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Formation infirmière : "Les assistants en soins infirmiers ? En soutien, pas en remplacement !"

08/10/25
Formation infirmière :

Nous l’évoquions il y a quelques semaines, la disparition du brevet A2 infirmier est actée. Dès septembre, il sera remplacé par un diplôme d’assistant en soins infirmiers dispensé dans l’enseignement pour adultes, aligné sur les standards européens et la nouvelle répartition fédérale des actes de soins. Que pensent les associations professionnelles de cette réforme, défendue par la ministre Glatigny ? Nous avons interrogé l’Association belge des praticiens de l’art infirmier (acn) et la Fédération nationale des infirmiers de Belgique (FNIB) sur ces nouveaux parcours. Verdict ? Une réforme accueillie favorablement, voire attendue par le secteur, avec quelques nuances.

C’est avec Jacinthe Dancot, présidente de l’acn, que nous avons pu échanger sur ces réformes. Un projet dont la mise en application devrait impacter près de 5.500 étudiantes et étudiants dès l’année prochaine.

« De manière générale, nos associations sont favorables à cette réforme, qu’elles ont appelée de leurs vœux et qui avait été annoncée dans la Déclaration de politique gouvernementale de la Fédération Wallonie-Bruxelles », rappelle Jacinthe Dancot. « Il y a cependant deux points d’attention d’après nous : d’une part, la nécessité d’une différenciation suffisante entre l’assistant en soins infirmiers (AESI) et l’infirmier responsable de soins généraux (IRSG) dans les définitions légales, rôles, tâches et responsabilités, avec une fonction qui ait du sens pour chacun ; de l’autre, la création de conditions attractives pour l’AESI, notamment le fait de prévoir l’AESI dans les normes hospitalières et extrahospitalières et de lui attribuer un barème IFIC correspondant à ses missions et à son niveau d’autonomie. »

Des assistants en soutien, et non en remplacement des infirmiers

Concernant l’impact concret de cette réforme, la présidente de l’acn identifie plusieurs points d’attention, même si elle insiste qu’il est à ce stade difficile de répondre avec certitude sur les conséquences de cette évolution de l’offre de formation.

Ce qui est cependant limpide, c’est que les normes doivent elles aussi être en adéquation avec cette nouvelle dualité. « Les conditions de travail actuelles sont tellement difficiles que la mesure devrait les améliorer, à condition de bien cadrer les normes. Remplacer un IRSG par un AESI n’aurait pas vraiment de sens, car les études nationales et internationales sur le sujet montrent que la qualité des soins en pâtirait et que cela aurait, à terme, un coût pour le système des soins de santé, en plus du coût humain lié à des soins moins bons. » À l’inverse, si les AESI peuvent venir en soutien aux IRSG pour assurer une partie des missions infirmières dans un cadre défini, Jacinthe Dancot souligne les potentielles améliorations des conditions de travail d’une profession aujourd’hui sous tension.

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« Cela signifie concrètement que le législateur, dans les différentes entités selon leurs compétences, doit désormais travailler sur les normes, c’est-à-dire fixer le nombre d’infirmier responsables de soins généraux, d’assistants en soins infirmiers, d’aides-soignants et d’autres professionnels par patient, selon les disciplines et les réalités locales. » Avec, autant que possible, une vision à long terme. « Des normes trop restrictives, comme nous les connaissons actuellement, ont un coût pour la société et pour le budget de la santé. Tandis qu’une diminution du nombre de patients par infirmier génère un bénéfice financier et humain, et améliore la rétention des infirmiers dans la profession. In fine, cela contribue donc aussi à lutter contre la pénurie. »

Une précision sur laquelle les associations professionnelles insistent, en mettant en garde sur les effets contre-productifs d’une réforme qui ne prendrait pas en compte ces éléments essentiels.

Menace ou mise à jour ? Tout dépend du point de vue adopté

Cette réforme est-elle donc perçue comme une avancée, une menace, ou une simple mise à jour par le secteur ? « Je pense que cela dépend du point de vue que vous adoptez », tempère Jacinthe Dancot.
Et de développer : « Pour nous, il s’agit de la correction d’un système qui posait des difficultés en termes de lisibilité des parcours de formation, et où des personnes avec une formation différente exerçaient les mêmes fonctions. » Avec, à la clé, une transparence plus grande et des parcours distincts, en adéquation avec les réglementations européennes. Une grille plus lisible, même si, la présidente insiste, cela ne signifie nullement qu’il n’y ait pas dans chaque parcours des professionnels intelligents et compétents. « Vu de manière globale, le système actuel formait des personnes pour une même fonction, à des niveaux de compétence différents. Si, en plus de cette correction, des normes sont mises en place pour que l’assistant vienne en soutien aux infirmiers et non en remplacement, ce sera une avancée. »

Pour les professionnels et étudiants de l’actuel brevet, Jacinthe Dancot comprend tout à fait que la situation soit actuellement perçue comme une menace, et que ceux-ci ressentent à la fois du désarroi et de la colère. « Je pense que la FWB devra communiquer très clairement, dès que toutes les décisions seront prises, sur la manière dont les choses vont se passer. Comme toutes les décisions ne sont pas encore finalisées, il est difficile d’être plus précise maintenant. » Mais, elle insiste sur la clarification des points suivants : comment les étudiants de l’année préparatoire ou redoublants seront aidés à choisir et intégrer une voie ou l’autre, ce qui sera fait pour que les membres du personnel ne perdent ni leur emploi, ni leur statut, et au-delà leur confort de travail (entendez par exemple qu’ils ne soient pas envoyés travailler dans d’autres écoles trop éloignées de leur lieu de vie).

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Transformation plutôt qu’économie

Réagissant aux propos de la ministre Glatigny, qui soulignait récemment que cette mesure n’était liée ni à une logique d’économie, ni à de potentielles réductions de personnel, Jacinthe Dancot adopte un optimisme modéré. « Je ne suis pas dans la tête de la ministre », insiste-t-elle, « j’espère que ces propos reflètent ses intentions réelles et qu’une attention sera apportée au maintien de l’emploi et du confort de travail des enseignants actuels – et à des normes attractives pour les IRSG et pour les AESI. Ce n’est pas parce qu’il y a une logique de réduction des dépenses que toutes les mesures prises visent à une réduction : cette mesure-ci pourrait mener à une transformation des formations sans réduction (ni augmentation) des coûts. Nous ne pouvons que souhaiter qu’une attention réelle sera portée aux membres du personnel et aux actuels étudiants du brevet, et nous y serons d’ailleurs vigilants. »

Profils ciblés et mises en garde

Résumons : pour Jacinthe Dancot, il est clair qu’il y a déjà, et il y aura à l’avenir, beaucoup de besoins en soins infirmiers. « Dès lors, il y a de la place pour tous les types de fonctions, afin que chaque soin soit réalisé, par la personne compétente pour ce type de soins, dans des conditions sécures et confortables pour la personne soignée et pour les professionnels des soins de santé. Si nous arrivons à atteindre ce résultat grâce à des décisions politiques sages, éclairées par les résultats des recherches déjà réalisées et des expériences internationales, nous pouvons espérer une augmentation de l’attractivité et une amélioration des conditions de travail. Mais si le but du politique est de remplacer des infirmiers responsables de soins généraux par des assistants en soins infirmiers pour réaliser des soins infirmiers à moindre coût (en considérant uniquement le coût salarial), ce sera une menace réelle aussi bien pour la profession que pour la société. »

Kévin Giraud



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