Un site de l'Agence pour le Non-Marchand
Informations, conseils et services pour le secteur associatif

Travail social : les leçons de vie que je dois aux bénéficiaires

09/12/25
Travail social : les leçons de vie que je dois aux bénéficiaires

Tout au long de mes années de travail en tant qu’hybride du social (oui, vous savez, cette personne un peu couteau suisse, entre l’éduc, l’AS et l’animateur …), j’ai eu la chance et le privilège de rencontrer des personnes qui m’ont offert autant de leçons de vie. Je ne les ai pas toujours reconnues comme telles et je ne parviens pas nécessairement à les mettre en oeuvre, mais ça, c’est un autre débat.

1. Nul n’est à l’abri

J’ai rencontré Lucia dans un refuge pour femmes victimes de violence conjugale. Lucia était médecin. Elle a fui le domicile conjugal avec une petite valise et s’apprêtait à rassembler les morceaux de son existence dans une maison à l’adresse tenue secrète, dans une chambre partagée avec une autre femme. Instruite, issue d’un milieu privilégié, n’ayant pas connu de schéma de violences familiales durant son enfance, Lucia a fui un partenaire violent après de longues années passées à vivre et à revivre ce cycle de violence. Nul n’est à l’abri, tout le monde peut connaître cela un jour, être avertie ne vaccine pas.

Lire aussi : Centre d’accueil Espoir : « Ici, les femmes reprennent souffle »

2. La dignité comme dernier rempart

Chez Nadia, nous étions toujours reçus aux petits oignons. Thé, café, biscuits, maison impeccablement tenue. Avec Nadia, il fallait toujours ruser pour lui faire accepter une aide, car « d’autres en ont plus besoin ». Nadia, c’est la dignité jusqu’au bout, même lorsque la précarité cède la place à la pauvreté. Même si pour offrir du thé, du café et des biscuits à ses invités du jour, on mange du pain sans rien. La dignité est le dernier rempart. Lorsqu’il cède, et il peut céder très vite, alors la situation devient plus qu’alarmante, car souvent, dignité et santé mentale vont de pair.

3. De l’art de la gratitude

Fatoumata, 6 enfants dont un gravement handicapé, des finances plus que précaires, une santé hyper vacillante. Fatoumata qui remercie chaque jour le Dieu auquel elle croit dans ses prières. Fatoumata qui nous remerciait en permanence et s’estimait heureuse, chanceuse et privilégiée de nous avoir rencontrés, ainsi que les autres travailleurs oeuvrant autour d’elle. Fatoumata qui remerciait la vie pour son enfant handicapé : « Son coeur est pur », pour sa santé « Tout ne va pas mal, j’ai de la chance, ça pourrait être pire », pour ses pauvres finances : « J’ai un toit sur la tête et à manger ». De l’art de la gratitude, niveau experte. Point de niaiseries, Fatoumata était au fait de sa situation, mais « Avec des lunettes roses, c’est plus facile. De toutes façons, si je me plains, ça n’ira pas mieux ».

Lire aussi : Replacer l’humain au centre : ces modèles émergents qui réinventent le travail social

Retenir ce qui nous transforme, malgré le quotidien qui défile

J’ai rencontré beaucoup de personnes porteuses de leçons de vie incroyables, mais honnêtement, je ne m’en souviens pas. La triste vérité, c’est qu’à force d’avoir la tête dans le guidon, on ne remarque pas toujours ces petites pépites. Ou alors, seulement quand elles nous parlent particulièrement, qu’elles résonnent en nous car elles font écho à ce qu’on vit à cet instant précis.

Depuis, j’essaye de noter, de garder une trace de ces moments, de ces rencontres, de ces personnes et de ce qu’elles portent. J’essaye aussi d’appliquer, même si ce n’est pas toujours facile, car, de nouveau, on est pris dans une certaine routine.

MF - travailleuse sociale



Ajouter un commentaire à l'article





« Retour