Coupes budgétaires : en Wallonie, les relais sociaux plongés dans l’incertitude
Les relais sociaux verront leur budget être coupé d’au moins 850.000 euros en 2025, a confirmé le ministre wallon des solidarités, Yves Coppieters. Un coup dur pour ces services dont le rôle est de coordonner, de financer et d’opérer dans la lutte contre la grande précarité.
En Wallonie, les relais sociaux naviguent à vue vers l’horizon 2025. Début novembre, le cabinet du ministre wallon des solidarités, Yves Coppieters, a annoncé une coupe de 850.000 euros dans les budgets de ces services, dont le rôle est de coordonner et de financer les acteurs de la lutte contre la grande précarité.
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Un mois plus tard, l’étau se resserre : les 850.000 euros d’économie ne sont en fait qu’un minimum... Certes, au sein du cabinet Coppieters on s’engage à trouver les moyens pour ne pas dépasser ce montant, mais pour les relais sociaux « c’est un choc », témoigne Olivier Hissette, président de la Fédération des Coordinations Générales des Relais Sociaux wallons (COCOREL).
Ces services sont financés par la Région wallonne de deux manières : d’un côté par des subventions prévues par la loi, couvrant leur fonctionnement et l’enveloppe destinée aux financements de projets d’acteurs externes ; de l’autre par des subventions facultatives, pour financer les missions supplémentaires confiées aux relais sociaux au fil des années. Pour certains des sept relais sociaux urbains, ces dernières représentent 55% de leur budget. Et jusqu’à 80% pour les deux relais sociaux intercommunaux, précise Olivier Hissette.
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"Des personnes risquent de retourner à la rue si notre accompagnement diminue"
Par ailleurs, mi-juillet, le gouvernement wallon a annoncé vouloir favoriser les subsides quinquennaux, plutôt que les subventions annuelles. Avec le risque que des financements soient abandonnés.
Ainsi, depuis plus d’un mois, les relais sociaux vivent dans l’incertitude. « Quelles enveloppes seront coupées ? Est-ce qu’il y aura une différence entre les grands relais sociaux comme Charleroi et Liège qui perçoivent le double du montant octroyé à un petit relais social ? », s’interroge le président de la fédération. Et surtout, quelles conséquences sur leurs missions et leur public ?
« Nous savons que cela ne doit pas être facile pour le ministre de gérer des orientations prises en début d’année par le gouvernement, mais nous aurions aimé analyser avec le cabinet la réelle portée des économies qui vont être faites. A notre avis ce sont des économies qui vont générer davantage de coûts », continue Olivier Hissette.
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Car en 25 ans, les relais sociaux ont prouvé leur efficacité, insiste-t-il. Seulement avec les « Housing First », plus de 2.000 personnes ont retrouvé une stabilité en logement, depuis les premières expérimentations en Belgique en 2013. « C’est une foule de personnes qui étaient dans la grande précarité », énumère le président de la fédération qui prévient : « A l’inverse, des personnes risquent de retourner à la rue si notre accompagnement diminue ». Sans compter la perte d’expériences et d’expertises si des économies devaient être réalisées sur le personnel.
Des enveloppes fermées « de plus en plus étriquées »
Créés en 1999 avec pour objectif de coordonner les réponses en matière d’accueil de jour, de nuit, de travail de rue et d’urgence sociale face à la grande précarité, notamment en octroyant des subventions aux porteurs de projets, les missions des relais sociaux se sont peu à peu étendues. « Nous sommes progressivement passés d’un volet de coordination pure à un volet action. Nous sommes devenus des opérateurs comme ceux que l’on finance », raconte Olivier Hissette.
Parmi les projets phares des relais sociaux : le « Capteur Logement », permettant de trouver des propriétaires solidaires disponibles à louer à des personnes en précarité, et le « Housing First », permettant à un sans-abri de redémarrer dans la vie, par le biais d’un logement et d’un accompagnement social. Enfin, « nous sommes aussi un observatoire de la réalité locale en matière de grande précarité », continue le président de la fédération.
Pour accomplir toutes ces missions, les relais sociaux reçoivent des enveloppes fermées et « de plus en plus étriquées », assure Olivier Hissette. Pour un relais social standard, de moins de 150.000 habitants, ce sont environ 1,5 millions d’euros de subventions, dont plus de 900.000 pour le financement de porteurs de projets. « Nous finançons non seulement des projets mais aussi notre personnel qui a de l’expérience, et dont le poids salarial pèse sur des enveloppes fermées », continue le président de la fédération.
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Le ministre Coppieters réagit
De son côté, « le ministre Yves Coppieters reconnaît toute l’importance des relais sociaux et souhaite les rencontrer en direct prochainement », confirme son cabinet après du Guide Social. Une date doit encore être fixée. « L’objectif est bien le maintien de l’emploi, de pérenniser le soutien aux relais et mécanismes tel que Housing First. Points qui seront abordés lors de de cette prochaine rencontre dans les semaines qui viennent », rassure-t-on encore.
Par ailleurs, le cabinet insiste : « On rappelle que le gouvernement précédent a libéré nombre de montants en mesure ’one-shot’ sans en prévoir la pérennité budgétaire ». Désormais, la priorité du gouvernement sera donc « un travail concerté avec le secteur » afin d’« examiner la poursuite des objectifs prioritaires, notamment le renforcement des dispositifs Housing First », conclut le cabinet.
Caroline Bordecq
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