À l’écoute des silencieux : un documentaire lève le voile sur le quotidien des psychanalystes

Comment les psychanalystes vivent leur pratique au quotidien ? Quels sont les défis que ces professionnelles et professionnels de la santé mentale rencontrent au jour le jour, et comment se construisent ces carrières souvent fantasmées par le grand public ?
Dans le cadre des 17e rencontres "Images mentales", événement organisé par l’ASBL Psymages au centre culturel La Vénerie du 9 au 14 février 2025, nous avons pu découvrir le documentaire Psy, de l’autre côté du divan, de l’auteur, réalisateur et essayiste français Jonathan Hayoun. Une vue en miroir sur cette profession entourée de nombreuses préconceptions, qui s’inscrit dans une programmation riche de documentaires et de fictions levant le voile sur les métiers de la santé mentale.
Dans Psy, de l’autre côté du divan, le cinéaste Jonathan Hayoun – en association avec sa co-scénariste Judith Cohen Solal – part à la rencontre de six psychanalystes français·es, fait parler celles et ceux qui sont plus généralement dans l’écoute.
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"Il n’y a rien de facile dans le fait de garder le silence"
"Je prends beaucoup de temps avant de décider de prendre quelqu’un en analyse ou pas", confie Jean-Michel Vivès, psychanalyste à Toulon. "Ce que j’exprime à mes patients, c’est que nous sommes dans le même bateau. ‘Je tiens la barre, et vous ramez, mais nous sommes sur le même bateau.’, et c’est important que cela soit bien établi avant de se lancer dans une thérapie."
Un avis partagé par l’ensemble des intervenant·es, qui soulignent chacun à leur manière l’importance de se construire avant de pouvoir accompagner des patients dans leur propre parcours. Car la psychanalyse se construit souvent sur un temps très long, avec des difficultés tant pour les patients que pour les psychanalystes qui les accompagnent.
Pour Alain Vanier, psychanalyste à Paris, être psychanalyste s’apprend en continu. "Garder le silence, on peut penser que c’est une position confortable pour l’analyste, ce n’est pas une position facile. On a tendance à intervenir un peu trop vite, surtout dans les débuts", confie-t-il à la caméra.
Catherine Dhéry, elle aussi exerçant à Paris et intervenante du documentaire, complète : "Au début, l’analyse c’est facile. Au début, les résultats sont rapidement visibles chez les patients, et leurs retours sont positifs et enthousiastes. Mais après, ça se complique, car en analyse on a à se confronter à ce que l’on a passé sa vie à ne pas vouloir savoir. Et c’est là que cela peut devenir plus douloureux. Mais on sait que lorsque les patients nous reprochent quelque chose, ce n’est pas vraiment à nous qu’ils le reprochent."
Déconstruire les clichés sur la profession
De ces témoignages, aucun ne mentionne d’altercations ou de tensions avec les patients. C’est que le dispositif, à commencer par le "fameux" divan, est bien construit et se doit d’être compris de part et d’autre de la relation. En Belgique, la responsabilité professionnelle du psychanalyste membre de la Société Belge de Psychanalyse (SBP) est engagée à tous les niveaux pour assurer la sécurité de son patient et le bon suivi du traitement. Des règles éthiques et techniques nécessaires à la bonne tenue du traitement sont aussi reprises sur le site de la SBP : secret professionnel, abstinence de contacts physiques dans la séance et en dehors, pas de relations sociales ou familiales à l’extérieur avec le patient, discrétion sur sa propre vie émotionnelle et personnelle, etc.
Pour Ali Magoudi, psychanalyste à Paris, cela est essentiel non seulement pour garantir le sentiment de confiance avec ses patients, mais également pour déconstruire les clichés sur la profession. "Lorsque je me présente en société en tant que psychanalyste, il m’arrive régulièrement de mentionner que je ne travaille que lorsque je suis payé. En principe, c’est une phrase qui calme tout le monde."
Virginie Jacob Alby, psychanalyste à Dinard, commune bretonne, précise néanmoins sa position légèrement différente : "Je pense sincèrement que dans un cabinet d’analyste, nous exerçons une fonction, donc il ne s’agit pas de notre personne. Croiser des patients dans la rue, à la plage ou ailleurs ne me pose aucun problème, puisque je ne suis pas dans la fonction de l’analyste à ce moment-là. Pour ma part, je ne me sens jamais en position d’analyste dans ma vie, ou avec mes amies", précise-t-elle, "je crois sincèrement qu’en ce sens, le dispositif est très important."
Et Catherine Dhéry de plaisanter : "On peut fréquenter des analystes, ce n’est pas dangereux !"
Aider les autres à mieux vivre : un objectif commun pour ces professionnel·les
Au travers de ce documentaire qui, à l’instar d’une psychanalyse, se déroule lentement et nous en révèle un petit peu plus tout au long du chemin, Jonathan Hayoun lève le voile sur cette profession, l’une des nombreuses mises en avant dans le cadre du festival Images mentales.
Pour compléter cette projection, prévue à la Vénerie le mercredi 12 février à 14h, Olivier Renard, psychologue et membre de l’ASBL psymages, recevra le réalisateur Jonathan Hayoun en compagnie de deux confrères, Muriel Rozenberg et Tanguy de Foy, afin d’échanger plus amplement sur le film.
Parmi les autres projections de ce riche programme à découvrir, le documentaire Rien à guérir mettant en lumière les "thérapies de conversion" en Belgique, au travers de témoignages de victimes de ces pratiques et d’acteur·ices de terrain. Côté fiction, l’actrice belge Mara Taquin enfile le costume d’une infirmière stagiaire au centre hospitalier Titeca dans Au bord du monde, un récit de vie racontant avec tendresse le difficile quotidien du personnel soignant de cet hôpital psychiatrique schaerbeekois.
Kévin Giraud
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