Inédit en Belgique : un centre médical consacré aux adolescents
Fin 2023, le Centre de santé de l’adolescent a ouvert les portes de ses nouveaux locaux à la Clinique CHC MontLégia, à Liège. Dans ce centre médical, une équipe pluridisciplinaire suit les adolescents présentant des plaintes physiques (ou une pathologie chronique), associées à une souffrance psychologique ou à une difficulté psychosociale. Le Guide Social a rencontré l’initiatrice de cette structure inédite en Belgique, la pédiatre Françoise Dominé, et la coordinatrice du centre, Manon Alexandre.
Installé au cinquième étage de la Clinique CHC MontLégia, à Liège, le Centre de santé de l’adolescent (CSA) est unique en son genre en Belgique. Ici, une équipe multidisciplinaire accueille des jeunes de 12 à 18 ans, dans un espace qui leur est dédié.
Un centre de deuxième ligne
La polyclinique est un centre médical de deuxième ligne. Ainsi, on n’y reçoit pas les ados pour de la fièvre ou une gastroentérite, mais pour « des problèmes de santé médicale avec des symptômes ayant un impact sur leur développement psychosocial, leur vie scolaire, leur vie familiale », explique la pédiatre Françoise Dominé, initiatrice et responsable du centre.
Quand ce ne sont pas les familles qui se tournent directement vers le CSA, les patient.e.s sont envoyé.e.s par les écoles, les centres psycho-médico-sociaux, les médecins généralistes, ou encore les pédiatres. « Nous travaillons aussi beaucoup avec le réseau de santé mentale », continue la médecin.
Chaque semaine, le centre voit passer environ 150 jeunes et, en moyenne, quatre nouvelles demandes potentiellement prises en charge sont évaluées de manière multidisciplinaire, avec la famille.
La plupart des ados viennent pour des troubles des conduites alimentaires, des maladies chroniques ou encore sont en décrochage scolaire pour des raisons médicales. « Qu’il y ait une explication organique ou pas, nous allons aider l’ado à continuer son développement biopsychosocial, à se rescolariser et à avancer à tous les niveaux. Nous avons une vision médicale sur leur situation mais avec une approche holistique et intégrée », continue Françoise Dominé.
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« Une offre de soins multicolore »
De fait, pour répondre au mieux aux demandes des patient.e.s, le centre s’est doté d’une équipe pluridisciplinaire, composée de 26 professionnel.le.s, tou.te.s formé.e.s - en continu - à la santé de l’adolescent : des pédiatres spécialisé.e.s en douleur chronique, ou encore orienté.e.s sur le médico-psycho-social, une médecin généraliste, des pédopsychiatres, des psychologues, un éducateur spécialisé en décrochage scolaire et un autre en médiation, une sexologue, des diététiciennes, des infirmier.ère.s, une assistante sociale et des secrétaires. Une autre pédiatre spécialisée sur les troubles du sommeil des ados devrait bientôt rejoindre l’équipe.
« Nous avons une offre de soins multicolore qui permet de proposer un suivi sur mesure pour chaque adolescent.e », se félicite Dr. Françoise Dominé.
Mais avant de mobiliser l’équipe, il faut d’abord s’assurer que le centre est l’interlocuteur le plus pertinent pour répondre aux besoins du/de la jeune. À défaut, le/la patient.e pourra être orienté.e vers une autre structure.
Ainsi, une première anamnèse générale est réalisée par téléphone par un.e membre de l’équipe. À l’issue de cet échange, un rendez-vous peut être fixé en personne avec un.e infirmier.ère, un.e éducateur.trice, la famille et l’ado.
Lors de cette rencontre, le/la jeune est également reçu.e seul.e « car sa vision n’est pas toujours la même que celle de ses parents et nous essayons de mettre l’adolescent.e au centre de sa prise en charge », explique à son tour Manon Alexandre, coordinatrice du centre et assistante sociale. Ensuite, les différents cas sont discutés en réunion hebdomadaire, et un suivi de prise en charge peut être établi si nécessaire.
« Si l’âge limite pour les premières consultations est fixé à 18 ans, les jeunes peuvent être suivi.e.s jusqu’à leur 20 ans », précise Dr. Françoise Dominé, qui est à l’origine de ce centre unique.
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Un environnement qui parle aux ados
Embauchée en 2021 au CHC MontLégia pour monter le projet, la pédiatre a commencé à engager la plupart des membres de son équipe en 2023, grâce à des subsides fédéraux. Et c’est cette même année que le centre s’est installé dans des locaux tout neufs au sein du CHC.
Néanmoins, son idée de créer un centre de santé pour les ados remonte à 2008, à son retour de Lausanne, où elle a passé sa dernière année d’assistanat. Là-bas, elle s’est formée au sein du CHU suisse qui a un centre pour les adolescent.e.s depuis les années 90, sur le modèle de celui de Montréal, au Canada.
« La médecine de l’adolescent existe depuis les années 60, 70. Au départ, c’était pour les patient.e.s atteint.e.s de maladies chroniques durant l’enfance et qui faisaient face à de nouvelles complications en vieillissant. Les médecins devaient se former pour répondre au mieux aux attentes et difficultés de leurs patient.e.s adolescent.e.s », raconte-t-elle. Puis, au fil des années, la médecine de l’adolescent s’est étendue.
De retour en Belgique, « j’avais la conviction que les adolescent.e.s qui sont suivi.e.s par les pédiatres ou en médecine adulte n’ont pas un environnement orienté sur leurs problématiques et leurs questionnement à eux. En médecine, on ne peut pas soigner un adolescent de 14 comme un enfant de 7 ans. Il y a une autonomisation qui doit se faire progressivement et un discernement qui s’acquiert », dit-elle.
Ainsi, pour Françoise Dominé, avoir un centré dédié aux adolescent.e.s c’est avant tout pouvoir leur offrir un environnement adapté. « Des jeunes qui arrivent pour des problèmes de consommation, de sexualité ou de troubles alimentaires ne se sentiront pas à leur place dans une salle d’attente au milieu des décorations Disney, avec des bébés », explique-t-elle.
Dans le centre liégeois, l’accent est d’ailleurs mis sur les actions préventives et éducatives. « Les jeunes voient tout de suite qu’ils/elles peuvent parler de certains sujets », insiste la médecin.
« Un enjeu de santé public »
Aussi, l’approche des professionnel.le.s est différent avec les adolescent.e.s. « Les consultations durent plus longtemps, il faut le/la voir avec ses parents et lui laisser sa place seul.e. C’est un setting qui est complètement différent, qui permet de laisser une place au / à la jeune pour parler de ce qui est important pour lui ou elle. Avoir un.e adulte ouvert.e, non jugeant, non moralisateur.trice à qui il/elle pose toutes ses questions, c’est une fenêtre d’opportunité pour l’ado », continue la pédiatre.
Et si le CSA de Liège n’est pas un centre de santé mentale, cette dernière est tout de même prise en compte par l’équipe. « On ne s’arrête pas seulement à la maladie chronique », explique Dr Dominé.
Pour elle, « soigner correctement les jeunes est un enjeu de santé public » car c’est à l’adolescence « qu’on pose les jalons de la santé adulte ».
C’est d’ailleurs pour cela que le centre propose des formations, deux fois par an, pour les professionnel.le.s externes. « Notre but c’est de permettre à d’autres pédiatres, généralistes et centres hospitaliers de se former. Et que d’autres centres comme le nôtre puissent naitre en Belgique, car il y a du travail pour tout le monde », encourage la médecin.
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Les projets à venir
De son côté, le centre continue à évoluer en interne. « Nous sommes parti.e.s d’une page blanche et cela fait un an qu’on se réadapte sans cesse, même dans notre itinéraire clinique », commente Manon Alexandre.
Aujourd’hui, l’un des objectifs de l’équipe du CSA est « de développer davantage les consultations en groupe car aujourd’hui ce sont principalement des consultations individuelles », continue la coordinatrice.
À partir de janvier 2025, une consultation santé garçon ouvrira également ses portes. « Comme partout, nous avons 75% de patientes. Les garçons ne consultent pas beaucoup. Ainsi, nos collègues masculins seront là pour tout ce qui est questionnement sur le développement, la sexualité, etc. », rebondit le Dr Dominé.
Autres projets : développer la consultation gynécologique ; accueillir les jeunes en hospitalisation ailleurs que dans les services pédiatrie ou pour adultes ; et pousser les recherches et les publications scientifiques. « Il y a beaucoup de choses à faire », conclut-elle en souriant.
Caroline Bordecq
En savoir plus sur ce centre :
- Le centre se situe au 5è étage de la Clinique CHC MontLégia (bd Patience et Beaujonc 2, 4000 Liège).
- Prochaine formation : (5) - 6 - 7 - 8 novembre 2024
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