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Secteur de l’Enfance : “Dès le début du Covid, nous étions là et nous sommes encore là, sur le front !”

25/06/21
Secteur de l'Enfance :

Les centres d’accueil de la petite enfance ont vécu une période Covid particulièrement agitée. Alors que le front commun a décidé de reporter l’action du 28 juin et de lever provisoirement le préavis de grève, les besoins restent urgents et les réformes promises n’ont pas la côte. Laetitia Bondo, puéricultrice, nous rappelle l’impact qu’a eu la crise sanitaire sur le secteur de la petite enfance.

Guide Social : Quelles sont vos missions en tant que puéricultrice ?

Laetitia Bondo : Je suis puéricultrice dans une crèche qui est située sur Bruxelles et je m’occupe de l’accueil des enfants allant de 3 mois à 3 ans et actuellement, je suis particulièrement avec des enfants d’une tranche d’âge de 14-15 à 18 mois.

Guide Social : Pouvez-vous nous parler de votre cadre de travail à l’heure actuelle ? Quelles sont vos conditions de travail ?

Laetitia Bondo : Actuellement, dans la crèche où je travaille, les choses sont plus calmes. L’année passée, quand la crise sanitaire a éclaté, nous avons vécu des moments très difficiles. Il a parfois fallu un peu improviser. En ce qui concerne mon employeur, il avait quand même pu prendre des mesures assez bonnes pour nous. On nous a fourni des masques, tout le matériel dont on avait besoin et on a pu essayer de gérer comme tel. Après, les conditions n’étaient pas du tout évidentes parce que nous étions face à l’inconnu, bien entendu. Le port du masque nous posait un grand problème vis-à-vis de la relation avec les enfants, on s’est posé énormément de questions par rapport à cela. On a pu avoir quelques formations qui nous ont rassurés, qui nous ont apaisés et nous ont permis de travailler dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, je dirais que les choses sont un peu plus sereines parce que les collègues et moi-même avons appris à faire face à la pandémie et on fait avec.

Guide Social : Dans le cadre de votre travail, quelles sont les difficultés et les problématiques auxquelles vous êtes confrontée au quotidien ?

Laetitia Bondo : Puisque nous parlons de l’accueil, on a certains parents, qui connaissent des situations où le Covid est encore présent, qui hésitent encore à emmener leurs enfants de manière régulière. Nous sentons qu’il y avait quand même une fréquentation moins régulière que les autres années. Est-ce que cette fréquentation est justement due à cette “peur” ? Je ne sais pas vraiment mais par rapport à la situation des enfants on a vraiment senti une différence.

 Lire aussi : Colère du secteur de l’enfance : quel avenir pour les réformes MILAC et ATL ?

Guide Social : C’est-à-dire ?

Laetitia Bondo : Je vais vous donner un exemple : sur un accueil de 12 enfants dans une section, on en a eu peut-être 6, 7 maximum. Il y a eu aussi le fait que certains secteurs ne fonctionnaient plus donc on s’est dit que c’était probablement dû à cette raison - certains parents ont peut-être préféré garder leurs enfants auprès d’eux. Pour nous, cela a été un vide parce qu’on avait l’habitude d’avoir ce même nombre d’enfants dont on s’occupait les années précédentes. Il y a eu aussi une certaine crainte des parents. Il fallait souvent les rassurer. Je soulignerais aussi les fameuses règles sanitaires : dans notre domaine, elles n’ont pas changé grand-chose. Nous sommes formés pour pouvoir – je vais dire ça comme ça - nous laver les mains régulièrement, avoir une hygiène bien stricte mais il y a certaines choses pour lesquelles il fallait avoir beaucoup plus de rigueur et on a dû y travailler aussi.

Guide Social : Ces difficultés que vous venez de nommer ont-elles un impact sur la prise en charge des enfants ? Est-ce qu’ils en pâtissent eux aussi ?

Laetitia Bondo : Tout au début de la pandémie, je pense que les enfants ont pu en pâtir, par rapport à ce port du masque. J’irai plus dans ce sens-là parce que le masque cachait nos expressions et on sentait – en tout cas dans ma tranche d’âge - une certaine curiosité venant des enfants. On a dû prendre un petit peu de temps pour pouvoir mettre les choses en place, discuter avec eux, essayer de leur faire… comprendre, trouver les mots nécessaires pour qu’ils puissent passer au-dessus de tout ça (…) Avec le temps, je pense que les enfants ont pu s’en accommoder puisqu’ils ont vu leurs parents aussi porter ces masques, le changement ne s’est pas fait qu’en crèche. Mais il est vrai que ce n’était pas évident, ni pour les enfants ni pour nous.

Guide Social : Les réformes MILAC et ATL ont-elles porté leurs fruits ?

Laetitia Bondo : Ce que je peux vous dire, c’est que si le secteur a décidé d’aller en grève, c’est qu’elles ne portent pas leurs fruits. C’est certain. Le fait est que, quand on parle du secteur - et c’est aussi un petit peu le souci que nous avons - on parle des puéricultrices mais on parle aussi des accueillantes d’enfants, on parle des auxiliaires à la petite enfance. En ce qui concerne le barème de la Fédération Wallonie-Bruxelles, puisque c’est de là que vient le problème, nous savons que c’est le barème le plus bas donc forcément tout ce qu’on nous annonce n’est pas suffisant et n’est pas rassurant. Là on va un attendre un petit peu, on va voir ce qu’ils vont nous proposer pour les jours à venir mais je ne sais pas si ça pourra nous satisfaire.

Guide Social : Par rapport à ces inquiétudes, dans quel état d’esprit se trouvent actuellement les travailleurs de votre secteur, vos collègues de travail... ?

Laetitia Bondo : Lorsqu’on prend par exemple l’amélioration de l’encadrement, il y a des choses qui ne vont pas. On voudrait qu’il y ait plus de puéricultrices pour pouvoir encadrer les enfants afin de pouvoir apporter une prise en charge vraiment de qualité. C’est vraiment une difficulté que l’on rencontre dans le secteur. Il y a les fins de carrière qui reviennent aussi sans cesse : je pratique ce métier depuis plus de 20 ans, j’ai 45 ans mais je ne sais pas si à 65 ans je serai encore en mesure de me baisser (avec les enfants). Ce sont des choses qui sont là, qui sont bel et bien présentes et qui nous posent des difficultés. Sans compter que les milieux d’accueil, lors de la pandémie, ont été constamment sur le terrain... Constamment sur le terrain... Même si nous n’avons pas eu beaucoup d’enfants à un moment donné, nous étions là et nous sommes encore là, sur le front. Nous ne comprenons toujours pas pourquoi nous n’avons pas été considérés comme personnes essentielles et nous ne sommes pas du tout rassurés avec ce qu’on nous propose.

Guide Social : Quels changements prioritaires doivent être entrepris au plus vite selon vous ?

Laetitia Bondo : La revalorisation salariale. Ce serait vraiment une priorité dans l’ensemble du secteur de la petite enfance. En deuxième point, je parlerais de cette amélioration de l’encadrement donc plus de puéricultrices pour encadrer un maximum d’enfants.

Guide Social : Avez-vous l’impression de manquer de moyens et parfois de ne pas pouvoir apporter toute l’aide nécessaire aux enfants ?

Laetitia Bondo : Non. Pour être sincère, je travaille dans le privé, et non dans le public. Il faut dire les choses telles qu’elles sont : mon employeur garantit le maximum afin que nous ne manquions de rien. Cela veut dire qu’au niveau du matériel, au niveau des formations – parce que c’est très très important de pouvoir se recycler régulièrement - on est bien lotis. Mais ce n’est pas le cas de tous et toutes, malheureusement. Lorsque je suis face à d’autres collègues, que je retrouve lors des formations ou que je connais, par rapport à la situation qu’ils peuvent vivre, on est bien lotis. Mais il y a besoin conséquent de pouvoir améliorer les choses pour tout le monde.

Guide Social : Pour vous, l’amélioration des fins de carrière est essentielle...

Laetitia Bondo : C’est très important que la fin des carrières, de nos carrières, soient vraiment bien prises en charge avec des éléments clés, avec des précisions, qui nous permettront de sortir du secteur en bon état !



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