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ASBL Le Laboratoire : « On ne peut pas être ce que l’on ne voit pas »

18/04/23
ASBL Le Laboratoire: « On ne peut pas être ce que l'on ne voit pas »

Une nouvelle association unique en son genre voit le jour dans le paysage bruxellois. Baptisée Le Laboratoire, cette ASBL encourage l’inclusion de toutes et tous dans les médias par l’expérience et l’échange. Le concept est tout à fait innovant. Démonstration avec la fondatrice de cette initiative Emilie Vervust.

C’est dans un esprit idéaliste, inventif et éclairé que le projet du Laboratoire a été imaginé. Un esprit familier du monde associatif, des questions liées à l’inclusion, à l’éducation et aux médias. Emilie Vervust ne quitte pas son sourire pour nous parler de sa toute jeune ASBL. Celle qui a travaillé durant six ans au sein de l’ASBL TADA, comme coordinatrice pédagogique d’abord, et comme responsable de l’antenne de Molenbeek ensuite, a organisé des milliers d’ateliers et travaillé avec des centaines de jeunes différents, dans le cadre des «  écoles du week-end  ». En parallèle, cette diplômée en communication et journalisme a animé bénévolement une émission sur l’art à Bruxelles, durant de nombreuses années.

«  J’ai toujours eu envie de contribuer à la société à travers un projet qui correspondait à 100% à mes valeurs. Créer «  Le Laboratoire  », c’était la suite logique de mon parcours professionnel et de mes convictions profondes, c’est ma réponse aux causes qui me touchent.  », nous confie Emilie Vervust.

«  Et cette réponse, elle s’inscrit dans un contexte personnel particulier, poursuit l’intéressée. Suite à un burn out, je me suis retrouvée à un carrefour de ma vie et j’ai dû me poser des questions essentielles  : Comment ai-je envie de contribuer à la société  ? Qu’est-ce qui est important pour moi  ? Vais-je réussir à retirer les barrières mentales qui m’empêchent d’oser créer  ?  »

Réponse  : She did it  ! Après​ ​​une année ​de travail, Emilie Vervust donne naissance à l’ASBL Le Laboratoire. Les statuts sont officiellement déposés en août 2022. Son aventure associative, qui ne fait que commencer, elle a choisi de la raconter, avec la spontanéité qui la caractérise, à MonASBL.be via un journal de bord filmé d’une créatrice d’ASBL. 

Concrètement, toutes les deux semaines, à partir de ce jeudi 20 avril 2023, Emilie Vervust va dévoiler, face caméra, les coulisses de la création de son ASBL. Dans chaque vidéo, elle vous embarquera avec elle dans son quotidien et partagera son expérience personnelle !

 Découvrez, sur ce lien, le projet de MonASBL.be !

Sous-représentations et stéréotypes dans les médias

Le Guide Social  : Emilie Vervust, Le Laboratoire, c’est quoi  ?

Emilie Vervust  : L’idée du Laboratoire c’est d’encourager l’inclusion de toutes et de tous dans les médias mais pas n’importe comment. Par l’expérience et l’échange. C’est en cela que le concept est tout à fait innovant. Ces deux dimensions – l’expérience et l’échange – sont vraiment présentes dans toutes les activités du Laboratoire.

Via l’expérience média, nous voulons rendre les personnes actrices – des personnes qui sont généralement invisibilisées dans les médias – et via l’échange, nous souhaitons décloisonner des secteurs et des milieux en créant des ponts entre des personnes qui a priori ne se seraient pas rencontrées.

En résumé, Le Laboratoire c’est un espace de connexion et d’expérimentation qui fait de l’empowerment des personnes qui sont invisibilisées dans les médias.

Le Guide social  : L’objectif du Laboratoire s’est donc construit au départ d’un constat  ?

Emilie Vervust  : Exactement. Toutes les études – qu’elles soient belges ou européennes, qu’il s’agisse des études de l’AJP ou des Baromètres du CSA – démontrent que même s’il y a eu une amélioration ces dernières années, il y a toujours un énorme déséquilibre entre la place que certaines personnes occupent réellement dans la société et la représentation de celles-ci dans les médias.

Le Guide social  : De quels groupes de personnes parle-t-on  ?

Emilie Vervust  : Les études qui ont été réalisées portent sur le genre, la diversité d’origine, les catégories socio-professionnelles, l’orientation sexuelle, l’âge, etc. On remarque que tous les groupes qui ne correspondent pas à l’homme blanc hétérosexuel, actif professionnellement et valide sont sous-représentés.

Et au-delà de cette sous-représentation, lorsque ces groupes sont présents dans les médias, force est de constater que les représentations se font à travers certains rôles déterminés. Les femmes, par exemple, sont beaucoup moins représentées dans le rôle d’expertes que leurs homologues masculins. Les personnes handicapées ou les personnes LGBT​QUIA+​ quand elles prennent la parole, c’est pour parler de leur handicap ou de leur orientation sexuelle, ​et non pour donner leur avis sur des sujets de société, indépendamment de ces éléments. Or, je suis persuadée que c’est la diversité d’opinions et d’intervenants qui enrichit le débat. La parole de chacun compte. ​

L’idée du Laboratoire c’est donc non seulement de visibiliser ces personnes mais aussi de les rendre actrices de leur expérience pour les sortir des stéréotypes dans lesquels on les enferme.

Cette volonté de favoriser une représentation égalitaire dans les médias est déterminante car les médias sont des vecteurs qui façonnent la vision que l’on a du monde, de l’Autre, de Soi. Le caractère inégalitaire des médias prolonge les inégalités de la société et renforce les stéréotypes. Il y une phrase que j’aime bien  : «  on ne peut pas être ce que l’on ne voit pas  ».

Les médias ont un rôle à jouer. Ils font partie intégrante de l’expérimentation. Ils se rendent compte qu’il y a un véritable challenge.

L’expérimentation ouvre un champ des possibles

Le Guide social  : Expérience, expérimentation… Le nom du Laboratoire s’est imposé assez vite  ?

Emilie Vervust  : Tout à fait. Quand je disais que c’est le résultat de mes convictions profondes, je crois très fort au pouvoir de l’action et de l’expérimentation. Je pense que la transmission de manière passive ne s’imprime pas de la même manière que si la personne en fait l’expérience par elle-même. Il y a donc bien cet aspect expérimental dans le nom de l’ASBL.

Comme les participants sont acteurs et actrices de leurs expériences, il faut pouvoir faire preuve d’un ​certain ​lâcher prise.​ ​Nous ​créons ​un cadre​ et des formats d’ateliers.​ Mais nous offrons ​aussi ​un pouvoir d’action, une liberté et donc la possibilité aux personnes de s’approprier l’expérience. ​Personne ne peut donc prévoir le résultat des expériences. ​Le pouvoir de l’expérimentation ouvre un champ des possibles que même nous, nous n’avions pas imaginé. Et c’est ça qui est juste complètement magique et innovant.

Le Guide social  : On peut dire que ce sont les premiers enseignements que vous tirez de vos expériences médias. Décrivez-nous les premières activités mises en place.

Emilie Vervust  : Nous avons lancé en janvier dernier le projet​-pilote​ «  1 km²  »  : il s’agit d’un programme de connexion et d’exploration de soi, de l’autre et du monde à travers les médias. Pendant 6 mois, des publics sous-représentés dans les médias vont se rencontrer et faire des ateliers ensemble pour se découvrir et explorer ​le monde ​à travers les médias.​ L’idée est que ces publics vivent une expérience culturelle ensemble, dans leur quartier, dont ils créeront ensuite un souvenir média. ​

Pour cette première expérience​-pilote​, nous réunissons​, dans un même quartier (1km²)​ des élèves de 14 ans et des résidents d’une maison de repos dont l’âge moyen est de 80 ans. Dans la presse quotidienne, ce sont des groupes qui ne sont quasiment pas représentés.

​​​Et comme ces personnes sont actrices de l’expérience, cela nous forcera peut-être à faire évoluer le concept. Pour réaliser ce pilote, n​ous collaborons avec le professeur de l’école​ (l’Institut des Dames de Marie), Jonathan Gossart,​ et deux ergothérapeutes de la maison de repos​ et de soins les Pléiades, Lisa Wilmot et Virginie Marchal​.​ Ce sont des personnes investies et expérimentées qui apportent une réelle valeur ajoutée au projet ainsi que leur expertise des publics avec lesquels nous travaillons.​​ ​​Nous in​vitons aussi ​​des professionnel·le·s des médias à participer à nos ateliers (​des journalistes​, des réalisatrices,...). Ils y​ viennent partager leur expérience. Il y a une dimension ​profondément ​collaborative​. ​​Nous souhaitons également travailler avec des associations actives dans les différents domaines en lien avec le projet (l’éducation aux médias, l’inclusion,...). ​

A travers notre projet pilote «  1 km²  », les participants vont travailler quatre objectifs qui transcendent chaque expérience média  :

  • explorer soi, l’autre et le monde,
  • penser par soi-même,
  • s’exprimer,
  • et diffuser son opinion.

Pour rencontrer ces objectifs, nous avons développé une méthode qui repose sur quatre mots  : expérience,​ échange,​ horizontal​ et ​local (on essaie d’impliquer les personnes d’un même quartier)​.​​ ​

La notion d’horizontalité est super importante  : on la retrouve tant dans les expériences médias qu’au sein de notre ASBL. Nous pensons que nous avons tous à apprendre les uns des autres et les uns aux autres.

Le Guide social  : Comment envisagez-vous de déployer les missions du Laboratoire sur le terrain  ?

Emilie Vervust  : Notre projet pilote «  1 km²  » sert de test et de vitrine pour rechercher des financements et des partenariats. Dans notre stratégie de développement, nous ambitionnons l’année prochaine de lancer trois nouveaux «  1km²  »​. Deux ​avec les mêmes publics​ mais​ nous aimerions ​aussi ​tester l’un des projets avec d’autres publics invisibilisés par les médias. Cela pourrait être des écoles pour enfants malentendants ou des centres d’accueil pour personnes en situation de migration​ par exemple. ​

Nous ambitionnons que, dès l’année suivante, ce projet puisse véritablement essaimer un peu partout dans Bruxelles.

Actuellement, une grande partie de mon travail consiste à donner de la visibilité à l’initiative. Je communique, je fais du fundraising. Je prends contact avec les pouvoirs publics et privés pour faire connaitre le projet et voir s’il y a des partenariats qui peuvent se créer.

C’est un projet qui est voué à grandir.

Un réseau des ambassadeurs et des ambassadrices

Le Guide social  : Vous l’imaginez comment Le Laboratoire dans 5 ans  ?

Emilie Vervust  : Dans ma vision, je rêve que le Laboratoire soit un espace physique, dans 5 ans  : ce serait un safe space dédié à la culture inclusive à Bruxelles, dans lequel nous pourrions disposer d’une bibliothèque inclusive, d’un espace d’exposition, d’un lieu de discussions et de débats, qui serait ouvert à tous et à toutes. C’est vraiment la vision que j’ai développée dans mon business plan​ social​.

Dans nos projets futurs, nous souhaitons développer une plateforme d’expression citoyenne pour visibiliser toutes les productions et tout ce qui a été réalisé durant les ateliers. L’idée de ces expériences médias, c’est de faire en sorte que les personnes créent elles-mêmes des produits médiatiques.

C’est fondamental de créer une espèce de média citoyen.

Dans le même ordre d’idée, nous souhaitons créer un réseau des ambassadeurs et des ambassadrices. Toutes les personnes qui ont participé aux expériences médias auront la possibilité d’intégrer un réseau qui sera fédéré par la plateforme d’expression citoyenne et par des activités qui seront organisées par Le Laboratoire. Cela n’aurait aucun sens de faire un super projet et puis de dire aux participants «  maintenant salut  ». Nous voulons leur donner la possibilité d’intégrer ce réseau collaboratif.

Après 4 séances, nous mesurons ​déjà la nécessité d’une revalorisation de la parole de nos publics, qui doutent fortement de leur pouvoir d’action sur notre société. Nous réalisons aussi qu’il y a une réelle volonté de leur part de créer du lien et, en ce qui concerne les élèves, de sortir du cadre scolaire classique. ​ ​​​ ​

Le Laboratoire est un projet ambitieux qui est voué à grandir et à avoir un impact social fort. Et je travaille pour. Nous devons continuer à faire connaître notre projet et décrocher des financements.

Le Guide social  : Qui se cache derrière l’ASBL et quels sont ses besoins les plus urgents  ?

Emilie Vervust  : L’ASBL a été créée en août 2022 mais l’activité et la communication vers l’extérieur ont débuté en janvier 2023. ​Nous sommes donc au tout début. ​Je travaille à temps plein comme bénévole et je suis entourée de cinq membres effectifs qui ont des expertises complémentaires. Ce sont des super personnes qui m’aident à avancer.

En termes de besoins, nous recherchons activement des subsides privés ou publics car pour l’instant, nous n’avons aucun financement. Nous avons besoin également de matériel média comme des smartphones, des tablettes, des PC, etc. Tout soutien est vraiment le bienvenu.

N’hésitez pas à retrouver l’ASBL Le Laboratoire sur les réseaux sociaux  :

Lina Fiandaca



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