Le remboursement des soins de logopédie, réservé à l'élite intellectuelle ?
Coup de colère d’une psychologue par rapport à l’absence de remboursement des soins de logopédie pour les enfants dont le quotient intellectuel est inférieur à 86.
Pour obtenir un remboursement des séances de logopédie par les mutuelles, les parents doivent fournir une attestation prouvant que leur enfant à un quotient intellectuel supérieur à 85. Mais que fait-on des enfants dont le quotient intellectuel est inférieur à cette norme ? S’agirait-il de tous les orienter vers un enseignement spécialisé ? C’est une question à laquelle, en tant que psychologue clinicienne, je me refuse de répondre positivement.
Inclusion, le principe à soutenir
Alors que la société tente de plus en plus à prôner l’inclusion des enfants à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire, ce remboursement logopédique dépendant d’un quotient intellectuel s’inscrit dans la mouvance inverse. Choisir le circuit classique ou le recours à l’enseignement spécialisé devrait dépendre des besoins et du bien-être de l’enfant. En aucun cas, un tel choix ne devrait se réaliser en fonction de considérations financières. Or, il est évident que refuser le remboursement des séances de logopédie pousse les parents à se tourner vers l’enseignement spécialisé. Les politiques prônent l’inclusion à un niveau théorique mais ne semblent pas la soutenir concrètement.
Des consultations instrumentalisées
Recevoir un enfant en consultation dans la seule visée de réaliser un bilan cognitif n’est pas une démarche aisée pour un psychologue clinicien. Elle est d’ailleurs décriée par certains qui refusent ce mandat, argumentant que réduire un enfant à un chiffre et le psychologue à une machine à tests n’est pas la représentation qu’ils se font de la relation entre le clinicien et son patient. On peut, néanmoins, faire le choix de répondre à cette demande parentale, ou « mutualiste » devrais-je plutôt dire, afin d’offrir à cet enfant un remboursement des séances de logopédie, qui lui sont nécessaires pour bien se développer.
Un enfant n’est pas un quotient intellectuel
Je fais partie de ces cliniciens qui dédient quelques heures de leur emploi du temps à la réalisation de bilans cognitifs. Engagée dans cette démarche, je rencontre l’enfant à quelques reprises. Je tente de cerner ce qui le rend singulier et lui propose la passation d’un testing cognitif. Dans ces rencontres, je mesure combien l’enfant investit son école, son enseignant, ses pairs et que ces éléments constituent des repères importants pour lui. Certes, il présente des troubles au niveau des apprentissages, mais un quotient intellectuel légèrement inférieur à 86 ne devrait pas venir mettre en péril cet équilibre précaire. Au contraire, un petit coup de pouce par une logopède serait appréciable, et ce d’autant plus si les séances sont remboursées.
Impact d’un quotient intellectuel sur l’enfant et ses parents
Les dégâts de ce fameux quotient intellectuel ne s’arrêtent pas là. Il ne se contente pas de discriminer les enfants bénéficiant d’un remboursement par rapport aux autres, il vient aussi faire effraction dans le psychisme parental. Ce quotient intellectuel ne revêt aucun sens pour les parents, qui très souvent, sans la demande des mutuelles, n’auraient jamais été demandeurs d’une évaluation cognitive de leur progéniture. C’est alors, à nous, psychologues cliniciens, de lui donner du sens, en respectant au mieux l’enfant. Nous décrivons donc notre patient tant dans ses forces que dans ses faiblesses et surtout, nous ne le réduisons pas à un chiffre.
VB, psychologue clinicienne
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