Journée mondiale du bénévolat : « Au début, c'est la grande aventure ! »
A l’occasion de la Journée Mondiale du Bénévolat, ce 5 décembre 2022, le Guide Social met à l’honneur les nombreux et nombreuses personnes qui consacrent une partie de leur temps libre à l’engagement citoyen et à la solidarité. Rencontre avec deux coordinatrices du Petit Vélo Jaune, ASBL d’accompagnement solidaire des familles, et avec une de ses 60 volontaires !
Le Petit Vélo Jaune a vu le jour en 2013 à l’initiative de Vincianne Gautier et Isabelle Laurent dans l’objectif d’apporter un soutien aux familles isolées, fragilisées avec enfant(s) de moins de trois ans. L’ASBL est aujourd’hui menée par huit femmes énergiques qui nous accueillent de manière chaleureuse. On est tout de suite à l’aise : la bienveillance règne dans l’open-space du Petit Vélo Jaune... qui trône en haut d’une armoire.
Co-équipier, c’est ainsi que l’on désigne les bénévoles au Petit Vélo Jaune, terme qui traduit un souci d’égalité de statut entre les accompagné.e.s et les accompagnant.e.s. Ici on ne vient pas apporter une expertise, on se positionne à côté pour soutenir et partager des moments de vie. Deux coordinatrices et une coéquipière nous en disent plus.
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« Tous les parents ont les compétences »
Colombe Courtier et Maëlle Bizet ont rejoint le Petit Vélo Jaune depuis, respectivement, deux ans et demi et six mois.
Le Petit Vélo Jaune propose un accompagnement solidaire pour les parents, les mamans solo ou enceintes isolées et/ou fragilisées avec un ou des enfants de moins de trois ans : « La période de vie entre 0 et 3 ans, est très riche en termes de changements, d’évolution... et c’est le moment, où finalement, l’isolement peut être le plus grand. C’est d’ailleurs la constante que l’on observe chez les familles que l’on accompagne. Il se traduit par un réseau très restreint, une famille qui se trouve à l’étranger ou une arrivée récente en Belgique sans aucun contact », précise Colombe Courtier.
Avec leur expérience de terrain, les deux fondatrices, Vincianne Gautier et Isabelle Laurent, ont fait face à plusieurs mamans au bord de l’implosion et complètement isolées. Avec ce constat, elles ont décidé de mettre en place une structure qui puisse leur apporter du soutien.
Aux débuts de l’association, les missions se centraient sur la prévention pour éviter le placement des enfants. Aujourd’hui, l’objectif est la création de liens pour les familles grâce à un accompagnement solidaire. « Et c’est bien un accompagnement, dans le sens où les coéquipiers sont présents aux côtés de et non pas au-dessus. On a remarqué que tous les parents ont les compétences pour être parents mais dans les situations d’isolement ou de surmenage, elles sont floutées, enfouies par les urgences à gérer. Il ne manque qu’un soutien pour les faire réémerger et redonner confiance. »
L’ASBL accompagne aujourd’hui une centaine de familles et compte une soixantaine de volontaires.
Les coéquipiers : les pédales du Petit Vélo Jaune
Les bénévoles se rendent une fois par semaine au sein des foyers gratuitement pendant un an. Durée qui n’a pas été choisie au hasard. Elle permet de laisser du temps à la création du lien de confiance entre la famille et le ou la volontaire mais aussi « aux bénévoles et aux familles de savoir combien de temps ils s’engagent. Les coéquipiers, comme on dit ici, sont comme des petites roulettes qu’on ajoute aux vélos permettant de gagner en l’équilibre pour une certaine durée mais au final, c’est la famille qui reste au guidon de sa vie », dit Colombe Courtier dans un sourire.
Nathalie, coéquipière depuis deux ans confirme l’importance de la mise en place de la confiance et de son entretien tout au long des douze mois : « Il faut gagner la confiance car on arrive dans l’intimité et on est confronté à des situations qui peuvent être compliquées. C’est ce qui est le plus important, créer un lien fort. »
Vous avez bien lu, les volontaires du Petit Vélo Jaune sont désignés sous le terme de coéquipier. Colombe Courtier nous explique que les fondatrices ont privilégié ce terme dans une volonté de ne pas étiqueter les volontaires comme des sauveurs. Colombe Courtier ajoute : « L’idée est vraiment de faire équipe avec le parent et donc d’être au même niveau, ce qui permet à la famille d’apporter de nombreux éléments aussi aux bénévoles. Il y a un vrai échange. »
Coordinatrices de terrain : leurs missions
Colombe Courtier a une formation de logopède. Maëlle Bizet est socio-anthropologue. Au sein du Petit Vélo Jaune, elles occupent le poste de coordinatrices de terrain qui poursuit deux types de missions : une tournée vers l’association avec la coordination des bénévoles et des familles, l’autre plutôt tournée vers la coordination des structures extérieures avec lesquelles l’ASBL collabore : « On rencontre les familles en demande et les bénévoles qui deviendront de futurs coéquipiers. Nous accompagnons la première rencontre entre la famille et le.la coéquipier et nous entretenons des échanges avec les services sociaux avec qui nous collaborons, comme l’ONE qui réalise un travail formidable au quotidien avec les travailleuses sociales et sans qui nous ne pourrions pas fonctionner », précise Colombe Courtier.
Maëlle Bizet ajoute : « En tant que coordinatrice, nous intervenons aussi dans les différents projets que proposent le Petit Vélo Jaune comme les formations ou les rencontres d’été, que nous organisons. ». Rencontres qui se réalisent dans un parc et créent l’occasion de rencontres entre les différentes familles.
« Nous souhaitons que l’accompagnement se réalise de manière horizontale »
Le fonctionnement d’une ASBL sur base de volontaires engendre souvent l’idée qu’il y a un manque de moyens. Colombe Courtier insiste justement sur le fait que c’est un parti pris qui a toute son importance dans la vision de l’accompagnement que développe l’association : « Nous souhaitons que l’accompagnement se réalise de manière horizontale, que ce soit une présence supplémentaire, aux interventions éventuelles d’autres professionnels. L’objectif premier est de créer des liens et du réseau afin de sortir les personnes de la solitude. »
Cette position d’égal à égal dessine un cadre d’intervention des volontaires mais face à certaines situations plus difficiles que d’autres, la frontière entre le volontaire et le sauveur peut devenir poreuse. Pour éviter que les coéquipiers ne la franchissent, des formations et des accompagnements sont prévus par l’équipe. « Tout d’abord, on ne demande pas de résultat aux bénévoles. Il n’y a aucun objectifs définis à l’avance car on se focalise tout d’abord sur la création du lien de confiance, ce qui peut demander du temps. Pour permettre à ce lien de perdurer, chaque binôme (famille / bénévole) se voit soutenu par une référente duo. Plusieurs rencontres sont organisées sur toute l’année entre le binôme et la référente : au bout d’un mois, de trois mois et au bout de dix mois. Cette dernière rencontre prépare à la fin de l’accompagnement. Mais nous sommes présentes tout au long de l’année. Si des situations sont trop difficiles pour les volontaires, on intervient et on prend en charge cette demande. Le plus important pour nous est que le lien soit conservé et que tout le monde soit à l’aise. »
C’est également ce que nous confie Nathalie : « On décide qu’on veut être bénévole mais ça peut faire peur, on ne sait pas à quoi s’attendre, si on va y arriver. Au début, c’est la grande aventure ! Mais, le soutien que propose le Petit Vélo Jaune est rassurant. C’est comme un filet de sécurité. L’ASBL cerne bien les besoins de la famille et donc de l’accompagnement. C’est bien cadré. »
Accompagner seul.e une famille, peut entraîner une certaine solitude dans l’expérience de volontariat. Consciente de cette réalité, l’équipe du Petit Vélo Jaune propose des moments de « partages du vécus ». Occasion privilégiée pour les volontaires de se rencontrer et échanger sur leurs propres expériences. Nathalie reconnaît l’importance de ces moments : « Le partage de vécu est super ! C’est important de partager ce qu’on vit avec les autres sinon l’expérience est pour soi, seul. Ces rencontres permettent aussi d’élargir les connexions qui peuvent répondre à des demandes d’autres familles. Par exemple, je travaille dans les vides maisons et mon réseau est sollicité pour avoir accès à du matériel de puériculture. On a d’ailleurs mis en place un partenariat pour qu’il soit en accès gratuit. »
« Nous proposons une formation à l’écoute ainsi que sur d’autres thèmes afin d’outiller, d’éclairer et de faire en sorte que les volontaires se sentent soutenus, pris en compte et comme partie intégrante de l’association », précise Maëlle Bizet. Cela porte ses fruits aux dires de Nathalie : « On est récompensé car on a l’impression de faire partie d’une association, c’est vivant, réfléchi, bienveillant... On reçoit des rapports, on rencontre les autres et on nous propose des formations. »
Colombe Courtier ajoute : « Notre fonctionnement ressemble à celui des poupées russes. La famille est accompagnée par un.e coéquipier.ère qui elle.lui-même est accompagné par une référente duo qui sont elles-mêmes soutenues par les coordinatrices de bureaux. »
Des volontaires de tous horizons
Pour devenir coéquipier, pas besoin de compétences particulières. Là aussi, ce choix est pensé. Colombe Courtier nous en dit plus : « On part du principe que n’importe qui peut être bénévole, du moment qu’il ou elle a envie et a du temps pour une année. On ne souhaite pas demander de compétences particulières ou un goût pour le domaine de la petite enfance ou de la psychologie. On voit d’ailleurs de multiples profils parmi nos bénévoles. En 2021, on a pu observer que la répartition d’âges de nos bénévoles, allant de 25 à plus de 60 ans, était plutôt équilibrée. Avant, on résumait le volontariat à une activité de pensionnés. Depuis, quelques années, les bénévoles viennent de tous les milieux et de tous les âges. On trouve des personnes qui travaillent dans les banques comme des étudiants, comme des retraités... C’est très riche et c’est un vrai gros changement dans l’évolution du volontariat. »
Ce basculement s’est ressenti dès la fin du confinement en 2020, à travers un élan de solidarité. Le Petit Vélo Jaune a alors créé le projet Eté qui consistait à recruter spécifiquement des jeunes pour accompagner les familles et les enfants sur l’été. Ce qui a été une réussite.
Comment se déroule le recrutement des volontaires ?
Le recrutement des volontaires se réalise en deux temps : « On les rencontre une première fois, puis une deuxième fois avec la famille. Après cette première rencontre (le matching), on rappelle les deux le lendemain pour savoir s’ils sont partants. Il faut vraiment se sentir libre de refuser. Le plus important pour nous c’est que tout le monde soit à l’aise et se sente bien », nous explique Colombe Courtier.
Ensuite l’accompagnement démarre et avec lui l’histoire entre la famille et le coéquipier. Chacune est colorée en fonction de ce qui compose le duo et des demandes. Certains vont aider à plier le linge, d’autres vont être présent pour certaines démarches administratives, d’autres juste pour boire un café ou aller se balader au parc. Les activités appartiennent au duo, chacun.e choisit ce dont il a envie.
Nathalie confirme : « Je viens de commencer un nouvel accompagnement qui est complètement différent du premier. C’est l’intérêt aussi du bénévolat : on découvre des histoires et des nouvelles traditions. On apprend beaucoup, c’est très enrichissant ! »
Maëlle Bizet ajoute : « On cherche à définir les demandes de départ de la famille à travers plusieurs bulles qui définissent un besoin de souffler ou d’échanger ou encore d’avoir une aide administrative. Cependant, rien n’est figé, les demandes peuvent évoluer ou s’élargir d’une semaine à l’autre. Ces même bulles sont présentées aux coéquipiers afin qu’ils aient conscience des différents besoins des familles et ainsi qu’ils aient une vision concrète de ce qu’il est possible de faire. »
« Au bout de trois ou sept mois, on observe clairement une différence »
L’accompagnement proposé par le Petit Vélo Jaune se centre donc principalement sur les parents et leur confiance et compétences floutées, enfouies...par les urgences du quotidien à gérer qui peut se traduire sous diverses formes : « Des petites choses peuvent avoir énormément d’impact quand on est pas au top », appuie Colombe Courtier.
« Certains bénévoles ont l’impression de ne rien faire mais quand, en tant que référente duo, on voit les familles au bout de trois ou sept mois, on observe clairement une différence, plein de choses se sont déverrouillées et les parents ont repris confiance. Ils nous le disent d’ailleurs et nous pouvons alors le répéter aux coéquipiers. C’est ce qui est chouette avec le système de poupées russes, plusieurs personnes sont liées, échangent et ont des points de vues différents sur la situation permettant de faire circuler l’information », conclut Maëlle Bizet.
On voit aussi naître des solidarités entre les familles. Nathalie nous raconte : « La première famille que j’ai accompagnée est très touchée par l’action du Petit Vélo Jaune et a voulu faire don de sa poussette et de son lit devenus trop petits, à la nouvelle maman que j’accompagne et qui va accoucher. Elle était très heureuse de donner son matériel et ainsi participer. »
L’association permet à de belles histoires de voir le jour et se donne les chances d’en créer encore de nouvelles grâce à un récent partenariat avec Article 27. Le but ? Rendre les sorties culturelles plus accessibles. « On voit toute l’importance de ce pan du loisir dans le bien-être des familles et des enfants », précise Colombe Courtier.
Face à la réussite du projet, le Petit Vélo Jaune voit sa réputation s’étendre de plus en plus et avec elle les demandes augmenter. Cependant, face aux sollicitations de familles toujours plus nombreuses, le Petit Vélo Jaune est toujours en recherche de nouveaux et nouvelles coéquipiers et coéquipières.
N’hésitez pas à les contacter ! D’autres antennes existent à Charleroi, Ottignies et Tournai.
A. Teyssandier
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