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La proposition de travail " associatif " de la ministre De Block inquiète

28/02/18
La proposition de travail

Le gouvernement fédéral, par le biais de la ministre de la Santé, Maggie De Block, propose de rémunérer à hauteur de 6.000 euros par an les travailleurs salariés, indépendants ou pensionnés qui souhaitent faire du volontariat. La mesure inquiète le secteur associatif.

Afin de relancer l’économie et renforcer la cohésion sociale, la ministre de la Santé, Maggie De Block, a proposé de rémunérer à hauteur de 6.000 euros par an tout travailleur ayant déjà un statut principal (salarié, indépendant, pensionné) qui souhaite faire du volontariat. Pour le secteur associatif, dont celui de l’aide aux personnes, la mesure entre en contradiction non seulement avec les valeurs des associations, mais risque aussi d’engendrer plusieurs soucis pratiques. Au niveau politique régional et communautaire, on estime que le fédéral a outrepassé ses compétences, le secteur relevant exclusivement des compétences des entités fédérées.

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Un ‘semi’ statut

La proposition de la ministre De Block, issue des accords d’été 2017, concerne « toute personne possédant déjà un statut principal (salarié à au moins 4/5ème temps, indépendant ou pensionné) ». Désormais, le volontariat de type travail associatif, les services occasionnels entre citoyens ou l’économie collaborative organisée par l’intermédiaire d’une plateforme agréée pourront être rémunérés à hauteur de 6.000 euros par an ou 500 euros par mois. Ces revenus ne seront pas imposables et aucune cotisation sociale ne sera prélevée. La ministre a fourni une liste des activités étant concernées par la nouvelle loi. Certains soulignent, non sans une pointe d’ironie que « Cette liste est en tout point similaire aux fonctions de la CP 329.02. C’est à se demander si la ministre ne souhaite pas la réformer… »

Baptisée travail ‘semi-agoral’, la mesure inquiète le secteur associatif, qui regrette amèrement que la ministre ait initié un tout nouveau projet de loi, à la place d’évaluer et de modifier les dispositions existantes. Pour rappel, à l’heure actuelle, le volontariat est défrayé à hauteur d’une trentaine d’euros par jour. Le non-marchand aurait souhaité voir ces mesures de financement augmentées, mais la législation rester identique, à savoir, le statut soit de salarié, soit de volontaire.

Exclure certaines personnes

Le secteur associatif pointe également du doigt le fait que la mesure ne soit accessible qu’aux personnes disposant déjà d’un statut. Pour ce dernier, cette nouvelle loi est un vrai piège à l’emploi, puisqu’elle vise à « enrichir » une catégorie de personnes ayant déjà certains moyens. « Pourquoi ne pas prendre en considération les chômeurs, les travailleurs à mi-temps qui sont légion dans le secteur ou encore, les étudiants qui sortent des études et qui sont en grand besoin d’exercer une première activité rémunérée ? A Bruxelles, 30% des moins de 30 ans sont au chômage. Si on ne prend que les gens qui ont déjà un boulot, quel est l’intérêt ? » interroge le secteur.

Le secteur de l’aide aux personnes craint pour ses volontaires

Le secteur le plus sceptique par rapport au projet de loi de la ministre de l’Action sociale et de la Santé demeure celui de l’aide aux personnes, dont les personnes en situation de handicap. En effet, aucune formation n’est prévue par le projet de loi en ce qui concerne le travail semi-agoral. Ainsi, comme le souligne E. Cotman, conseillère à La Fédération des Centres de Services à Domicile « Quelle va être la formation de ces nouveaux volontaires ? Etre garde-malade ou prendre en charge une personne en situation de handicap ne s’impose pas, il faut connaitre les bons gestes et attitudes à adopter ». Sébastien Robeet, de la CNE, explique que le Cabinet De Block commence à prendre conscience des conséquences que cette loi pourrait avoir dans le secteur des soins. « Au niveau des soins à la personne, cette question commence à chatouiller le Cabinet. Ils se rendent en effet compte que la loi présente un réel danger et des flous juridiques au point qu’on supprime certaines règles. C’est « une porte à enfoncer » chez la ministre pour entamer les discussions à avoir, puisque dans la liste des activités concernées par la loi, plusieurs relèvent du secteur des soins. »

Le fédéral outrepasse ses compétences

En outre, un problème majeur, soulevé par le secteur, ainsi que la ministre-présidente de la Région bruxelloise est que le Fédéral outrepasse ses compétences. En effet, depuis la 6ème réforme de l’Etat, le non-marchand relève des compétences des Communautés et des Régions. Or, comme l’explique Fadila Laanan «  Les missions confiées au non-marchand sont croisées par ce projet de loi, initié par le Fédéral. » La ministre a donc saisi le Comité de concertation et une réunion est prévue cette semaine entre les entités fédérées.

Cette réunion, qui a eu lieu ce 15 janvier, s’est apparemment plutôt mal passée pour le secteur, comme le rapporte Le Soir. « Nous sommes déçus. Nous pensions avoir obtenu une vraie négociation et on nous avait demandé de relayer les discussions que nous aurions avec les partenaires sociaux pour pointer les problèmes potentiels. Mais on est loin d’une concertation. Avant même que la discussion ne soit terminée, un document émanant de la ministre Maggie de Block (Open VLD) nous était présenté, sans trop de changements par rapport au projet initial », explique le Cabinet Demotte au Soir.

Le document de la ministre, en lieu et place d’exclure certains secteurs (tel celui de l’aide aux personnes), donne quelques précisions sur les attitudes à adopter concernant les soins médicaux ou encore les aides familiales et promet que les règles de la Région seront respectées. Une déception, pour le CNT.

Une procédure ?

Pour la suite, la Cocof s’était préparée à une procédure en conflit d’intérêts et il semblerait que c’est la situation vers laquelle on s’oriente. Le processus serait alors gelé et n’entrerait pas en application ce 20 février. « On attend une ouverture de Maggie De Block, mais avec le document qu’elle nous a transmis, c’est mal parti . » La ministre, elle, reste silencieuse. « Demain, le texte sera passé en revue pour une deuxième lecture en commission ». S’il est approuvé, la mesure risque bien d’être appliquée, comme prévu, le 20 février prochain. « En tout cas, nous devrons réagir vite. L’échéance approche à grands pas », conclut le Cabinet de Rudy Demotte, au Soir.

A.S.E.



Commentaires - 5 messages
  • Bonjour,

    Petite correction : le volontariat n'est jamais rémunéré, tout au plus il peut être défrayé. Le défraiement forfaitaire actuel sert Í  rembourser des frais engagés pour l'activité volontaire (transport, matériel, téléphone...). Dans le volontariat, il n'est pas question de défrayer du temps.
    Ce qui n'est pas le cas dans le travail associatif. Ce nouveau statut induit une confusion entre volontariat, emploi et travail associatif. Je vous invite Í  lire l'avis de la Plateforme francophone du Volontariat : levolontariat.be/travail-associatif-un-nouveau-statut-qui-nous-laisse-perplexes

    Amandine PFV jeudi 18 janvier 2018 09:35
  • Bonjour Amandine,

    Merci pour cette précision!

    Modérateur jeudi 18 janvier 2018 12:37
  • Bonjour, je viens, juste, de lire votre article et je n ai pas, encore, entamé une réflexion globale. Je vais , juste, vous faire part de ce qu il m est venu Í  l esprit. Mon point de vue opportuniste. Je suis psychologue indépendante et je perçois des allocations de chômage. Si j avais 500 euros de plus, je peux quitter le chômage et m installer comme indépendante totale. Bien sûr, je serai d abord, indépendante totale le minimum de temps pour ensuite, faire un volontariat. Cela pourrait être une idée, pour certains. Je pense aux chômeurs qui peuvent faire appel au service tremplin et obtenir un statut d indépendant complémentaire pour un an ( il faut vérifier si o.k pour des psys..., le secteur...)en un an posibilitée d avoir une petite patientèle et avec le volontariat, en plus, c est jouable. Donc, en manipulant les lois, on peut , peut - être trouver un bénéfice. Maintenant, il faut voir les conséquences sur la manière dont fonctionne actuellement l associatif et n accepter que des bénévoles formés dans la profesion. Ce qui m inquiëte, c est pour les bénévoles, déjÍ , en place. C est ma première idée, je dois pousser l analyse pour comprendre tous les dégæts que pourraient occasioner cette mesure. Maintenant, c est choquant de voir que les professionnels n ont plus rien Í  dire, ne sont pas concertés et la maniére dont s est imposé. C est violent.

    Elle1 jeudi 18 janvier 2018 13:45
  • Entièrement d'accord avec l'article et les précisions concernant le défraiement.
    Stop aux sous-sous-sous-statuts, c'est de vrais emplois dont le secteur et les personnes ont besoin, pas d'un xième sous-sous-sous-statuts, comme on en voit se multiplier dans tous les secteurs actuellement, sous-statuts qui viennent casser et l'emploi et les conditions de travail des salariés. L'associatif est un secteur qui travaille de manière professionnelle et a besoin de personnes qui s'impliquent en profondeur pour réaliser les objectifs des associations et n'est pas lÍ  pour ''arrondir les fins de mois''[*] de certaines personnes. Quant Í  avoir les moyens de rémunérer et les équipes de permanents et les bénévoles... ce n'est de toute façon pas possible.
    Et qu'ils arrêtent de baisser les subsides et aides au non marchand pour tout orienter vers le secteur marchand.

    [*] On peut aussi se poser la question du pourquoi les gens ont besoin d'arrondir leurs fins de mois. Quid de la baisse des compléments chômage pour les temps partiels, de la baisse des salaires, multiplication des interim, CDD etc. Les sous-statuts ne peuvent être un prétexte justifiant (en fait, un miroir aux alouettes) pour la destruction d'un emploi stable et des conditions de travail et salariales générales.

    Bomy jeudi 18 janvier 2018 14:02
  • Bonjour,
    Je voudrais savoir où en est ce projet de loi? Est-il entré en vigueur?
    Merci d'avance.

    Lafaure mardi 13 mars 2018 17:25

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