CPAS : quand l'action sociale a affaire à des menteurs

Fausse adresse, travail au noir, cohabitation... Le quotidien des assistants sociaux opérant dans les CPAS du pays s’apparente aujourd’hui de plus de plus à une traque à la fraude sociale.
Géraldine (nom d’emprunt) est assistante sociale dans un CPAS en province de Namur. Elle exerce son métier depuis plus de 30 ans. C’est peu dire si elle connaît les tenants et les aboutissants de l’action sociale.
Des droits, mais aussi des obligations
À ses débuts dans le métier, Géraldine s’occupait en majorité de dossiers pour des personnes âgées isolées qui avaient du mal à joindre les deux bouts. Désormais, les bénéficiaires du revenu d’intégration sont un tout autre public : « Nous traitons énormément de dossiers de jeunes en décrochage. Souvent, ce sont des électrons libres, sans soutien familial, des individus fort seuls et particulièrement abîmés par la vie. Ils sollicitent le CPAS car ’ils y ont droit’, disent-ils. Mais souvent ils oublient que s’ils ont des droits, ils ont aussi des obligations », explique Géraldine.
Avec la décision du gouvernement Di Rupo de limiter à trois ans l’octroi des allocations d’attente et celle du gouvernement Michel de fixer à 25 ans l’âge maximum pour accéder aux indemnités d’insertion, le public sollicitant une aide auprès des CPAS risque à l’avenir de se rajeunir encore un peu plus.
« Il faut constamment fliquer les gens »
Outre le changement de profil des bénéficiaires, Géraldine fait part d’une évolution des tâches dans le travail des assistants sociaux au sein des CPAS : « Notre boulot aujourd’hui, c’est de traquer les gens, tout le temps. Le CPAS pour lequel je collabore se trouve dans une petite ville et donc il arrive qu’on apprenne qu’un tel travaille au noir, qu’un autre cohabite tout en continuant à profiter du revenu d’intégration social. On essaye alors de confronter les gens avec un rapport contradictoire mais on manque de temps et de moyens. Et souvent, les personnes pointées du doigt adoptent des attitudes, parfois elles deviennent agressives. C’est à qui va gagner la partie ? »
Or, si la fraude est prouvée, les personnes risquent une suspension de paiement de l’aide durant une période allant, selon la gravité, d’un à trois mois, avec demande de rétrocession de tout ou partie des sommes indûment touchées.
Qu’à cela ne tienne, certains persistent et signent, selon Géraldine : « parfois, mes collègues et moi, on se dit que les gens mobilisent davantage leur énergie pour tromper plutôt que pour s’en sortir... »
CPAS : la fraude sociale pas excessive
Aussi, récemment, le guide social a eu écho d’un cas de fraude pour le moins interpellant au CPAS de la Ville de Bruxelles : le nom d’un même enfant se retrouverait dans les dossiers de plusieurs allocataires sociaux différents. Autrement dit, un même enfant aurait plusieurs parents ; une entourloupe plutôt rusée pour obtenir un revenu d’intégration plus élevé. Sollicitée à ce sujet par le guide social, la présidente du CPAS de la Ville de Bruxelles Pascale Pereïta (PS), n’a pas souhaité s’exprimer.
Faut-il y voir des lacunes dans le contrôle de la fraude sociale au sein de l’institution bruxelloise ? Loin s’en faut, déclarait Pascal Pereïta en février dernier pour le journal La Capitale : « Avant d’accorder une aide à quelqu’un, on mène préalablement une enquête sociale. On effectue toujours une visite à domicile et on consulte la banque Carrefour, où on peut trouver notamment les données du registre national et les données Dimona, enregistrant toute signature ou toute fin d’un contrat de travail. Cela permet de connaître la situation économique et sociale de toute personne. »
Cela dit, si des abus existent, ils ne sont pas excessifs. Pour preuve, les résultats d’une vaste étude sur la fraude sociale commandée par Maggie De Block (Open Vld) en 2013, quand elle était encore secrétaire d’État à l’Intégration sociale. Sur 589 communes belges, 283 ont pris part à l’enquête. Il ressort, si l’on rapporte le nombre de fraudes constatées au nombre moyen de bénéficiaires des CPAS, que la fraude sociale s’élève à 4,14% en moyenne pour le revenu d’intégration social, à 4,47 % pour l’aide sociale équivalente et à 1,69 % pour l’aide médicale.
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