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Chronique d'un psy : quand vient le temps des congés...

13/07/17
Chronique d'un psy : quand vient le temps des congés...

L’été est enfin arrivé apportant son lot de questionnements chez certains psychologues cliniciens. A savoir : que fait-on de nos patients pendant les congés ?

Cette semaine, je me fous de tout. On oublie les patients psychotiques, les emails intempestifs, les collègues névrosés jusqu’à la moelle, les demandes foireuses et le café dégueulasse. Je ne veux rythmer mes prochains jours qu’au son des vagues qui, sans complexe, se jettent vers le rivage, tout en négligeant nonchalamment mon corps usé à coup de nourriture toujours trop grasse, sur une plage désertique. Tout au plus pourrais-je tolérer une légère angoisse propre aux rayonnements du soleil qui viennent projeter sur ma peau le contour de mon futur mélanome. Pour le reste, j’oublie tout. Bref, si vous ne l’avez pas encore compris : frémissez chers patients, votre psychologue bien-aimé n’est plus disponible, le temps d’une trêve estivale.

Il faut dire, j’ai le sentiment d’avoir amplement mérité ces quelques jours de répit dans ce monde où l’idée même d’être injoignable est devenue de l’ordre de l’hérésie. De fait, il me vient en tête la mine déconfite de plusieurs de mes patients qui n’avaient pas vraiment l’air de comprendre le concept pourtant fortement populaire de vacances. « Quand vous dites que vous serez injoignable, ça veut dire qu’on peut laisser un message et que vous rappellerez ? ». C’est-à-dire que je rappellerai, mais après mes congés. Par contre durant cet interlude, considérez-moi comme un éclat de génie dans la carrière de Mark Wahlberg : je suis inexistant.

« Non, mais c’est quoi leur problème, à nous faire culpabiliser comme ça, Renée ? » ai-je énergiquement formulé à ma collègue psychologue qui n’en finissait pas de décompter les jours qui la séparaient de son havre de paix dans le fin fond de l’Ardèche. « C’est marrant, moi, ils ne me font jamais culpabiliser », me dit-elle, avec un air de défi. D’abord agacé par cette réflexion qui me renvoyait très clairement au fait que je ferais mieux de discuter en supervision de l’impact que mon éducation judéo-chrétienne a sur ma vision personnelle de la culpabilité, j’ai ensuite atterri en douceur. Avec pour attente celle d’une baguette magique qui m’affranchirait de toutes ces angoisses, lorsqu’on me demande gentiment si je prends des vacances. J’ai été un peu déçu… Elle n’a pas de baguette magique, Renée. Son truc ? Il est simple, elle trouve qu’elle les mérite amplement ses vacances.

Je vous entends déjà me susurrer tout bas que finalement ce sentiment de culpabilité ne ferait-il pas écho à mes propres angoisses d’abandon ? Déjà, je ne vous permets pas de dépeindre publiquement mes propres angoisses. Ensuite, vous avez certainement raison, mais j’ai tout prévu pour limiter la casse durant ces vacances-ci. Je ne suis pas disponible, mais j’ai mis une annonce sur mon répondeur, puis j’ai donné les coordonnées d’un malheureux collègue qui ne prend pas de vacances. Pour être certain, j’ai même envoyé un message stipulant à tous mes patients que j’étais absent. Enfin, pour le plus grand plaisir des voleurs de quartier, j’ai mis une grande affiche à la fenêtre de mon cabinet avec mes dates de congé et pour être sûr et certain que mes patients n’aient pas à souffrir de mon absence, j’enverrai même une carte postale à mes préférés pour m’assurer qu’ils ne m’oublient pas…

En conclusion, vous l’aurez compris, en matière de vacances, j’ai l’impression que l’essentiel est de s’y retrouver. Certains préfèrent ne rien signaler et laisser leur téléphone sonner dans le vide, d’autres pousseront le vice jusqu’à ne jamais prendre de congé… Pour ma part, j’aime assez bien la vision de Renée qui me renvoie que la thérapie est une voie royale pour l’autonomie et que finalement, si la plupart de nos patients n’arrivent pas à se passer de nous pendant deux à trois semaines, il serait pertinent de se poser la question essentielle de la qualité de notre travail.

T.Persons

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