour lequel il n’est pas formé.

Un jeu de dupes

Afin de permettre aux profils de mieux correspondre, l’offre de formations pour demandeurs d’emploi a explosé, ainsi que l’incitation à se former, surtout pour les travailleurs les moins qualifiés. Soyons réalistes, ces formations, aussi intéressantes et complètes soient-elles, ne remplacent pas un cursus complet et ne correspondent pas forcément aux attentes, de plus en plus complexes, des employeurs.

Un cercle … vicieux ?

Pour inciter à la création d’emplois, des aides sont mises en places : Articles 60, PTP etc. Dans certains cas, ces tremplins débouchent vers un emploi stable et durable, mais la plupart du temps, la personne entre dans un cercle bien connu des professionnels du secteur, qui a pour effet de lui permettre de sortir un temps seulement du système des aides sociales.

De l’Etat Providence …

Jusqu’à la Révolution Industrielle, l’assistance est une prérogative de l’Eglise : la charité est une obligation morale. Par la suite, elle fait place à une grand « enfermement » visant à rééduquer les pauvres par le travail forcé. La fin de la seconde guerre mondiale voit le salariat se structurer et gagner en force et en protection : durant la période des Trente Glorieuses, les personnes bénéficiant de l’aide sociale sont les quelques-uns à qui ne profite pas le « plein emploi ». Au milieu des années 70, nous passons d’une « faveur » sociale fort arbitraire au droit à un minimum de moyens d’existence (Minimex) auquel est adjointe une conditionnalité assez faible. L’idée est alors d’éradiquer la pauvreté, ce qui ne se réalisera pas.

A l’Etat Social actif

La très forte augmentation du nombre de minimexés et les critiques sur le rôle passif de l’Etat Providence remplaceront progressivement le principe d’un « droit à l’aide sociale » par un « droit à l’intégration » : combattre la pauvreté par des allocations ne suffit plus, il faut également utiliser le levier de l’emploi. L’Etat « Providence » devient « Social actif », les PIIS naissent, afin d’éviter que les bénéficiaires, de plus en plus jeunes ne « s’installent dans le circuit de l’aide sociale ». La loi sur le droit à l’intégration sociale de 2002 consacrera ce changement, et ce retour vers un « travail forcé ».

Un choc de perspectives

Nous venons d’une longue tradition d’assistance sociale aux plus démunis. Cette tradition est encore fortement ancrée dans l’inconscient collectif. Parallèlement à cela, depuis plusieurs décennies, notre société est en mutation constance. Le capitalisme, la libéralisation et la mondialisation ont profondément transformé les structures sociales et économiques, accentuant les inégalités. Ces mutations ont également de grosses incidences sur le monde politique, modifiant l’équilibre des pouvoirs et reléguant l’Etat au rôle d’organisateur. Conséquence de tout cela, des bénéficiaires, pour certains habitués à être pris en charge, se heurtent à des travailleurs ayant pour mission de les intégrer dans un système complexe et parfois hostile.

MF - travailleuse sociale

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