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Arizona : la psychomotricité, enfin reconnue profession paramédicale ?

19/02/25
Arizona : la psychomotricité, enfin reconnue profession paramédicale ?

En 2016, Maggie De Block, alors Ministre fédérale de la Santé, faisait savoir que le métier de psychomotricien ne serait pas reconnu comme profession paramédicale. Neuf ans plus tard, une possible reconnaissance figure dans l’accord gouvernemental de l’Arizona, mené par Bart De Wever. État des lieux avec Massimo Maiorana, psychomotricien et Président de l’UPBPF.

Le Guide Social : En 2016, la Belgique a refusé de reconnaître la psychomotricité comme profession paramédicale, contrairement à ses voisins européens. Pourquoi un tel refus ? Quelles étaient les principales objections ?

Massimo Maiorana : Un bachelier en psychomotricité a été créé en 2012 en Fédération Wallonie-Bruxelles, dont le but était de regrouper toute une série de formations complémentaires autour d’un profil professionnel, avec comme perspective la reconnaissance du métier comme profession paramédicale. En 2015, les premiers diplômés sont arrivés sur le terrain. Or, l’année suivante, la ministre de la Santé de l’époque a annoncé que la psychomotricité ne serait pas reconnue comme profession paramédicale, en se basant sur différents arguments, dont un selon lequel la psychomotricité était déjà représentée dans plusieurs métiers. C’est là une vision assez anglo-saxonne, alors qu’en Europe, en Amérique latine ou encore en Afrique, une autre façon de penser la psychomotricité s’est développée, comme étant un champ de recherche et de santé à part entière et qui demande des spécificités pour pouvoir prendre en charge efficacement ces troubles-là.

Le Guide Social : Vous parlez de l’Europe. D’autres pays européens ont donc reconnu la psychomotricité comme profession paramédicale.

Massimo Maiorana : Oui, tous les pays qui nous entourent ! La France, le Luxembourg, les Pays-Bas, et -en partie- l’Allemagne (où la décision revient aux länder, les entités fédérées). C’est sur ce point que nous nous sommes appuyés pour développer le bachelier et continuer à diplômer nos étudiants. Ils sont donc pleinement formés comme paramédicaux mais ne sont pas reconnus comme tels. Malgré le refus essuyé en 2016, nous avons toutefois continué à entretenir des contacts avec les politiques et les différentes parties prenantes, tant au niveau francophone que fédéral, pour continuer à argumenter et expliciter cette vision-là de la psychomotricité, et essayer de faire se rejoindre les points de vue. C’est ce qui a permis d’aboutir à cet accord de gouvernement.

"Aujourd’hui, sans protection du métier, tout un chacun peut s’affirmer comme étant psychomotricien"

Le Guide Social : Combien d’étudiants ont été diplômés depuis que le cursus existe ?

Massimo Maiorana : Entre 1.300 et 1.400, mais en tenant compte du fait que 2016 a connu une grosse chute des inscriptions et ensuite, par la force des choses, des diplômés. Une chute qui est désormais en train de se résorber. Les psychomotriciens sont de plus en plus connus du grand public, mais cette absence de reconnaissance a tout de même comme conséquence que nous sommes aujourd’hui en manque de psychomotriciens : la demande est grande, de nombreux médecins prescrivent de la psychomotricité à leur patientèle, mais ces patients sont en peine de trouver des psychomotriciens.

Le Guide Social : La psychomotricité souffre-t-elle d’une "crise des vocations" à cause de cette non-reconnaissance ? Certains jeunes renoncent-ils à cette carrière par peur de ne pas pouvoir exercer dans de bonnes conditions ?

Massimo Maiorana : En effet. Certains jeunes viennent aux soirées d’information, s’inscrivent parfois en première année, mais lorsqu’ils prennent pleinement conscience de cette non reconnaissance, ils se posent de nombreuses questions : pourront-ils s’installer comme indépendants ? Leur emploi sera-t-il garanti s’ils décident d’ouvrir un cabinet ?… Certains préfèrent donc se réorienter vers d’autres disciplines.

Lire aussi : Psychomotricien : ce qu’il faut savoir avant de chercher un emploi

Le Guide Social : La reconnaissance enfin en vue mettra donc un terme à cette situation frustrante...

Massimo Maiorana : Il est important de préciser qu’il s’agit ici d’une étude visant peut-être à la reconnaissance de la psychomotricité ! Cela reste donc hypothétique et tout dépendra de ce que cette étude tirera comme conclusions. Par contre, là où nous sommes satisfaits, c’est que le sujet est enfin à l’ordre du jour du gouvernement, ce qui nous permettra d’expliquer ce qu’est la psychomotricité, à quoi elle sert dans notre pays, qui la prend en charge et pour quels bénéfices, etc. Et surtout, d’en souligner les aspects sociétaux, tels que les difficultés de prise en charge, ou comment améliorer l’accessibilité pour les bénéficiaires. Un autre point positif, en cas de reconnaissance, sera de pouvoir s’assurer que, lorsqu’on fera appel à un psychomotricien, on se retrouvera face à une personne formée. Aujourd’hui, sans protection du métier, tout un chacun peut s’affirmer comme étant psychomotricien.

"Nous espérons que cette législature sera la bonne !"

Le Guide Social : Les choses avancent, mais il reste encore du chemin à parcourir. Dans quel délai pensez-vous aboutir ?

Massimo Maiorana : Nous espérons que cette législature sera la bonne et que, dans le cadre de cette étude liée à la reconnaissance, nous pourrons travailler efficacement avec les cabinets concernés, pour permettre d’aboutir dans le courant de cette législature-ci. Nous y travaillons depuis plusieurs années, nos dossiers sont prêts, laissons le temps aux choses de se mettre en place, et nous solliciterons ensuite les autorités compétentes.

Le Guide Social : Avez-vous déjà eu des contacts directs avec Frank Vandenboucke, ministre de la Santé ?

Massimo Maiorana : Pas encore. Mais c’est normal : les nouveaux cabinets s’installent seulement. Nous attendons la note d’intention du ministre pour nous assurer qu’il ne s’agit pas uniquement d’un effet d’annonce. Mais toutes les personnes avec qui nous avons discuté tout au long de la campagne électorale, et ensuite pendant les négociations gouvernementales, étaient déterminées à déboucher sur une solution. Tout en sachant que rien n’est simple, puisqu’il faut évidemment tenir compte de certaines réalités budgétaires. C’est ce qui nous rend heureux de pouvoir prendre part à des discussions porteuses, tout en restant prudents quant à cette reconnaissance tant souhaitée.

Propos recueillis par O.C.

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