Un site de l'Agence pour le Non-Marchand
Informations, conseils et services pour le secteur associatif

Qui, à l'heure actuelle, peut pratiquer la psychothérapie ?

09/11/16
Qui, à l'heure actuelle, peut pratiquer la psychothérapie ?

La loi De Block sur la psychothérapie est entrée en vigueur le 1er septembre dernier. Et pourtant, actuellement, le secteur ne sait pas avec précision qui peut pratiquer. Ou comment.

C’est de loin un des gros casse-têtes de l’année : la loi De Block sur les professions de santé mentale. La ministre Maggie De Block a décidé de limiter l’exercice de la profession aux seuls psychologues cliniciens, orthopédagogues cliniciens et médecins. Pour ceux qui pratiquent déjà, des ‘mesures transitoires’ sont prévues. Sauf qu’aujourd’hui, le secteur ne sait pas qui peut pratiquer et comment. Françoise Raoult, psychothérapeute et membre active du collectif citoyen Alterpsy, explique.

Que dit la loi ?

La loi stipule qu’à partir du 1er septembre 2016, seuls les psychologues cliniciens, les orthopédagogues cliniciens et les médecins pourront exercer la psychothérapie. « Il faut déjà bien se rendre compte qu’il y a une véritable paramédicalisation de la profession, puisqu’elle ne peut plus s’exercer en tant que telle, mais est donc considérée comme un traitement », explique F. Raoult.

« Si au départ, la ministre De Block voulait limiter l’exercice de la psychothérapie aux seuls psychologues, elle a dû faire face à une réalité de terrain : des assistants sociaux, des philosophes, des sages-femmes… qui pratiquaient depuis un certain nombre d’années. Pour ces personnes, elle a donc créé des mesures transitoires (qui ne sont en réalité que des dérogations) ». La loi parle de trois catégories :

1) Les personnes ayant suivi une formation de niveau Bachelier en santé (appelée LEPSS), qui ont suivi une formation en psychothérapie ensuite, pourront continuer à pratiquer de façon autonome. « De nouveau, on reste dans l’idée de la médicalisation de la profession, puisque seul le background en santé est pris en compte », précise F. Raoult.

2) Les personnes qui ont suivi une formation de niveau Bachelier non LEPSS, qui ont fait une formation en psychothérapie ensuite, ne pourront exercer de manière autonome. « Ces personnes devront être supervisées par un professionnel habilité à pratiquer la psychothérapie. »

3) Une troisième catégorie « personne ne sait ce que c’est, ce sont les professions dites de support à la psychothérapie, pour les gens qui ne seraient ni dans la première ni dans la deuxième catégorie ». Des personnes qui n’ont donc pas un niveau de Bachelier, qui ont fait des candis (système pré Bologne), suivies de formations en psychothérapie et qui exercent depuis 15-20 ans la profession. « Ces personnes exerceraient donc des actes délégués en psychothérapie. Qu’est-ce que c’est ? Aucune idée, la loi ne le précise pas… »

Peut-être des tests ?

Avec la vision médicale de la ministre de la santé, la psychothérapie s’inscrit désormais dans un système de traitement impliquant des tests, des évaluations, des bilans. Actuellement, la pratique de la psychothérapie n’utilise pas de telles mesures, puisqu’elle ne considère pas cette logique de ‘diagnostic’. Il importe de différencier les pathologies psychiatriques pour lesquelles des traitements médicaux s’avèrent nécessaires, de la très grande majorité des prises en charge psychothérapeutiques que nous assurons pour des personnes qui ne sont pas « malades ». Pour nous, le trouble présenté par ‘Madame Untel’ est avant tout un symptôme qui vient dire quelque chose de ses difficultés existentielles et/ou relationnelles, nous ne voulons pas mettre d’étiquette sur les gens. C’est aussi pourquoi nous considérons que la psychothérapie relève très largement du champ des sciences humaines et ne peut se réduire à un acte médico-technique.
A contrario, la ministre adopte une logique médicale : à chaque diagnostic, son traitement. Est-ce que ces tests ou bilans feraient partie de ces ‘actes délégués en psychothérapie’ ? La ministre n’a rien prévu de dire… »
déplore F. Raoult.

Le sens de la supervision change

Pour les psychothérapeutes qui ne peuvent pratiquer de manière autonome, le sens de la supervision change. « En tant que psychothérapeutes, nous avons déjà des superviseurs. Actuellement, nous discutons de ce que nous appelons les cas de transfert et de contre-transfert avec eux. C’est-à-dire qu’ils nous donnent un regard tiers sur la relation que nous avons avec notre patient ». Avec la loi, la notion de supervision prend un sens contrôlant et hiérarchique. « La responsabilité du traitement incombera désormais au superviseur, qui regardera comment le psychothérapeute travaille avec son patient, dans une notion de ‘c’est bien, c’est mal’ ». La loi va plus loin en prévoyant une pratique interdisciplinaire : le psychothérapeute devra discuter de cas cliniques avec le médecin et de la façon dont il veut les gérer. « Le psychothérapeute perd totalement son autonomie. »

Les indépendants

La supervision pose également des soucis pour les indépendants, puisqu’elle va à l’encontre même du statut de la personne. « Les psychothérapeutes indépendants ne peuvent pas travailler dans un lien de subordination, c’est contradictoire avec le statut même d’indépendant. Le problème de cette loi est que rien n’est expliqué. »

« Nous sommes dans l’illégalité »

« Depuis le 1er septembre 2016, nous sommes en infraction carles personnes qui ont porté un recours ainsi que d’autres psychothérapeutes ne sont pas censés travailler sans supervision. Or, le mécanisme de la supervision n’a pas encore été mis en place. On ne sait rien. Aucun Arrêté Royal n’est prévu, Maggie De Block considère qu’elle a répondu ou que ce sera le Conseil fédéral qui apportera alors les réponses. Mais il n’a pas encore été mis sur pied, alors que la loi est en application ». Pour l’instant, tout continue donc comme avant. Sauf que certains psychothérapeutes, par peur d’être poursuivis en justice dans le futur, arrêtent leur pratique. Certaines assurances professionnelles refusent également de renouveler les contrats. « Un psychothérapeute qui travaille sans supervision, donc qui est en infraction par rapport à la loi et qui n’a, en plus, plus d’assurance professionnelle, prend un risque énorme car il peut être attaqué au civil. Pour l’instant, il n’y a pas de sanctions pénales prévues. On ne sait pas si c’est un simple oubli de la loi ou s’il y a tout un système d’infractions de sanctions pénales qui viendront. Actuellement, on devrait arrêter de travailler. Mais arrêter sa pratique, c’est perdre sa patientèle… Cette loi est un flou complet. »



Commentaires - 8 messages
  • Attention, cet article est mensonger et ne prend en compte, encore une fois, que le point de vue psychanalytique de la prise en charge psychologique.
    Je vais donner un exemple fictif d'une prise en charge réaliser par un psychothérapeute ayant une approche intégrative.
    Un patient souffrant d'angoisses handicapantes va consulter son médecin. Celui redirige le patient vers un psychothérapeute qui a l'habitude de prendre en charge ce type de personne. Le psychothérapeute établi une anamnèse de la situation et de la problématique du patient Í  l'aide de questionnaires et d'outils. Une fois cela fait, le psychothérapeute partage avec le patient son point de vue et lui propose une intervention psychothérapeutique ciblant les éléments qui maintiennent la problématique du patient (par exemple, l'évitement d'une situation créant de l'angoisse). Le psychothérapeute met donc en place cette intervention car il sait, grâce aux différentes expérimentations publiées démontrant que l'intervention donne des résultats, qu'elle a de très grandes chances de fonctionner. Si cela ne fonctionne pas et que le psychologue ne trouve pas par lui-même d'autres méthode d'intervention, il peut, lors d'une supervision avec un confrère plus expérimenté, demander des conseils Í  propos de cette intervention. A différentes étapes de la psychothérapie, le psychothérapeute mesura l'évolution de la personne avec des tests, des échelles ou des items.

    Voyez qu'il est tout Í  fait possible d'utiliser des tests afin de mesurer l'évolution de la personne, d'avoir une certaine standardisation (mais qui doit être adaptée selon chaque situation) et des supervisions dans la pratique de la psychothérapie.

    La relation avec les médecins est très importantes au niveau de la prise des médicaments ou encore sur le fait d'axer le travail avec la personne dans la même direction.

    Julien Claisse Psychologue jeudi 10 novembre 2016 12:29
  • Je tiens également Í  rajouter que la personne qui intervient dans le texte n'est pas un expert en juridiction mais une "simple" confrère donnant son avis tout comme je viens de le faire.

    Julien Claisse Psychologue jeudi 10 novembre 2016 12:32
  • La réponse de Mr Classe n'a que peu Í  voir avec le fond de l'article, qui fait surtout état du manque de clarté d'une loi et des difficultés professionnelles majeures qui en découlent pour de centaines de psychothérapeutes chevronnés. Par ailleurs, le modèle décrit par Mr Classe dans son commentaire, ne décrit qu'une vision de la psychothérapie, certes, la seule qui correspond Í  celle réglementée par la loi, mais qui ne réfléchit hélas pas la grande diversité d'approches psychothérapeutiques existantes. Pour info aussi, ce que Françoise Raoult explique reprend exactement les éléments des avis juridiques amplement étayés par trois grands avocats constitutionnalistes. Alter-Psy est un collectif (dont je fais partie) qui regroupe plusieurs centaines de psychothérapeutes de toutes orientations, de psychanalystes Í  comportementalistes.

    Chiara Aquino jeudi 10 novembre 2016 15:33
  • Bonjour,
    je suis un particulier de 37 ans, avec un diplôme d'humanité inférieur, j'ai malheureusement stoppé mes études en 5ème secondaire pour raison familiale. Je m'intéresse énormément Í  la psychothérapie ainsi qu'au développement personnel et depuis quelques années je songe Í  me former dans l'espoir de pouvoir un jour exercer en tant que psychothérapeute.
    Cela me semble bien compliqué dans mon cas. Je vois qu'il y a de nombreuses formations, certaines qui demande un diplôme, d'autres non. Il y a aussi des alternatives comme le "Coaching" qui me semble intéressante. Est-ce que quelqu'un saurai me conseiller ou me donner son humble avis ? Merci beaucoup.

    Maxime particulier vendredi 11 novembre 2016 15:30
  • Quel embrouillamini! Ce n'était pas clair avant, quoique L.Onkelinks avait déjÍ  commencé Í  recadrer tout cela , mais c'est encore pire maintenant. Il me semble que personne ne s'y retrouve et que le médical devient tellement prioritaire alors que les psychothérapies découlent bcp, comme dit plus haut des sciences humaines.
    Devenons tous coach de vie ;-), actuellement les formations qui ne semblent pas bien cadrées, varient de quelques jours Í  quelques mois et pas de prérequis possibles!!!
    C'est quand même fou!

    MarieT CCF vendredi 11 novembre 2016 19:25
  • Chiara Aquino
    Voici ce que l'on trouve sur le site de l'EAP (Eropean Association for Psychotherapy) :
    "The practice of psychotherapy is the comprehensive, conscious and planned treatment of psychosocial, psychosomatic and behavioural disturbances or states of suffering with scientific psychotherapeutic methods, through an interaction between one or more persons being treated, and one or more psychotherapists, with the aim of relieving disturbing attitudes to change, and to promote the maturation, development and health of the treated person. It requires both a general and a specific training/education."

    Dans cette définition de ce qu'est la psychothérapie, il est dit qu'il s'agit d'une intervention basée sur des méthodes psychothérapeutiques SCIENTIFIQUES.

    Pouvez-vous affirmer que "la grande diversité d'approches psychothérapeutiques existantes" respecte la méthodologie scientifique que les interventions psychothérapeutiques doivent suivre pour être considérées comme telle?

    Julien Claisse jeudi 8 décembre 2016 11:00
  • Monsieur Claisse, c'est bien lÍ  le noeud du problème: vous proposez UNE définition de la psychothérapie. La loi ne défend que celle-lÍ  et l'impose. D'autres associations (européennes, internationales, etc.) en proposent d'autres. D'où la richesse des approches. Je vous invite Í  prendre connaissance, sur le site de l'ABP (Association Belge de Psychothérapie) de la déclaration de Strasbourg, pour ouvrir un peu le "débat"...

    Chiara Aquino, psychologue clinicienne, psychothérapeute.

    Chiara Aquino samedi 24 décembre 2016 01:11
  • Tout cela est très confus et beaucoup d'intérêts sont en jeu car le domaine de la psychothérapie est très lucratif (et ça personne n'en parle). La vérité, c'est que la psychologie dans sa définition première " l'étude de l'âme " a un champ de compétence bien limité. C'est la psychologie d'un être humain et de son comportement normatif en société. Si ce cadre est dépassé, il nécessite une prise en charge différente (psychiatre, médecin...). Donc le psychologue n'est pas thérapeute. Je sais que ça les rend fous. Le seul outil du psychologue, c'est la parole et elle perd tout son sens face au délire psychotique. La perfidie a été de voler par la loi, un titre de thérapeute alors qu'ils ne le sont pas.

    esculape mardi 20 avril 2021 09:52

Ajouter un commentaire à l'article





« Retour