Les infirmiers disent stop !
Depuis le 1er octobre, les infirmiers indépendants travaillant dans le secteur du domicile doivent contrôler la carte d’identité de leur patient à chaque acte. Une situation qu’ils ne leur est plus possible de gérer.
Nous vous en parlions début octobre : désormais, les infirmiers indépendants travaillant à domicile doivent contrôler la carte d’identité de leurs patients à chaque acte. La ministre de la Santé, Maggie De Block, à l’origine de la mesure, entérinée par un Arrêté Royal début 2017, entend lutter contre la fraude (qui est de l’ordre de 2 à 3% dans le secteur). Après un mois de pratique, le secteur, qui l’a déjà interpellée, n’en peut plus. Surcharge de travail, complications administratives, patients qui perdent confiance… les infirmiers sont dépassés.
Un problème financier, organisationnel et humain
Suite à cette mesure, plusieurs professionnels ont dû s’équiper correctement. Lecteur de carte, smartphone, logiciel… des coûts évidemment non négligeables. De plus, ce suivi administratif forcé empêche les professionnels d’offrir les soins adéquats à leurs patients. Certains patients sont en effet réticents à cette nouvelle mesure, ne comprennent pas pourquoi ils doivent fournir leur carte d’identité, ont peur que leurs données personnelles soient à la portée de tous… Pour Karine Dethye, de la FIIB, « Je peux vous dire que la colère gronde dans le secteur infirmier à domicile : le bricolage qui ressort de cette obligation de lecture de cartes d’identité serait risible s’il ne mettait pas en péril ce secteur professionnel , le peu de cas qui est fait de la part de la Ministre concernant notre profession nous désole. Nombre d’entre nous songe à jeter l’éponge et à repartir vers le système hospitalier. Peut-être , cela est-il voulu ? »
En pratique, le système fait également cruellement défaut. Censé être dans une période de test afin d’en adapter l’utilisation pour les professionnel, le dispositif connait plus de désavantages que d’inconvénients. « Les mutuelles ont des difficultés à lire les « lectures de CI » et à les valider, les sanctions, dont ne nous devions pas faire l’objet pendant cette période de tolérance, se sont traduites par des paiements partiels ou pas de paiement du tout », explique K. Dethye.
Des actions
Après une première interpellation, restée dans réponse, le secteur a prévu de recontacter la ministre. Et d’aller plus loin si la situation le requiert. « Un courrier rédigé par un avocat sera envoyé sous peu à la Ministre, si aucune réponse, un recours au conseil d’état suivra », précise K. Dethye.
Un manque d’engagement
Pour certains professionnels, si la situation est regrettable, elle aurait pu être évitée ou à tout le moins, être mieux apprivoisée par le secteur. Ainsi, Claudine Baudart, administratrice à l’Association es infirmiers indépendants de Belgique (AIIB) explique au Soir que le secteur n’est pas connu pour son engagement. « Ils sont beaucoup trop peu nombreux à s’affilier à des associations professionnelles et, du coup, ne sont pas informés de ce qui se passe. Le lecteur de carte d’identité a pourtant été annoncé en mai dernier. Certains fournisseurs de logiciels ont été agréés et des présentations ont eu lieu. Le problème, c’est que, sur les milliers d’infirmières, seules quelques centaines ont assisté aux réunions explicatives. Cela dit, il faut reconnaître que les logiciels n’étaient pas complètement prêts lorsqu’ils sont arrivés sur le marché… » Pour Gary Huart, membre du conseil d’administration de l’asbl Collégium à La Louvière, « Les infirmiers auraient dû se mobiliser il y a un an déjà, quand le mouvement de protestation avait été lancé ! »
Lutter contre la fraude, vraiment ?
On peut s’interroger sur l’origine et l’objectif d’une telle mesure, dans un secteur où la fraude, si elle existe, n’est cependant pas majoritairement présente (on parle de 2 à 3% de cas avérés). Cette nouvelle mesure suit le courant des politiques menées par la ministre fédérale de la Santé, basées sur une volonté de contrôler et d’économiser le système des soins de santé en Belgique. Pour Gary Huart, si les kinés et les médecins avaient ont senti le vent tourner et ont pu arrêter le processus, les infirmiers, en revanche, ne se rendent toujours pas compte qu’à terme, la ministre souhaite réduire le nombre d’indépendants en vue de favoriser les regroupements d’infirmiers, plus facilement contrôlables. Il précise au Soir « … tout cela n’est rien en comparaison des grands chamboulements qui se préparent. En décembre prochain, un projet d’envergure, coûtant plusieurs millions d’euros, va donc être mis en route par l’Inami. »
Au programme de ce projet :
1.Le regroupement des infirmières, comme en Flandre, pour mieux lutter contre la fraude et encourager la multidisciplinarité pour le patient. « À terme, je pense que les infirmières qui travaillent seules seront amenées à disparaître », explique-t-il au Soir.
2.Encourager l’hospitalisation à domicile, moins coûteuse.
3.Les infirmiers seront encouragés à faire de la domiciliation extra-muros par les hôpitaux. « Les hôpitaux auront ainsi leurs propres services de soins à domicile. Certains commencent d’ailleurs déjà à récupérer les patients qui sortent de l’hôpital en leur promettant un meilleur suivi qu’avec une infirmière indépendante… »
4.Pour lutter contre les fraudes au niveau des actes, comme « la toilette » d’un patient, ceux-ci feront désormais l’objet de documents précis à remplir, avec de nouveaux critères (le patient est-il en pantoufles, peut-il ouvrir la porte, etc.)
5.Les infirmiers à domicile pourront, grâce à des formations, se spécialiser et se verront octroyer un « visa » de travail pour 5 ans.
La rédaction
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