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Violences institutionnelles. Et les collègues dans tout ça ?

29/10/18
Violences institutionnelles. Et les collègues dans tout ça ?

Les violences deviennent de plus en plus fréquentes dans les institutions sociales. Qu’elles soient le fait d’usagers ou de la direction, elles sont toujours traumatisantes pour le travailleur qui y est confronté. De plus, elles sont rarement reconnues en tant que telles et la victime vit une double peine : celle de la violence en elle-même et celle du manque de reconnaissance de celle-ci. Par ailleurs, la violence au travail peut aussi provenir de ses pairs, ses collègues.

[Dossier]

 Etre victime de violences au travail
 Institutions sous pression : quand la violence devient une norme

En tant que travailleur social, nous nous habituons à évoquer les actes violents commis parfois par nos usagers. Ces derniers nous traumatisent et les suites qui y sont réservées ne sont pas toujours adéquates, mais nous nous habituons à en parler. Tout comme, malheureusement, nous nous habituons également à évoquer les violences parfois commises par les directions, qui relèvent souvent de harcèlement moral et ont des conséquences tout aussi néfastes. Un sujet reste cependant tabou : les actes et comportements violents parfois commis entre collègues.

Un travailleur adaptable à l’infini ?

Dans la grande famille des clichés du travailleur social, il en est un qui a la dent particulièrement dure. Celui du travailleur social parfaitement capable de fonctionner en équipe, avec n’importe qui. Peu importe la profession, le caractère, les inclinaisons, méthodes de travail ou manières d’être, le travailleur social s’adapte. C’est d’ailleurs un de ses maîtres-mots. Evidemment, rien n’est plus faux. Certains travailleurs sociaux, par ailleurs extrêmement compétents, ont plus de difficultés à se « couler dans le moule » de leur équipe. Et tous les terrains ne conviennent pas à tout le monde.

Une équipe est un système

Car c’est bien ce dont il s’agit : un moule. Une équipe de travail est un système et, comme nous le savons, en analyse systémique, on considère que « Le tout est plus que la somme des parties qui le composent ». Autrement dit, une équipe de travail est comme un être vivant, un système, avec sa personnalité, ses codes, ses règles et son fonctionnement propre. Ce qui signifie que ses membres réagissent et se comportent parfois tout à fait autrement dans le cadre de l’équipe qu’ils ne le feraient individuellement.

Tendre vers l’homéostasie

Un des moteurs d’un système est la préservation de son équilibre. Beaucoup de démarches entreprises, de manière consciente ou non, le sont dans cet objectif. Comme tous les êtres vivants, un système cherche l’homéostasie, l’équilibre. Cet équilibre lui est vital. Aussi, par exemple, lorsqu’il est confronté à des changements, le système résiste souvent dans un premier temps. Lorsque ces changements deviennent inéluctables, il s’y adapte de manière à trouver son équilibre. Lorsqu’il est attaqué ou menacé, le système se défend afin de préserver son équilibre.

Bouc émissaire

Une institution qui dysfonctionne, quelle qu’en soit la raison, attaque le système. Ce dernier se défend donc, dans l’objectif de retrouver et maintenir son équilibre. Une stratégie souvent mise en place est la désignation d’un bouc émissaire. Il peut s’agir d’une personne perçue comme extérieure à l’équipe, la direction par exemple, ou d’un membre de l’équipe, un collègue. Le bouc émissaire est rendu responsable de tous les problèmes et dysfonctionnements du système, qui seraient miraculeusement résolus par sa disparition. La personne étiquetée comme bouc émissaire est souvent le collègue qui, en ne « rentrant pas dans le moule » de l’équipe, perturbe déjà le système par sa simple présence. Malheureusement, si rien n’est mis en place pour aider l’équipe, les choses peuvent parfois aller très loin pour la personne désignée comme tel.

Triangulation et supervision

Il est impossible pour une institution d’éviter les dysfonctionnements. Plus elle grandit, plus elle se complexifie et plus elle augmente les risques de dysfonctionner. De même, il est impossible pour une équipe de ne pas fonctionner comme un système, puisque c’est ce qu’elle est. Tous les travailleurs ne se coulent pas dans les moules de toutes les équipes. Ce qui fonctionne bien à un endroit ne fonctionnera peut-être pas ailleurs. Les mentalités et manières de travailler, les connivences varient fortement selon les régions, les secteurs, etc. Tout le monde peut un jour être cet élément qui perturbe le système. La triangulation devient une alliée précieuse dans ces cas-là, car une équipe peut rarement s’en sortir seule, sans parler des conséquences néfastes sur le travailleur étiqueté. De nombreuses possibilités de supervision institutionnelle existent pour aider les institutions et leurs travailleurs.

MF - travailleuse sociale.



Commentaires - 2 messages
  • Merci MF - travailleuse sociale pour ce texte mettant en exergue la nécessité de mettre en place des supervisions afin de prévenir les violences institutionnelles.

    Quentin VASSART dimanche 18 novembre 2018 23:05
  • Je vous remercie aussi d'oser parler de cette réalité de bouc émissaire. J'ai tenté à maintes reprises d'alerter sur le fait qu'il fallait une supervision institutionnelle. L'équipe et le CA ont préféré désigner un bouc émissaire, la coordination, qui épuisée de se battre contre des moulins tel Don Quichotte, a fini par abdiquer. Une bien triste réalité ! Malgré le signal donné par la superviseuse pédagogique de commencer une supervision institutionnelle, celle-ci n'a pas eu lieu. Et à chaque coordination, il y a des soucis....

    CA anonyme lundi 28 juin 2021 21:04

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