Six enquêtes pour décrypter les réalités du secteur social-santé
Quand le tumulte du quotidien ralentit, c’est l’occasion de reprendre du recul. Pour vous, professionnel·les du social et de la santé, ces moments de respiration sont rares — mais précieux. À travers six enquêtes publiées au fil de l’actualité, la rédaction du Guide Social vous propose de plonger dans les enjeux qui façonnent vos métiers : conditions de travail, reconnaissance, pénurie de personnel, mobilisation collective, retour au travail après un burn-out, accompagnement des publics fragiles, ou encore réforme des politiques de santé. Que vous soyez soignant·e, travailleur·se social·e, gestionnaire d’institution ou encore en formation dans l’un de ces métiers, ces formats longs ont été pensés pour nourrir vos pratiques, alimenter vos réflexions et, peut-être, vous aider à vous sentir moins seul·e face aux tensions du quotidien.
Ces derniers mois, les lignes ont bougé dans le social-santé : mobilisations inédites, alertes du terrain, témoignages forts… Le secteur fait entendre sa voix. À chaque moment clé, la rédaction du Guide Social a pris le temps de creuser, d’interroger, de confronter les regards. Enquête après enquête, se dessine un portrait contrasté : celui d’un secteur parfois épuisé, mais lucide, mobilisé, et en quête de sens — celui aussi d’un écosystème qui se réinvente, repense ses fonctionnements et innove pour mieux répondre aux réalités du terrain.
À rebours des formats rapides et des réactions à chaud, ces longs formats offrent un regard approfondi. Six enquêtes à lire ou relire pour analyser autrement l’actualité, nourrir vos échanges… et penser les pratiques d’aujourd’hui et de demain.
Quand les professionnels du social se battent pour pouvoir… continuer à aider
Cette enquête immersive plonge au cœur d’un secteur à bout de souffle, mais toujours debout. Réduction des subsides, surcharge de travail, précarité croissante : face à l’épuisement généralisé, des collectifs comme Travail Social en Lutte émergent pour porter une parole collective. De la manifestation nationale du 7 novembre 2024 à l’occupation de la FEB par Commune Colère, les travailleurs sociaux s’organisent pour refuser la déshumanisation de leurs métiers. Leurs voix portent un appel clair : « Moins de contrôle, plus de social ».
À Bruxelles et Liège, des professionnelles témoignent du paradoxe de leur engagement : accompagner des publics fragiles tout en étant eux-mêmes fragilisés. Ils dénoncent la digitalisation des services essentiels, les appels à projets fragmentés, l’absence de financement structurel, et la pénurie criante de personnel. À travers leurs récits, l’enquête met en lumière les limites du système… mais aussi une force collective capable de relancer la lutte, même dans l’adversité. Un texte indispensable pour celles et ceux qui vivent cette réalité au quotidien et veulent la transformer.
En savoir + : Réhumaniser le travail social par la force de la mobilisation collective
Comment mesurer l’impact du travail social ? En donnant la parole à ceux qui en ont bénéficié
À l’occasion de la Journée internationale du travail social, cette enquête met en lumière ce que vivent les bénéficiaires lorsqu’un travailleur social entre dans leur vie. Antonin, jeune en décrochage scolaire, trouve enfin un cap grâce à Catherine, intervenante de l’ASBL Odyssée. Lucienne, 88 ans, peut rester chez elle grâce au soutien de Barbara, aide-soignante à Vivre Chez Soi. Aboubacar, réfugié guinéen, ne tarit pas d’éloges sur Laurence, travailleuse sociale à l’ASBL MOVE : « Même la nuit, quand j’avais des pensées dures, elle écoutait mes problèmes. »
Une série de récits concrets qui rappellent, aux professionnels du social et de la santé, la portée de leur engagement. Qu’il s’agisse d’éviter une récidive, de retarder l’entrée en maison de repos ou d’accompagner un jeune vers une formation, chaque histoire documente l’impact tangible du travail social.
En savoir + : Quand le travail social redonne des perspectives : paroles de bénéficiaires
Pénurie infirmière : ces hôpitaux qui attirent… et retiennent les soignants
Dans cette enquête fouillée, Le Guide Social explore un concept encore méconnu en Belgique : l’hôpital « magnétique ». Venu des États-Unis, ce modèle repose sur l’autonomie des soignants, la reconnaissance du savoir infirmier et un management horizontal. Joëlle Durbecq (Cliniques Saint-Luc), Walter Sermeus (Magnet4Europe), Yves Maule (UGIB) ou encore Philippe Devos (UNESSA) décryptent ses promesses : réduction du burnout, fidélisation des équipes, regain de sens au travail. L’UZA d’Anvers, seul hôpital certifié à ce jour, inspire déjà d’autres établissements à initier le changement.
Mais pourquoi ce modèle peine-t-il à émerger chez nous ? Freins culturels, manque de moyens, poids de l’organisation hiérarchique : l’enquête interroge les obstacles à cette transition. Elle montre aussi comment, dans un système hospitalier sous tension, la démarche « magnet » pourrait devenir un levier structurant pour répondre aux défis à venir : explosion de la demande de soins, désertification des équipes, perte d’attractivité du métier. Un dossier rigoureux et concret, destiné à tous les professionnels du social et de la santé désireux d’envisager autrement l’hôpital de demain.
En savoir + : Et si les hôpitaux “magnétiques“ étaient la clé face à la pénurie infirmière ?
Réforme du retour au travail : quels impacts pour les métiers du social et de la santé ?
Prévue pour janvier 2026, la réforme du trajet de réintégration veut encourager un retour au travail mieux coordonné après une longue incapacité. Mais dans les secteurs du social et de la santé, déjà frappés par l’absentéisme et l’épuisement, elle soulève des craintes. Manque de concertation, flou juridique, retours imposés sans adaptation : la réforme inquiète. Pourtant, certains y voient une opportunité pour mieux structurer la prévention, renforcer le dialogue et sortir d’une logique d’improvisation.
Consultants, syndicats et employeurs convergent : tout dépendra de la manière dont la réforme est mise en œuvre. Au Samusocial, une politique proactive a été lancée, mêlant prévention, formations et accompagnement sur mesure. Pour Anne Habets, spécialiste des risques psychosociaux, il faut « sortir de l’approche punitive et faire de la réintégration une vraie opportunité ». Car comme le rappelle Sébastien Robeet (CNE-CSC), sans adaptation, 70 % des retours échouent.
Une enquête de terrain documentée, pour aider les professionnel·les à comprendre ce qui va changer, et comment accompagner ce virage sans y laisser le sens de leur métier.
En savoir + : Absentéisme et retour au travail : une réforme qui met le Social / Santé à l’épreuve
Elles soignent, mais qui prend soin d’elles ?
Elaborée à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, cette enquête explore les réalités souvent invisibilisées des métiers du care, majoritairement exercés par des femmes. Infirmières, aides-soignantes, agentes d’entretien… elles témoignent d’un quotidien rythmé par la cadence, la précarité et un manque criant de reconnaissance. « Les conditions de travail m’ont volé ma vocation », déplore Nayat, infirmière. Myriam, aide-soignante, parle d’une « cadence qui pousse à la maltraitance ».
De la hiérarchie hospitalière aux stéréotypes d’un care supposément « naturel » chez les femmes, l’article interroge les logiques de domination à l’œuvre dans le secteur de la santé. Avec les éclairages de chercheuses, il rappelle l’urgence de sortir de la logique productiviste pour réinventer des conditions de travail dignes. Entre lassitude et résistance, certaines structures, comme la maison médicale Plan F, amorcent un changement de culture : « Ici, on veille à ne pas culpabiliser en cas de maladie », souligne sa coordinatrice.
En savoir + : Celles qui nous soignent : les métiers du care sous le prisme du genre
Des soignantes et soignants disent stop aux violences obstétricales
À travers cette enquête, le Guide Social donne la parole aux professionnel·les de la naissance qui, aux côtés des usagères, repensent en profondeur la manière dont les accouchements sont accompagnés.
Gynécologues, sages-femmes, doulas : tous et toutes alertent sur la banalisation des violences obstétricales et gynécologiques. Dans un contexte hospitalier marqué par la cadence, les injonctions techniques et le manque de reconnaissance, certain·es explorent des alternatives plus humaines et égalitaires. Leurs récits, croisés à ceux d’usagères, témoignent d’une volonté partagée de replacer les femmes au cœur de leur accouchement.
En partant du vécu de soignantes, ce dossier met en lumière les tensions entre valeurs du soin et organisation du travail. Il souligne aussi les initiatives collectives pour faire évoluer les pratiques, comme le gîte de naissance Le Cocon ou le festival des maternités féministes. Si le chemin vers une justice reproductive reste long, la dynamique est en marche : la parole se libère, les alliances se tissent, et les patientes, désormais mieux informées, réclament de nouveaux standards de respect. Une lecture essentielle pour les professionnel·les du social et de la santé qui veulent (re)donner du sens à l’accompagnement des naissances.
En savoir + : Professionnelles et usagères, ensemble pour des maternités respectueuses et égalitaires
Emilie Vleminckx
Rédactrice en chef
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