Embaucher un assistant en psycho comme éducateur ? C'est fini !

Via son code entré en vigueur en janvier, le ministre Rachid Madrane a réformé en profondeur le secteur de l’Aide à la jeunesse. Et, une nouvelle mesure fait grincer les dents des travailleurs du secteur. Un arrêté empêche désormais les structures d’hébergement agrées d’intégrer un assistant en psycho ou un logopède dans les équipes éducatives. Elles sont désormais réservées uniquement aux éducateurs spécialisés.
Le premier janvier dernier entrait officiellement en vigueur le fameux code de la prévention, de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse. Une vaste réforme portée par Rachid Madrane, ministre de l’Aide à la jeunesse à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cinq mois plus tard, la mise en application de cette nouvelle législation, via notamment l’adoption d’une série d’arrêtés-cadres, révèle petit à petit des mesures qui font jaser les travailleurs.
Il y a, par exemple, le fait que « la direction du service fait procéder pour chaque membre du personnel à un examen médical annuel destiné à s’assurer que son état de santé ne comporte pas de risque ou de danger pour la santé des enfants ou des jeunes. » Une mesure qui suscite l’incompréhension chez les travailleurs… Et puis, il y a également cet autre point repris dans l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française relatif aux conditions générales d’agrément et d’octroi des subventions. Concrètement, les structures agrées par l’Aide à la jeunesse ne peuvent plus engager des assistants en psychologie, des logopèdes ou bien encore des instituteurs primaires dans leur équipe éducative ! Un seul et unique profil y a désormais accès : les personnes détentrices d’un bachelier d’éducateur spécialisé.
La fin de la créativité dans les équipes
« Ce nouveau cadre régissant les conditions d’embauche dans les centres d’hébergement nous semble incohérent », dénoncent, d’une seule voix, plusieurs acteurs du secteur de l’Aide à la jeunesse. « Cette mesure se centre à fond sur les diplômés éducateurs. Cela est en total décalage avec le monde professionnel actuel qui est davantage basé sur les compétences réelles, sur une vraie expérience sur le terrain plutôt que sur un bout de papier. Le poste d’éducateur a été surinvesti. Oui, ce sont des études spécifiques pour un métier spécifique. Mais, ce dernier peut être appris sur le tas, grâce à l’expérience. Recruter des diplômes différents peut aussi apporter de la complémentarité. Nous, on n’aurait bien voulu quelque chose de moins radical. La mise en place d’un quota, par exemple ? »
Une chose est certaine : les professionnels du secteur plaident pour davantage de créativité dans la composition des équipes. « Pourquoi pas des logopèdes, des ergothérapeutes, des assistants en psychologie ? Multiplier les profils dans les équipes éducatives nous semble très enrichissant. Pourquoi ce diplôme d’éducateur est-il survendu ? Le secteur ne comprend pas... Et puis, quid des personnes qui, par exemple, travaillent depuis plus de vingt ans dans un service de l’Aide à la jeunesse ? Aujourd’hui, si elles n’ont pas de diplôme d’éducateur, elles n’ont plus la possibilité de partir dans un autre service, de modifier leur carrière car les engager est désormais impossible. Bref, cette mesure est une aberration ! Sans souplesse, sans nuance... »
Contourner la nouvelle règle ? C’est possible...
Le cabinet Madrane, de son côté, assume totalement cette mesure, arguant qu’elle était indispensable à mettre en place dans les structures d’hébergement de l’Aide à la jeunesse. « À l’époque, des instituteurs primaires pouvaient être engagés en tant qu’éducateurs. Ou des logopèdes ou des assistants en psycho. Notre volonté a été de recentrer le recrutement sur le diplôme de bachelier en éducateur spécialisé », justifie Alberto Mulas, chef de cabinet adjoint. Et de rajouter : « Certains regrettent la perte d’une diversité de profils. Mais tout n’est pas interdit pour autant. On subventionne un cadre. Par exemple sur 10 personnes, 6 éducateurs. Rien n’empêche, si cela est correctement justifié, lors de l’introduction du dossier pour la subvention, de choisir d’engager 5 éducateurs au lieu de 6. Un poste sera donc vacant. Avec cette masse salariale dégagée, le secteur a la possibilité, sous certaines conditions, d’engager un autre profil comme un assistant social, un assistant en psychologie ou encore un logopède. Il existe donc toujours une possibilité d’avoir un peu de souplesse, de créativité dans le recrutement. »
Face aux critiques émises par des acteurs de terrain, le ministre Rachid Madrane, pour sa part, persiste et signe. Pour lui, cette mesure était essentielle pour protéger correctement la fonction et le diplôme des éducateurs. « Je veux offrir du travail spécialisé et qualifié à l’Aide à la jeunesse. Cela ne pouvait pas se faire sans une réelle revalorisation du métier d’éducateur », insiste-t-il. « Les pratiques d’avant, c’est fini ! Vous savez, les éducateurs étaient payés un barème inférieur aux assistants sociaux et assistants psychologiques. Or, ils ont un bachelier de même niveau. Il était donc urgent de stopper cette différence et de les mettre sur le même pied d’égalité. Conséquence : c’est 1.500 éducateurs qui vont être revalorisés. Financièrement mais aussi professionnellement. »
Reste que le cabinet Madrane n’est pas contre l’idée de soutenir la création d’une passerelle entre différents métiers. Une formation complémentaire d’un an pourrait en effet permettre une réorientation professionnelle et donc permettre à un logopède, par exemple, d’intégrer une équipe éducative de l’Aide à la jeunesse !
E.V.
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