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Alix, fée des séniors : portrait d’une artiste et psychomotricienne relationnelle

Alix, fée des séniors : portrait d'une artiste et psychomotricienne relationnelle

Alix Houbart est une jeune psychomotricienne de 28 ans qui a choisi, non seulement de se spécialiser dans le travail avec les séniors, mais aussi d’intégrer l’art dans sa pratique professionnelle. Ce mariage lui permet de réaliser des activités à la carte, de stimuler l’esprit des séniors, de remettre en route le corps, de faciliter l’expression en offrant une variété de langages. Nous sommes partis à sa rencontre et à la découverte de son univers.

Le Guide Social : Qu’est-ce qui vous a conduit à devenir psychomotricienne ?

Alix Houbart : J’ai toujours été attirée par le secteur social et la psychologie au sens large. J’ai d’ailleurs commencé par faire une année de bachelier d’assistant en psychologie, mais je me suis rendu compte que cela manquait de pratique, que les études ne me convenaient pas entièrement.

J’ai découvert la psychomotricité à l’occasion de journées portes ouvertes et ai été séduite, d’une part, par la place dévolue à la pratique et, d’autre part, par le travail autour de la relation corps-esprit. Cette dernière me fascine depuis longtemps, j’aime le fait que l’on puisse accéder à des maux à l’aide de mots.

J’ai envie de faire partie de celles et ceux qui prennent soin des séniors

Le Guide Social : Pourquoi avoir choisi de vous spécialiser dans le travail avec les séniors ?

Alix Houbart : J’ai toujours été entourée par beaucoup de personnes âgées : mes grands-parents, mais aussi mon papa, qui était plus âgé que la moyenne des pères de mon entourage. De ce fait, mes oncles et tantes l’étaient aussi, ainsi que mon parrain.

Toutes ces personnes ont toujours fait preuve de beaucoup de sagesse, et ils ont tellement à apporter. J’ai été très touchée par le mélange de force et de fragilité qui en émane. En fait, mon histoire personnelle fait que j’ai une aisance particulière avec ce public. Lorsque j’ai entamé mes études de psychomotricité, j’ai fait un premier stage qui a confirmé cela. De plus, j’ai l’impression que les séniors sont un peu oubliés de notre société une fois qu’ils sont placés en maison de repos. J’ai envie de faire partie de ceux qui en prennent soin.

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Le Guide Social : Vous vous définissez comme psychomotricienne relationnelle, pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?

Alix Houbart : La psychomotricité relationnelle est une forme de thérapie utilisant le corps et la relation comme outils pour maintenir un équilibre à la fois au niveau psychologique et au niveau moteur.

Le Guide Social : Comment est née votre activité professionnelle ?

Alix Houbart  : Une fois mon diplôme en poche, j’ai cherché un emploi pendant 2 ou 3 ans. J’avais le souhait de m’intégrer au sein d’une équipe pluridisciplinaire, mais je n’ai rien trouvé. Pour rester en lien avec le terrain, je faisais du bénévolat dans une maison de repos. Au fur et à mesure, je me suis dit que j’allais créer mon propre emploi. J’ai donc travaillé avec une plateforme afin de devenir indépendante.

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Il y a eu tout un processus de réflexion sur mon job idéal et il m’est apparu évident de mêler l’art et la psychomotricité. Je suis moi-même artiste depuis 13 ans et, à mes yeux, l’art est une forme d’expression émotionnelle qui touche tout le monde. C’est un excellent moyen d’entrer en contact avec les séniors qui parlent moins et c’est aussi une pratique intéressante pour travailler la motricité fine, en plus de permettre l’expression d’émotions refoulées, de regrets, de remords, etc.

Il avait la maladie d’Alzheimer, mais se souvenait encore de toutes les chansons de Joe Dassin

Le Guide Social : Comment intégrez-vous l’art dans votre pratique de la psychomotricité relationnelle ?

Alix Houbart : J’utilise plusieurs outils, principalement la peinture et le dessin. D’ailleurs, je propose un atelier mi-peinture, mi-dessin. Étant donné que mes séances sont articulées autour des séniors, de leurs besoins à l’instant T, et qu’ils participent au maximum à leur construction, j’utilise également les techniques qui leur parlent le plus.

Par exemple, j’ai beaucoup employé le chant avec un sénior dont c’était la passion et qui était dans une chorale avant de déclarer sa maladie. Il avait la maladie d’Alzheimer, mais se souvenait encore de toutes les chansons de Joe Dassin. C’est donc par ce biais que je suis entrée en relation avec lui. Notamment lorsqu’il était agité, le fait d’entendre Joe Dassin l’apaisait directement. Il y a eu des moments où nous avons même eu un dialogue tout à fait normal, comme s’il n’était pas malade, ce qui était très rare.

Dans un autre registre, j’ai aussi créé des jeux adaptables à tous les séniors, notamment une boîte fermée, où on peut uniquement glisser la main et dans laquelle je mets différents objets, de préférence en lien avec la personne : un vieux réveil, un dé à coudre, une pipe, etc. Ils doivent deviner l’objet qu’ils touchent dans la boîte et, lorsqu’ils le sortent, j’enchaîne avec des questions qui évoquent des souvenirs, pour faire travailler la mémoire.

J’ai également mis au point des coloriages personnalisés que les séniors peuvent faire quand je ne suis pas là. Je les propose avec un petit set complet : crayons, marqueurs, taille-crayon etc. Tout ça est né de la demande de patients qui voulaient avoir quelque chose à faire entre deux séances. J’ai réalisé un catalogue d’échantillons de tissus pour une patiente qui avait été couturière. Elle avait perdu la vue, donc ici, ce qui était intéressant à travailler, c’était le toucher et la mémoire. Une autre dame aimait beaucoup danser, j’ai utilisé cette ancienne passion pour l’aider à se remettre en mouvement. Je trouve important de remettre en valeur leur expérience de vie, leurs connaissances et d’adapter mes propositions à qui ils sont. De la sorte, on travaille en s’amusant et on agit énormément sur l’estime de soi, ce qui est essentiel.

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J’essaie de faire ressortir les rides du sourire plutôt que la ride du lion !

Le Guide Social : Comment construisez-vous vos séances et vos suivis ?

Alix Houbart : J’établis les objectifs de base avec le sénior et ses proches, le cas échéant, mais ensuite, je m’adapte au jour le jour, en fonction de leur état et de leurs besoins du moment. J’essaie toujours de partir avec un objectif de départ qui vient de la personne et qui la motivera réellement. Par exemple, j’ai eu une patiente avec des difficultés motrices, qui marchait à l’aide d’un déambulateur et dont l’objectif était de partir en vacances sans son déambulateur, uniquement avec une canne. Nous avons travaillé en ce sens et elle a pu laisser son déambulateur à la maison lorsqu’elle est partie en vacances.

Ceci dit, en gardant les objectifs de base en tête, j’essaie de m’adapter aux besoins immédiats. Notamment, j’ai eu une patiente qui aimait beaucoup la peinture, que j’utilisais pour travailler sa motricité fine. Un jour, en arrivant chez elle, je vois qu’elle est agitée et pas dans les dispositions pour que la séance habituelle puisse avoir lieu. En fait, elle est très coquette et était mal à l’aise car ses cheveux étaient sales et ses draps tâchés. Nous avons donc lavé ses cheveux et changé ses draps ensemble. C’est une autre manière de travailler sa motricité fine, tout en l’aidant à s’apaiser et en construisant une relation de confiance. Ça prend du temps, mais ça me permet aussi d’aller plus loin dans le travail, notamment thérapeutique. Beaucoup de familles me font remarquer que leurs proches s’ouvrent à moi plus qu’à d’autres, y compris lorsque ce sont des personnes qui ne font pas facilement confiance. Je communique également beaucoup avec les familles, tout d’abord en leur expliquant concrètement ma démarche, et aussi en les tenant informés via un petit message après chaque séance. Ça les rassure et leur permet aussi d’en parler au sénior pour continuer à entretenir la mémoire.

Je vise toujours des améliorations au niveau de la mémoire, de la mobilité et de l’estime de soi

Le Guide Social : Quels changements observez-vous chez les séniors après vos séances ?

Alix Houbart : Je vise toujours des améliorations au niveau de la mémoire, de la mobilité et de l’estime de soi. Ce sont, à mes yeux, les axes de travail principaux. Un autre point important, c’est la bonne humeur et la joie de vivre. J’essaie toujours que les personnes aient le sourire à la fin de la séance, y compris ceux qui commencent en se plaignant. J’essaie de faire ressortir les rides du sourire plutôt que la ride du lion !

Le Guide Social : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre métier ?

Alix Houbart : Parfois, c’est difficile de faire comprendre ma démarche aux familles, qui sont en attente de quelque chose de plus cadré. En général, lorsque je leur donne des exemples concrets, leurs craintes s’apaisent, mais pas toujours, car parfois ma démarche ne correspond pas à leurs attentes. De toutes façons, je rencontre toujours le sénior et une ou deux personnes proches avant de commencer le travail, pour une première séance de contact.

Une autre difficulté est liée à mon statut. Comme je suis indépendante, je dois facturer mes prestations, qui ne sont pas remboursées par la mutuelle. J’essaie de rester raisonnable dans mes prix, mais le coût est un gros frein pour certains. Parfois, c’est moi qui dois refuser certaines demandes, car les personnes habitent trop loin de chez moi… Clairement, mon statut est un peu précaire. La première année, j’étais en tremplin, mais ici, depuis octobre, je suis indépendante à titre principal. Même si j’ai de plus en plus de patients, je n’ai pas encore l’équivalent d’un temps plein, alors j’ai diversifié mes activités avec un cours d’art pour les jeunes et la vente de mes propres œuvres. Le statut d’indépendant m’a permis cela et j’en suis vraiment heureuse. Je ne pensais pas qu’un jour l’art ferait partie de mon travail et je me sens très reconnaissante que ce soit le cas aujourd’hui. Du coup, je suis encore plus motivée à m’accrocher et à développer ces services.

MF - travailleuse sociale



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