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La baisse de l'âge de consentement du mineur ne fait pas l'unanimité

15/11/17
La baisse de l'âge de consentement du mineur ne fait pas l'unanimité

Le nouveau Décret Code de l’Aide à la jeunesse instaure une mesure qui est loin de faire l’unanimité pour les professionnels. Désormais, l’Í¢ge de consentement requis du jeune face aux mesures qui seront prises à son égard par le conseiller de l’aide à la jeunesse a été abaissé de 14 à 12 ans. Si certains acteurs trouvent la mesure justifiée, pour la majorité du terrain, c’est insensé, voire aberrant.

Le secteur de l’Aide à la jeunesse attendait une « dépoussièrisation ». C’est désormais chose faite, puisque le ministre en charge, Rachid Madrane, a proposé un nouveau Décret Code régissant les aides proposées aux mineurs en matière de prévention et de protection. Parmi les nouvelles mesures, une fait particulièrement grincer les dents : celle de l’abaissement de l’âge de consentement requis de la part du jeune eu égard aux mesures le concernant. Désormais, le jeune ne devra plus être âgé de 14 ans, mais consentira aux mesures prises à son égard dès ses 12 ans. Rachid Madrane a justifié ce choix d’abaissement de l’âge par plusieurs arguments, dont celui d’une population jeune de plus en plus matûre rapidement. Pour le terrain, conférer de telles responsabilités à un mineur de 12 ans est inconcevable.

Une mesure en accord avec l’évolution de la société

Pour plusieurs experts du secteur, comme le Délégué général aux droits de l’enfant ou l’Obsevatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse, abaisser l’âge de consentement à 12 ans est une évolution allant de pair avec la société actuelle. En effet, si auparavant le jeune entrait dans l’adolescence vers ses 14 ans, à l’heure actuelle il semblerait que ce soit plutôt vers ses 12 ans. Un facteur ayant favorisé cette précocité intellectuelle et sexuelle réside dans la surabondance des informations à disponibilité de ces jeunes quotidiennement.

Pour Philippe Jeammet, psychiatre et spécialiste de l’adolescence, « Beaucoup de jeunes accèdent de plus en plus précocement à la sexualité, et ont plus généralement une facilité d’accès inédite à des connaissances qui leur ouvrent le monde et développent leur esprit critique. »

Comme le relève le Délégué général aux droits de l’enfant, « dès lors qu’il s’agit de processus de recherche d’accords négociés et discutés, au cours desquels personne ne conteste que la parole de l’enfant soit présente, il paraît illogique, sachant ses compétences, qu’il ne soit pas invité au terme du débat, à signifier son accord ou son désaccord. »

Autre argument avancé par les adhérents à la mesure, en matière d’adoption, le Code Civil prévoit que le jeune soit également âgé de 12 ans pour y consentir.

Pour le ministre en charge, Rachid Madrane, « l’abaissement à 12 ans de l’âge à partir duquel l’enfant doit donner son accord au programme d’aide correspond à la fois à une évolution de la société qui fait que nos adolescents montrent des signes de puberté de plus en plus jeunes mais également à une volonté de garantir le droit des jeunes en leur donnant la possibilité d’exprimer leur opinion et de voir celle-ci dûment prise en considération. Cette volonté s’inscrit résolument dans la mise en œuvre de la Convention internationale des droits de l’enfant. Par ailleurs, une possibilité de dérogation est prévue afin de tenir compte de la capacité de discernement réelle de l’enfant. Je suis bien conscient que cette proposition ne fait pas l’unanimité, il s’agit pour moi d’une avancée importante en matière de droit des jeunes mais je suis évidemment ouvert et attentif aux débats sur cette question qui se déroulent en ce moment au Parlement. »

Inconcevable pour le terrain

Pour la plupart des acteurs de terrain, abaisser l’âge de consentement des mesures d’aide à 12 ans pour le jeune revient à lui conférer une position de toute puissance, ainsi que de risquer à une incompréhension du jeune face à ce qui lui est demandé. De plus, ce sont souvent des mineurs au passé relativement lourd. Enfin, demander au jeune de signer une mesure le concernant le mettrait dans une position inconfortable vis-à-vis de ses parents, par exemple.

Pour Xavier Verstappen, président de l’Interfédération de l’Aide à la jeunesse, « Comme le CCAJ, nous nous opposons à la diminution de l’âge requis. Il s’agit d’une responsabilité excessive pour des jeunes qui ont déjà souvent dû endosser des responsabilités trop lourdes pour leur âge. Imaginons un cas où des parents fragilisés acceptent un placement de la part du Conseiller et le jeune doit lui-même signer son propre écartement de sa famille, sans bien en comprendre les enjeux. Nous proposons dès lors que l’enfant soit entendu dès 12 ans, mais qu’il doive signer un accord écrit à partir de 14 ans. Ce maintien de l’âge à 14 ans n’est, pour nous, pas sujet à discussions. En revanche, le jeune doit être absolument accompagné par un avocat si besoin et il est indispensable qu’il entende la mesure dont il fait l’objet. »

Jean-Marie Delcommune, Conseiller de l’Aide à la jeunesse à Bruxelles rejoint l’avis de M. Verstappen. Et va même plus loin. Ainsi, pour lui, vu les pressions familiales et extérieures dans lesquelles se trouvent ces jeunes, il est capital de ne pas rajouter cette responsabilité excessive, mais au contraire, de les soulager. Pour J.M. Delcommune, dans ces cas-là, il faut au contraire, judiciariser fortement. Un avocat doit être désigné et porter les intérêts du jeune devant le juge.

La notion de discernement

Le Code prévoit que, si le conseiller estime que le jeune est privé de discernement, ce dernier se voit refuser l’obligation de donner son accord. Ainsi, le conseiller peut décider avec l’accord des parents, sans accord avec l’enfant, des mesures applicables. Cette notion de discernement pose également question, pour le terrain. Pour X. Verstappen, ce n’est pas la place du conseiller de décider seul des mesures à appliquer au jeune. Le professeur Jacques Fierens, lui, interroge cette notion de discernement et pense qu’elle pourrait desservir l’enfant. Dans le cas des mineurs délinquants par exemple, la question pourrait se poser de savoir « quand on peut réellement parler de discernement dès lors qu’un acte délictueux a été commis et que, précisément ce type d’action pose comme "pré-requis" la capacité du jeune à exercer son discernement ? »

Chronologie

A l’heure actuelle, les auditions concernant le Décret se poursuivent jusque fin novembre. Ensuite, chaque article sera débattu un à un et les amendements, si nécessaires, seront apportés. Le Décret fera ensuite l’objet d’un vote en plénière. Si tout se déroule comme prévu, « dans les temps », il devrait être voté en fin d’année ou au début de l’année 2018.

A.S.E

[A lire]

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Commentaires - 1 message
  • Je suis étonnée de lire dans le témoignage de Monsieur Verstappen que le CCAJ est contre l'abaissement de l'âge de consentement Í  12 ans. Il est tout Í  fait faux de dire que le CCAJ est contre. il faut relire l'avis 154 du Conseil Communautaire qui fait bien l'état de différents points de vue en la matière. Les acteurs de terrain ne trouvent donc pas tous cela irrecevable... Le recoupement des sources et la vérification des faits est semble-t-il t un art difficile.

    idmp jeudi 16 novembre 2017 16:22

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