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EVRAS : “On a un soutien symbolique, maintenant il nous faut des fonds ! “

07/10/21
EVRAS :

Une carte blanche, publiée dans le Soir le 24 septembre 2021, tirait la sonnette d’alarme concernant le manque voire l’absence de créneaux EVRAS dans les parcours scolaires. La législation encore trop floue et le manque de moyens financiers freinent leur pérennisation. Emilie Saey et Lola Clavreul de la Fédération des Centres Pluralistes de Planning Familial (FCPPF) nous précisent les constats et attentes du terrain.

L’éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) est l’une des missions obligatoires des écoles depuis 2012. Les établissements doivent proposer des activités en lien avec l’EVRAS sur tout le parcours scolaire des élèves. Cependant, derrière le mot activité se cache un grand nombre de possibilités plus ou moins engageantes. Ce qui se ressent dans les chiffres : moins de 20% des élèves ont eu l’occasion de participer à une animation EVRAS. Face à ce constat, diverses mesures sont à mettre en place. C’est ce que nous expliquent Emilie Saey, directrice de la Fédération des Centres Pluralistes de Planning Familial (FCPPF) et Lola Clavreul, chargée de plaidoyer politique et de soutien aux centres.

La fédération : un travail de deuxième ligne

La mission de la Fédération des Centres Pluralistes de Planning Familial (FCPPF) est d’être au service des plannings familiaux afin que les acteur.rice.s qui les composent soient disponibles pour répondre aux demandes des bénéficiaires. Ainsi, la FCPPF vient en renfort entre autres en relayant les revendications au niveau du politique. Elle propose également des formations EVRAS et des outils pédagogiques qui y sont rattachés.

L’EVRAS : qu’est-ce que c’est ?

Pour Emilie Sayez, l’EVRAS c’est avant tout un accompagnement. “C’est un processus qui vise à accompagner les jeunes, tout au long de leur développement à partir de la maternelle jusqu’à la fin de la rhéto sur les sujets de la vie relationnelle, affective et sexuelle. C’est donc très large car en fonction des moments de vie, les besoins psycho-affectifs et sexuels sont différents.”

L’importance de ces sujets est reconnue au niveau du politique depuis 2012, cependant trop peu d’espaces existent aujourd’hui pour rendre compte d’un accompagnement efficace. C’est ce que soulève Lola Clavreul “Il y a peu d’espaces pour aborder ces questions-là, notamment dans le cadre scolaire.
Emilie Sayez reprend “Donc l’idée c’est de dédier un lieu, un espace et du temps pour permettre d’aborder ces thématiques. Thématiques qui sont fondamentales, ne serait-ce que la contraception, comment fonctionne un corps humain, quelle est l’implication d’une relation sexuelle sur le corps, qu’est-ce que le consentement... ce sont des B.a.-ba qui ne sont généralement pas vraiment pas abordés.” Car tout le monde se renvoie la balle. Certaines familles ne veulent pas aborder ces sujets et considèrent que c’est à l’école de s’en charger et des écoles n’envisagent pas de faire entrer ce genre de thèmes entre leurs murs. Que reste-t-il alors aux jeunes pour s’informer ? Internet et un ensemble de fausses informations.

 A lire : Une nouvelle plateforme web pour l’EVRAS

Le flou législatif : source d’inégalités

La reconnaissance de l’EVRAS comme partie des missions de l’enseignement obligatoire est une étape importante car elle constitue une reconnaissance officielle de la nécessité d’intégrer l’EVRAS tout au long de la scolarité. La circulaire à destination des directeur.rice.s d’établissements a été rédigée en 2013 afin de proposer des pistes dans la mise en place de ces créneaux, en rappelant les objectifs poursuivis et les partenaires potentiels. Ainsi, les séances EVRAS doivent, entre autres, promouvoir des lieux de vie tolérants, le respect entre filles et garçons et permettre à chacun.e d’obtenir des informations sur les services d’aide sociale et médicale. Aucune mention de la fréquence ou de la durée des séances.

Emilie Sayez précise “Quand le protocole d’accord a été signé, il n’y a pas eu de précisions quant au nombre de séance d’EVRAS, quant à la mise en œuvre de l’EVRAS dans les écoles. Du coup, le discours aujourd’hui c’est de dire aux écoles “Vous devez faire de l’EVRAS, en intégrer quelque part dans votre parcours pédagogique” mais on ne dit pas comment. Ce qui amène à des différences énormes entre établissements où l’on peut voir dans certains, une cellule EVRAS avec des personnes dédiées ou des animations régulières et d’autres où il n’y a absolument rien ou juste une affiche.

Encore trop de préjugés autour de l’EVRAS

La décision de la mise en œuvre des créneaux EVRAS revient à la direction des structures scolaires. Les deux jeunes femmes ont pu observer que ce système mène parfois à l’expression de préjugés concernant l’EVRAS. C’est ce que soulève Lola Clavreul “Il y a des établissements qui n’ont pas envie qu’on vienne parler de contraception, d’IVG car il y a encore tous ces stéréotypes autour des animations EVRAS qui disent que si on parle de sexualité trop tôt on va pousser les ados dans une sexualité précoce, d’autres qui pensent que ça n’est pas la place de l’école d’aborder ces thématiques-là. On voit donc bien qu’il y a une méconnaissance de ce qu’aborde l’EVRAS.”

Les thématiques sont nombreuses et évolutives ce que prennent en compte les animateur.rice.s qui font preuve d’adaptation. “On a l’impression qu’on ne va faire que parler de sexualité et de pratiques sexuelles. Alors que c’est beaucoup plus large. On va aborder pleins de thématiques différentes, dans des formes adaptées à chaque âge. Bien évidemment, on ne parle pas de pratiques sexuelles en maternelle mais plutôt de consentement ou des limites des corps. Cette méconnaissance de ce qu’est l’EVRAS crée des freins auprès de parents ou des équipes pédagogiques.” insiste la directrice de la FCPPF.

- A lire : Droits sexuels et reproductifs : l’importance de l’EVRAS

Des moments privilégiés

La crise du Covid a mis en exergue la nécessité de moments et d’espace d’expression pour les jeunes. Les plannings familiaux étant reconnus comme essentiels, les équipes ont pu continuer leurs actions aux seins des établissements ; de vraies bulles d’oxygènes pour les élèves comme le souligne Emilie Sayez “On a bataillé pour faire reconnaitre les centres de planning comme des acteurs essentiels de l’école. Ils ont donc pu continuer à venir dans les écoles. Les plannings partent toujours des questions des élèves pour construire les animations. Et pendant la crise Covid, beaucoup d’acteurs ont remarqué que les élèves avez un gros besoin de parler de ce qui se passait. Donc ce n’était pas directement la vie affective et sexuelle mais c’était un espace essentiel pour qu’ils puissent s’exprimer, déposer leurs difficultés, leurs angoisses.

L’animation EVRAS : une vocation

Alors que les plannings familiaux sont des structures trop souvent sous-financées, les animations EVRAS menées par les équipes sont gratuites et ne financent en rien les structures. Cependant, ayant observé le besoin sur le terrain, ce sont des missions que privilégient les professionnel.le.s.
Emilie Sayez reconnait cet investissement : “On peut parler de vocation car les animations sont gratuites. Ce qui fait vivre un planning, ce sont les consultations. Mais il y a pas mal de centres qui perçoivent ça comme une priorité, qui vont mettre beaucoup de temps là-dedans, envoyer des animateurs sur le terrain car ils ont identifié le besoin qui existe. En région Wallonne, c’est au détriment des consultations car les gens qui animent sont des personnes de l’équipe pluridisciplinaire qui donnent aussi des consultations sociales, psychologiques...

"La cellule EVRAS, c’est la Rolls-Royce de l’EVRAS”

Avec les nombreuses dépenses liées à la crise Covid, les démarches de la fédération pour débloquer des fonds à l’intention de l’EVRAS se sont vues bloquées. Ce qui inquiètent les deux jeunes femmes sur l’évolution de son financement. En effet, face aux constats de terrain, deux éléments brillent par leur absence : le temps et l’argent.

Emilie Sayez nous confie “La priorité, c’est l’augmentation du financement auprès des acteurs de terrains comme les plannings. Après le mieux serait d’avoir des cellules EVRAS dans chaque établissement. Mais c’est la Rolls-Royce de l’EVRAS car ça demande beaucoup d’argent et de temps pour que ça puisse fonctionner. Il faut compter 3 ans pour que la cellule soit autonome et intégrée. Alors ce qu’on demande aujourd’hui, c’est que tous les élèves aient au moins un créneau EVRAS par an. Et c’est le minimum ! ” Malheureusement, on en est loin.
Lola Clavreul ajoute “On n’est même pas à une séance pour tous les élèves sur le parcours scolaire. A Bruxelles, une étude montre que moins de 20% des élèves sont touchés par l’EVRAS. Ça veut dire qu’1 élève sur 100 a entendu parler de ce qu’est un planning familial alors que c’est un lieu hyper important dans le parcours des jeunes car c’est un endroit où ils peuvent se rendre pour faire un dépistage, pour trouver une contraception, pour poser des questions en toute confidentialité.
A Bruxelles, les fonds débloqués vont permettre de toucher 5 à 10% d’élèves en plus. “C’est largement insuffisant, on part de tellement bas que ce n’est pas assez ambitieux pour le moment. On a un grand soutien mais il est symbolique !” pointe Emilie Sayez.

“Généralisons l’EVRAS”

Donner la place que mérite les plannings et intervenant.e.s EVRAS est le but que poursuivent la directrice et la chargée de plaidoyer mais pas la finalité. L’ambition couve de généraliser l’EVRAS à l’ensemble des acteur.rice.s en contact avec les jeunes. Lola Clavreul recommande “Il est important de sensibiliser les parents et les adultes qui entourent les élèves. Ça serait super que les professeurs soient sensibilisés, qu’ils puissent répondre à certaines questions et identifier les stéréotypes qu’ils peuvent eux même véhiculer dans les cours ou dans leur façon d’enseigner. C’est ça aussi la généralisation de l’EVRAS.
Emilie Sayez renchérie “Il y a pleins de choses qui ne sont pas discutées comme la contraception ou les règles ce qui crée des quiproquos, des préjugés... Et pour ça il faut revoir la formation des enseignants et des acteurs en général au sein des établissements scolaires. Il faudrait un module de sensibilisation à l’EVRAS pour que puisse s’instaurer un dialogue sans gêne autour de ces questions et qu’il y ait d’autres sources qu’internet.”

Ce manque de formation amène les animateur.rice.s à devoir répondre à des situations complexes survenues dans les écoles et donc agir dans l’urgence. Répondre à une crise porte beaucoup moins de sens que prévenir durant le parcours scolaire “Tout cela créé, des interventions des plannings en urgence où l’école fait face à une situation qui relève de l’EVRAS, ne sait pas la gérer, panique et donc appelle les plannings ce qui les placent dans des rôles de pompiers, alors que ce qui est intéressant et percutant c’est le travail de fond tout au long de la scolarité.”

 A lire : L’EVRAS, au coeur de l’enseignement spécialisé

Evras.be : une plateforme pleine de ressources

En attendant le dégagement de temps et l’arrivée des fonds, la plateforme Evras.bepermet d’avoir accès à un grand nombre d’informations sur comment mettre en place des séances EVRAS avec les contacts de différents professionnel.le.s.

A. Teyssandier



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