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Institutions sous pression : quand la violence devient une norme

10/10/18
Institutions sous pression : quand la violence devient une norme

De plus en plus, nous entendons parler de violences commises au sein de nos institutions sociales : CPAS, services sociaux généraux, services spécialisés, lieux d’hébergements, etc. Qu’elles soient le fait d’usagers, de collègues ou de la direction, le travailleur social y est confronté. D’où viennent ces violences, quelles sont les pressions auxquelles nous sommes soumis, et comment faire pour s’en protéger au mieux ?

[Dossier]

 Violences institutionnelles. Et les collègues dans tout ça ?
 Etre victime de violences au travail

Nos institutions sociales sont des lieux où des êtres humains travaillent avec et pour d’autres êtres humains en difficultés, qui plus est dans des conditions parfois périlleuses. Les ingrédients pour voir naître des situations violentes sont donc parfaitement réunis. Les années passant, il semble que cette pression et la violence qui en découle ne fassent qu’augmenter. Qui plus est, cette violence provient de plusieurs sources, avec pour point commun que le travailleur social peut difficilement y échapper.

Une question de survie

Les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles : emplois précaires, durcissement des conditions d’accès aux allocations de chômage, diminution du pouvoir d’achat, aides sociales en berne, etc. Avec une telle configuration, la satisfaction des besoins de base tels que définis par Maslow (physiologiques et de sécurité : logement, nourriture, habillement, soins médicaux) n’est plus assurée. Lorsque la satisfaction de ces besoins de base n’est pas certaine, l’être humain passe en mode « survie », ce qui peut expliquer des réactions violentes à l’encontre de celui qui semble faire obstacle, en l’occurrence le travailleur social.

Un cercle de pressions

Les directions des institutions sociales ne sont pas en reste : elles aussi connaissent le stress de faire plus avec moins. De plus en plus de bénéficiaires frappent à leurs portes et plus de missions leurs sont confiées. A l’opposé, il leur est difficile d’engager durablement de nouveaux travailleurs sociaux ou de remplacer les malades. En outre, les conditions d’accès et de maintien de l’aide reçue se durcissant, la mission de contrôle prend plus d’importance. In fine, il revient au travailleur social de mettre en place sur le terrain ces nouvelles mesures de contrôle. Il lui revient aussi de faire plus avec le même temps de travail, de faire part des inévitables refus, etc. Cette forme de violence est plus sourde, mais elle existe néanmoins, et alimente la violence des bénéficiaires, par le truchement du travailleur social, qu’elle atteint également.

Les équipes en difficulté

Soumis à ces pressions des directions et des bénéficiaires, il n’est pas étonnant que le travailleur craque et passe lui aussi en mode « survie ». Sa santé physique et mentale peut en pâtir, ses « zones tampon » peuvent devenir insuffisantes, entraînant des absences de longue durée, etc. Certaines équipes resserrent les liens, mais de nombreuses éclatent, rendant le travail quotidien d’autant plus difficile. La violence entre collègues peut surgir de la sorte. Il s’agit également d’une forme de violence plus larvée que celle issue des bénéficiaires, mais elle est tout aussi impactante, dans le sens où elle vient démentir le soutien que l’on est en droit d’espérer de ses pairs.

Réintroduire du confort de travail

Il est possible de mettre en place des solutions de manière individuelle : apprendre des trucs et astuces pour gérer l’agressivité des bénéficiaires lors de formations continues ; se référer à son cadre de travail, aux rôles, missions et fonctions de chacun et oser refuser une charge de travail trop lourde ; conserver une certaine distance avec ses collègues lorsque les tensions font naître des jeux malsains au sein de l’équipe, etc. Ces solutions individuelles permettent de réintroduire un certain confort de travail lorsque l’on se trouve dans la difficile position qu’est celle du travailleur social. Il est en effet un tampon entre sa direction et ses bénéficiaires, au sein d’une institution sociale qui fait elle aussi office de tampon entre le politique et la population.

Des solutions structurelles

Il ne faut cependant pas se leurrer : si les conditions de vie continuent à se durcir, les pressions vont s’intensifier, rendant la mission du travailleur social encore plus périlleuse et l’exposant de plus en plus aux diverses formes de violence évoquées. A long terme, des solutions structurelles sont préférables : investir dans une éducation de qualité pour tous afin d’espérer une insertion durable de chacun n’est qu’un exemple parmi d’autres. A son échelle, le travailleur social n’a que peu de pouvoir décisionnaire, mais il peut, par exemple, faire entendre sa voix au sein de fédérations qui, elles, sont présentes sur la scène politique. Il peut aussi introduire ou accentuer cette notion d’éducation permanente dans son travail quotidien. Oeuvrer à la mise en place de solutions structurelles permet au travailleur de réintroduire un certain pouvoir d’action dans une situation où il peut se sentir pris au piège.

MF - Travailleuse sociale

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