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Drogue : le personnel des salles de consommation bientôt hors d’atteinte ?

03/02/23
Drogue : le personnel des salles de consommation bientôt hors d'atteinte ?

C’est un nouveau pas en avant pour la prise en charge de la consommation de drogue en Belgique : un avant-projet de loi viendrait sécuriser le cadre juridique des travailleurs qui exercent dans les salles de consommation à moindre risque (SCMR). Ainsi, alors que les deux SCMR de Belgique, qui se situent à Liège et à Bruxelles, sont légalement reconnues, le travail des professionnels qui y exercent est puni par la loi de 1921, ce qui les expose à des poursuites judiciaires.

Bien que reconnues légalement, ces salles, qui assurent une consommation sécurisée de produits psychotropes, offraient jusqu’ici une protection relative et limitée au personnel soignant.

Vendredi 27 janvier, un projet de loi a été voté, en seconde lecture, afin de créer un cadre légal plus sécurisant pour le personnel travaillant au sein de ces salles de consommation à moindre risque (SCMR). Ce projet de loi constitue un pas de plus vers une politique de promotion de la santé et d’encadrement de la consommation de drogue. Pour les ASBL Tadam et Transit, qui gèrent respectivement les salles de consommation de Liège et Bruxelles, il s’agit d’une réussite ainsi que la concrétisation d’un travail et d’une lutte de plusieurs années.

 Lire aussi : Drogues : une salle de consommation à moindre risque, c’est une affaire de droits humains.

 Lire aussi : Ouverture d’une salle de consommation de drogue à moindre risque à Bruxelles

Les SCMR : un moyen de superviser la consommation de drogue

Les salles de consommation à moindre risque (SCMR) constituent un lieu au sein duquel les usagers de drogues illicites peuvent consommer en toute sécurité, sous la supervision d’un personnel qui met à leur disposition du matériel stérile. Un personnel qui, toutefois, exerce une activité punie légalement par la loi de 1921, qui prévoit que « ceux qui auront facilité à autrui l’usage de substances en leur procurant un local à cet effet seront poursuivis ».

Actuellement, la Belgique compte deux SCMR. La première, présente à Liège depuis 2018, est gérée par l’ASBL Tadam. La seconde, plus récente, existe à Bruxelles depuis 2022 est tenue par l’ASBL Transit et la MASS (Maison d’accueil socio-sanitaire).

Pour de nombreux acteurs du secteur, l’importance des salles de consommation à moindre risque en Belgique n’est plus à prouver. Ces salles ont été mises en place dans un objectif de réduction des risques sanitaires et de l’insécurité engendrée par la consommation de drogue sur la voie publique et afin de favoriser la prise en charge d’une population consommatrice, souvent isolée. Selon des études, elles entraînent également une réduction significative des accidents par overdose, de transmission des maladies infectieuses et ouvre les personnes dépendantes à des opportunités de soins.

Une insécurité juridique pour les professionnels

Bruno Valkeneers, chargé de communication pour l’ASBL Transit, qui gère la SMCR de Bruxelles en collaboration avec la MASS, nous déclare : « La loi de 1921, qui engage la responsabilité des travailleurs au sein des SCMR, crée une insécurité juridique ». Toutefois, la SCMR de Bruxelles accueille pas moins de 80 à 100 consommateurs de drogue par jour. Une équipe de 20 professionnels les supervise au quotidien. Leur rôle ? Prodiguer toute une panoplie de soins de manière à améliorer le cadre de vie des usagers de drogue et leur assurer un droit d’accès à la santé par l’intermédiaire d’une aide administrative.

La mise en place d’une salle de consommation à Bruxelles est le fruit d’un travail acharné de plusieurs années. Un projet ambitieux qui a pu aboutir en grande partie grâce à une ordonnance de la région de Bruxelles-capitale. Publiée en 2022, elle donne un cadre légal de manière à permettre la création d’une SCMR. « Il y avait une volonté forte de la ville de Bruxelles au moment du changement du nouveau conseil communal. On a travaillé avec les autorités de la ville pendant 3 ans pour mettre en œuvre le dispositif. Il fallait trouver un lieu stratégiquement bien implanté, accessible et qui permette le déploiement des salles de consommation », révèle-t-il. Il poursuit : « On travaille avec un public très précarisé, beaucoup d’individus qui vivent dans la rue. Cela nous permet d’établir du lien social avec des populations qui ne sont pas conventionnées ».

La légalisation du travail du personnel des SCMR

Toutefois, un problème demeure : une loi fédérale, en date de 1921, interdit de procurer un lieu et de faciliter l’usage de drogue, sous peine de poursuites. Le vote d’un projet de loi permettrait enfin de légaliser le travail des professionnels au sein des SCMR. « Le secteur plaide pour les SCMR depuis plus de 20 ans et demandait une modification de la loi pour faciliter la mise en œuvre du dispositif », précise Bruno Valkeneers. « A l’avenir, une telle loi pourrait permettre à d’autres villes de déployer des dispositifs de SCMR, afin de de les rendre présentes partout. Il est nécessaire d’offrir des dispositifs pragmatiques pour prendre en charge la population consommatrice ».

Les salles de consommation à moindre risque font, malgré tout, l’objet de critiques acerbes. Accusées d’encourager les usagers à consommer, de banaliser les drogues et de favoriser l’insécurité, elles suscitent régulièrement de vifs débats. Cet avant-projet de loi, s’il aboutit, pourrait peut-être faciliter la mise en place de ces salles de consommation à moindre risque dans d’autres villes et favoriser la prise en charge ainsi que l’accompagnement des usagers de drogue.

Mélissa Le Floch



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