Journée-type d'une aide-soignante en maison de repos
Comment se passe le quotidien d’une aide-soignante en maison de repos ?
Une aide-soignante en MRS, que nous nommerons « Solange », travaille depuis presque douze ans dans les maisons de repos de la commune de Liège. Elle partage son quotidien qu’elle tente chaque jour de mener à bien ainsi que ses opinions sur le travail qu’elle mène.
Missions du matin
Solange débute son service à 7h mais arrive toujours plus tôt. Le temps de se changer, de discuter avec l’équipe de nuit, de noter ses prises en charge, de se mettre en condition... Sa première tâche consiste à faire la toilette des résidents. « Certaines aides-soignantes préfèrent tel ou tel couloir car il est plus facile à gérer du côté du tempérament des résidents ». Un premier contact pour une aide-soignante peut engendrer des craintes d’une agression verbale ou physique. Solange effectue le nursing jusque 11h d’une... vingtaine de résidents. En faisant le compte, elle n’accorde que 10 à 15 minutes pour chaque résident. Beaucoup de résidents et de familles reprochent le mutisme et le comportement robotique du personnel soignant. « Malheureusement, nous n’avons pas le choix » ! Sa priorité se tourne vers les personnes dépendantes où il faut lever la personne, l’aider à se laver ou la laver complètement, l’habiller et l’installer à table pour le petit déjeuner. Sans oublier le transfert en chaise roulante pour ceux qui en sont détenteurs. Pour les cas plus lourds, Solange se doit d’être accompagnée. Mais Solange doit également penser à elle : son hydratation et les pauses-pipi. « C’est quasiment inhumain ! »
Sur le temps de midi...
La période du repas est tout aussi tumultueuse. Solange se transforme en assistante d’hôtellerie et entame le service des repas avec la consigne d’enchaîner. En cause, plusieurs raisons d’organisation. « L’équipe soignante est divisée en deux. Une partie du personnel est déjà en pause pendant que l’autre reste présente pour le repas. » En plus de servir, si un éducateur ou un logopède n’est pas présent, Solange doit donner à manger aux résidents avant de débarrasser. Ensuite, un second tour de change s’effectue. « Faire tout ceci en une heure... c’est du Fort Boyard. » Mais Solange peut respirer car vient l’heure de la pause-déjeuner. Elle avoue que ce temps est souvent réservé aux plaisanteries et moqueries, pas toujours tourné vers les membres du personnel... « C’est notre manière de décompresser. Ce n’est pas bien, mais c’est notre moment à nous. Sinon, je pense que l’on partirait toutes en dépression. »
L’après-midi s’entame
Solange s’attelle à ses tâches en concertation avec ses collègues et le chef de service. Les animateurs ou éducateurs prennent la relève, ce qui permet un climat d’humeur plus calme. Des visites, des consultations, des déplacements extérieurs sont aussi au programme. Mais Solange veille car une mission importante entre en scène : l’hydratation des résidents. Une opération doublée de vigilance en période caniculaire. Certaines aides-soignantes profitent d’un temps de battement pour terminer ce qu’elles n’ont pas su faire en matinée : « nettoyer une chaise percée, ranger une gare-robe, refaire un lit, parfois même faire la toilette d’un résident... » L’après-midi se termine et l’équipe se relaie une nouvelle fois. Solange a terminé et peut enfin souffler jusqu’au prochain jour de travail. Comme ses horaires sont variables, Solange a parfois l’occasion de travailler en soirée.
Service du soir et de nuit
Lors de leur service, des aides-soignantes s’occupent des mises au lit pendant que d’autres s’occupent des repas de la salle à manger. « Les résidents à dépendance lourde demandent toute une préparation lors de la mise au lit, raison pour laquelle elle s’effectue avant que leur repas soit servi. » Les résidents autonomes s’occupent d’eux et se couchent sans aide extérieure. La soirée s’achève quand tous les résidents sont prêts pour le coucher et la nuit peut commencer. Lorsque l’équipe de nuit prend le relais, un silence s’installe jusqu’au bruit d’appel d’une sonnette. Les infirmiers sont surtout sollicités : ronde, prise de paramètres et interventions si nécessaire. Une promenade de santé... jusqu’au matin !
Le planning
Les horaires du personnel soignant sont construits pour lui permettre de « récupérer » entre deux périodes. Mais ceci est une base. Pour Solange, la situation d’enchaîner le travail plus de quatre jours est déjà arrivée. « C’est par manque de personnel ». Si l’équipe est soudée, l’administration ne voit pas cela d’un très bon oeil. « Une aide-soignante que je connais est même venue en renfort un dimanche. La direction lui a reproché son initiative. Pas parce qu’elle avait pris une décision sans concertation, la chef de service ne travaillant pas les week-ends pour confirmer sa présence, mais parce que la maison allait devoir la payer plus vu qu’elle avait presté un jour férié... Un argument que la direction n’a pas voulu écouter, lui collant un blâme. »
L’espoir fait vivre
Solange cite qu’elle adore son métier mais que la fatigue et le moral à zéro sont les deux gros soucis dans les maisons de repos. Elle aimerait être davantage considérée comme une personne et non une machine. « J’aimerais prendre du temps pour et avec les résidents. J’aimerais ouvrir doucement les rideaux le matin, leur dire bonjour et parler quelques minutes. J’aimerais pouvoir passer la savonnette avec des gestes relaxants et rassurants. J’aimerais demander au résident s’il a bien mangé et s’il en veut encore. J’aimerais rentrer chez moi en me disant : c’était une belle journée. Et ne pas avoir d’appréhension pour demain... »
L’éduc Touche-à-tout
[A Lire]
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