La force du travail en équipe dans le secteur de la santé et du social
Du solo à l’orchestre : en soins comme en action sociale, travailler à plusieurs donne du sens, de la cohérence et une lecture plus complète des situations. Chacun apporte sa touche, son regard et son expertise ; c’est dans ce travail collectif que se construit l’accompagnement le plus juste.
On dit souvent que la curiosité est un vilain défaut, mais ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agit de travailler en équipe. Petite précision : je ne parle pas de cette curiosité délétère qui circule pendant les pauses-cafés, mais de celle, nécessaire, qui nous pousse à vouloir comprendre et connaître d’autres approches de prise en soin. Assister à des réunions avec d’autres professionnels et noter le vocabulaire propre à une autre pratique, c’est une curiosité bien placée. C’est d’ailleurs cette curiosité qui nourrit la communication.
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Communiquer pour décloisonner
Que ce soit en milieu hospitalier, à domicile ou en institution, les moments les plus intenses — ceux où chaque geste et chaque personne ont une importance encore plus marquée — sont ceux où nous travaillons en équipe pluridisciplinaire. Plus le cas est complexe, plus la pluridisciplinarité a du sens : elle éclaire la situation et rend les actes cohérents.
Ici, l’anamnèse médicale et psychosociale a toute son importance. C’est la fondation, une sorte de carte routière qui montre d’où la situation est arrivée, où nous en sommes à l’instant T et où nous aimerions — ou devrions — amener la personne que nous accompagnons.
On pourrait croire que plus il y a d’intervenants, plus le risque d’incohérence dans le parcours est grand. Parfois, c’est le cas. Mais soyons sincères : nous avons tous vécu des situations où, peu nombreux et issus d’une même équipe, les choses étaient pourtant d’une totale incohérence. Ce qui fait indéniablement la force — et la différence — d’un groupe, qu’il soit hétérogène ou non, c’est la communication. Communiquer, c’est aussi décloisonner les doutes, les peurs et les questionnements, souvent à l’origine de parcours incohérents.
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Une symphonie est souvent l’œuvre d’une vie
Une symphonie est composée pour être jouée par un orchestre constitué de trois familles d’instruments : les percussions, les cordes et les vents. Elle est généralement structurée en quatre mouvements : un mouvement rapide, un mouvement lent, un mouvement plus léger et dansant, puis un mouvement final rapide.
Faisons un parallèle avec les soins. L’histoire de chaque personne est unique. Que ce soit l’annonce d’une maladie ou toutes autres [...] "situations où le temps s’accélère et vient bouleverser la vie des personnes, les mets en situation d’échec ou de perte,[..], de remise en question d’un aspect important de leur identité physique, sociale ou psychologique." *, c’est ce qu’on appelle l’urgence existentielle.
Cet événement place l’individu dans une position où un accompagnement psycho-médico-social est nécessaire — ce qui correspond aux trois familles d’instruments. L’accompagnement, quel qu’il soit, est loin d’être linéaire : il y a des moments où les choses s’accélèrent, ralentissent, s’améliorent — ou semblent s’améliorer — et, finalement, lorsque la finalité est là, elle paraît souvent soudaine.
* Giroux N., Boucher A., De Chronos à kairos : la communication dans l’urgence existentielle.
Contrebasse ou triangle ?
Que nous soyons le souffle qui donne vie au cor, celui qui apporte la gravité et la profondeur de la contrebasse, celui qui donne le rythme de manière percutante, ou que nous pensions n’être « qu’un » triangle, chaque instrument a sa partition individuelle à jouer. Soit dit en passant, le triangle, qui paraît insignifiant à côté des grands et élégants instruments, joue pourtant un rôle essentiel : il souligne les passages particuliers et marque les accents rythmiques.
Chaque soignant — du médecin à l’éducateur, en passant par l’infirmière, l’assistante sociale ou l’aide-soignante — a une raison d’être auprès du bénéficiaire. Tous possèdent des compétences propres, qui doivent être mobilisées à un moment précis de la prise en soin ou de l’accompagnement.
S’intéresser aux autres professionnels et communiquer avec eux pour comprendre le « pourquoi », le « comment » et le « quand » de chaque intervention, c’est l’équivalent de la connaissance du solfège pour un musicien. Sans cela, il ne peut exploiter tout le potentiel de son instrument ni lire une partition. Le solfège est aussi la base pour communiquer efficacement entre musiciens.
Mais sans la vue d’ensemble du chef d’orchestre, tout cela deviendrait une véritable cacophonie. Son rôle est de créer une harmonie malgré la diversité des instruments. Ce chef d’orchestre peut être une personne ou un outil permettant de coordonner et d’harmoniser les différentes perspectives et compétences, apportant ainsi une vision et une réponse holistique à la situation.
Rien que pour ces quelques avantages : une compréhension plus profonde et une vision à 360° de la situation — un peu comme passer d’une BD à un film en 4D —, l’anticipation de répercussions jusque-là invisibles, l’apprentissage mutuel et le développement des compétences professionnelles et personnelles, la naissance d’approches nouvelles issues de perspectives différentes (oui, la créativité a toute sa place dans le secteur psycho-médico-social), et l’optimisation de l’efficacité et de la qualité de la prise en soin grâce au partage des ressources et des informations, générant aussi un gain de temps. Il serait intéressant — et nécessaire — de travailler avec une approche pluridisciplinaire sans attendre qu’une situation complexe nous y contraigne.
Une œuvre unique
Si le soin est considéré comme une œuvre unique, il n’est pas le fruit d’une seule personne, mais bien de plusieurs intervenants. Walter Hesbeen l’exprime parfaitement :
« Tel est le soin, une œuvre commune mais unique, un art dont le résultat pour une personne ne peut être que le fruit de la rencontre subtile entre des compétences diverses, toutes utiles à un moment plus ou moins long du processus entrepris. » - Walter Hesbeen, infirmier de formation et docteur en santé publique.
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