La colère gronde dans le secteur des soins à domicile
Les prestataires se sont fait entendre par voie de presse, de médias audiovisuels concernant le bricolage qui a résulté de la mise en application de la lecture de la carte d’identité par les infirmiers indépendants qui se rendent à domicile.
Nouvelle mesure instaurée par la ministre de la Santé, Maggie De Block, qui fait grand bruit dans le secteur des infirmiers indépendants qui travaillent dans le secteur du domicile est la lecture obligatoire de la carte d’identité des patients à chaque acte. Mais il ne s’agit que du sommet de l’iceberg, les infirmiers ont mal à leur profession. Les modifications de l’AR 78, les dilutions de leurs actes vers d’autres prestataires, la remise en question des spécialisations et enfin la récente intervention de la ministre pour annuler la prestation spécifique infirmière, sont autant d’éléments qui accentuent le malaise infirmier. A ceci couplé, la volonté de nos politiques de revoir la possible baisse des honoraires par la mise en application du Bel- Rai et de la dilution des forfaits.
Une mesure dangereuse
Je vais reprendre explicitement chaque élément afin de vous faire comprendre la dangerosité de la politique mise en œuvre actuellement pour la profession infirmière.
Concernant l’obligation de la lecture de la carte d’identité, le secteur ne réfute en aucune manière ce système, les praticiens s’y sont soumis comme l’exige la législation. Par contre, là où le bât blesse, c’est à la fois lorsque, contrairement à ce qu’annonce la ministre à la Chambre, la facturation ne sera l’objet d’un refus, mais sera, en cas de dépassement des 10%, assujettie à un contrôle rigoureux de la part de l’Inami. Alors, s’il ne doit pas y avoir de « refus », les retours des mutuelles vont dans le sens opposé avec pour explication : « record 52 » (non lecture de cette CI) et refus de paiement.
Y a-t-il discordance entre les propos de la ministre et la loi ? Ne devrait-elle pas investiguer au sein de son administration ? Deux questions se posent, en conséquence. Premièrement, a-t-elle suivi une infirmière en Wallonie et une en Flandre pour constater de facto les problèmes rencontrés ? Ensuite, est-elle réellement informée par son cabinet ? Difficile de savoir puisqu’elle ne communique pas avec nos représentants...
Une discrimination certaine
La discrimination pour l’application de cette procédure vise uniquement les prestataires infirmiers du domicile et épargne les prestataires infirmiers des maisons médicales au forfait et les soins réalisés dans le cadre des projets pilotes. Mais encore, les médecins ont la chance de recevoir un logiciel gratuit, « Paris », avec une période de test allongée de 6 mois. Les infirmiers « cobayes » ont par contre dû faire les frais de toute cette application et ils y vont de leurs poches ! Nous aurions été heureux d’avoir un programme standard opérationnel gratuit car maintenant, nous avons la nette impression d’être les dindons du système. Il y a certes des « bugs » au niveau des logiciels, mais en plus, les mutuelles ont-elles mêmes des difficultés à lire les lectures de cartes d’identité et n’étaient pas préparées.
Une mauvaise communication de la part du fédéral
Nous sommes conscients que cette mise en application s’inscrit dans une procédure plus générale de l’E-santé et qu’à terme, on vise une interconnexion de tous les prestataires pour collecter le maximum d’informations. Oui, mais informer, communiquer n’est-ce pas le devoir d’une ministre de la santé ? Avertir la population et les administrations par la voie du site de l’Inami, c’est hautement risible !
– Les modifications de l’AR 78 prévoient que le patient soit de plus en plus responsable par rapport à sa prise en charge. Nous rejoignons sur cet aspect la ministre. Cependant, une catégorie de patients âgés, dépendants, gravement malades ne pourront, par perte d’autonomie, satisfaire à la demande de s’autocontrôler et de fournir ces informations. Les familles elles-mêmes sont de plus en plus éclatées et les inciter à pratiquer des soins pour lesquels, bien souvent, ils ne sont pas compétents amènera certes des économies au départ, mais qu’adviendra-t-il du patient ? L’infirmier sera appelé quand les problèmes (escarres, infections) surgiront ….
– Les dilutions des actes infirmiers : les soins de toilette effectués par une aide-soignante, voire une aide familiale, pourquoi pas ? La toilette est un acte banal en soi, mais lorsque vous souffrez de pathologies, elle requiert une attention particulière lors de la mobilisation et l’observation « clinique » de l’infirmier prend toute son importance, ce soin devient alors si particulier car il hiérarchise le patient dans toute sa globalité tant physique, que psychologique et sociale.
– Il est aussi question de transférer les injections d’insuline aux diététiciennes, d’autres soins aux podologues et la préparation hebdomadaire des médicaments au pharmacien. Les hôpitaux, dans le cadre des projets pilotes, font sortir leur personnel infirmier pour réaliser les soins arguant qu’ils sont plus compétents. Ils perdent aussi 30% de leurs lits et par cette pratique, ils s’assurent leur clientélisme.
Vers quel futur ?
Que restera-t-il de notre belle profession dans un avenir très prochain si l’infirmier se voit spolier de tous les soins ? Et qu’en plus, les soins forfaitaires soient dilués dans des sous-groupes afin de réaliser des économies ! Autre point important : les spécialisations sont aussi dans le collimateur de la Ministre qui veut davantage de flexibilité du personnel, les titres sont remis en question.
Les infirmiers ont mal à leur profession. Déjà sous payés pour beaucoup d’actes ( plafonnés, de surcroît) ils sont peu valorisés par la politique de la ministre. Certains sont au bord du gouffre, nombre d’entre eux jettent l’éponge et quittent la profession ou se suicident…. Pourtant, c’est une noble profession où l’empathie et le prendre soin y règnent toujours en toile de fond.
Mais, vous, Madame la Ministre vous nous tuez à petit feu. Bientôt, vous ferez appel à des infirmiers étrangers pour remplir les staffs désertés par notre secteur. Inutile de faire campagne pour la profession comme cela a été fait précédemment, on sait maintenant ce qui nous attend.
Karine Dethye
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