Mémorandum Aidants-proches : 10 priorités pour les élections communales de 2024
En cette année électorale, le Guide Social souhaite être le porte-voix des professionnel.le.s du secteur psycho-médico-social. C’est pourquoi nous relayons, depuis plusieurs mois, les revendications des fédérations et des actrices / acteurs de terrain du non-marchand. Découvrez les revendications de trois ASBL d’aidants-proches wallonnes et bruxelloises.
Depuis le 1er septembre 2020, le statut d’aidant.e-proche est reconnu légalement, leur permettant d’être considéré "en tant que groupe à part entière en leur fournissant un cadre de soutien et de protection. Ils sont des acteurs essentiels de notre système de soins de santé, qui prennent soin de leurs proches malades, âgés ou handicapés, sans être des professionnels de la santé, sans contrat de travail ni rémunération, sans protection, sans vacances, sans indemnités de maladies. "
Cependant, encore trop de personnes concernées n’y ont pas accès.
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Pour soutenir l’amélioration du statut, les ASBL Aidants proches (Wallonie), Aidants Proches Bruxelleset Jeunes et Aidants proches ont rédigé un mémorandum.
Les éléments qui s’y trouvent proviennent d’une étude collaborative à laquelle ont participé divers professionnel.les de l’accompagnement et du soin, des jeunes et aidant.es proches et apportent plusieurs constats : le statut est source de précarité, de non-respect de certains droits fondamentaux et d’un manque de considération concernant la santé et la prévention des risques. Enfin, les aidant.es-proches dénoncent des structures et services inadéquats et inadaptés.
Les jeunes font état d’une loi inadaptée à leurs situations et demandent à ce qu’elle soit plus facilement accessible à travers l’élargissement des critères d’éligibilité.
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Le statut d’aidant-proche
Selon la loi, "toute personne qui prodigue de l’aide et/ou des soins à une personne de leur entourage qui est fragilisée en raison d’une maladie, d’un handicap ou encore de son âge" est considérée comme aidant.e-proche.
Ce rôle est davantage occupé par l’entourage d’autant plus féminin. La proximité familiale ou amicale rend alors difficile l’identification au statut d’aidant.e-proche ayant pour conséquence de flouter la frontière entre vie professionnelle et vie privée.
Sur ce point, les auteur.rices du mémorandum soulignent : "Nous constatons ces derniers mois certains reculs au niveau des politiques publiques, notamment dans les dispositifs permettant la conciliation entre vie professionnelle et vie privée."
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Précarité des aidant.es-proches : besoin d’un soutien accru sur le plan financier et social
Un temps de travail diminué
Pour s’occuper de la personne malade, une grande partie des aidant.es-proches a fait le choix de diminuer son temps de travail : "près de 43% ont d’ailleurs renoncé à un emploi, à une formation ou à une promotion en raison de leur rôle d’aidant-proche. "
Situation source de précarité immédiate mais également sur le long terme, puisque la pension future s’en voit également impactée. Les aidant.es-proches demandent à ce que ces périodes d’accompagnement et de soins soient prises en compte dans le calcul de la pension.
La problématique du statut de cohabitant
"Le calcul de certaines aides pour la personne aidée est basé sur les revenus du conjoint. Cela diminue souvent le montant des aides, alors que la dépendance ou la perte d’autonomie nécessite des dépenses supplémentaires pour le ménage. Plus de 45% des répondants estiment d’ailleurs qu’il faudrait supprimer le statut de cohabitant. ", pouvons nous lire dans le mémorandum.
Les professionnel.les font le même constat et sont plus de 67% à vouloir la suppression du statut de cohabitant.
Plus de 85% d’entre elles/eux "ont constaté un lien de causalité entre l’aidance et la précarité". Les besoins spécifiques des personnes aidées engendrent une augmentation des dépenses qui entraîne les personnes déjà en difficulté dans un "cercle vicieux" de la précarité.
Le non-recours aux droits
Ils et elles soulèvent également la nécessité de lutte contre le non-recours aux droits après avoir pu observer que "les personnes les plus précaires font peu appel à leurs services." L’une des raisons serait le manque de ressources dans l’activation des droits en particulier du à un manque d’informations. Pour elle/eux, "il est primordial de sensibiliser davantage les professionnel.les et le grand public à cette réalité et de travailler à trouver des solutions pour aider les aidants-proches les plus précarisés à surmonter ces défis."
Selon le mémorandum, la précarité ne se résume pas à l’aspect économique mais touche également au relationnel, signifié par 87% des sondé.es. La charge qu’entraîne les soins diminue le temps disponible à la création de nouveaux liens interpersonnels.
Les jeunes demandent à être reconnu.es en tant qu’aidant.es-proches et soutenu.es dans l’apprentissage à la gestion d’un budget et d’avoir un accès amélioré aux informations comme : "Des applications GSM pour bénéficier de nourriture à petits prix, la liste des restaurants sociaux et des plannings familiaux" mais aussi que soit pris en compte le statut dans la recherche de logement sociaux.
Les droits fondamentaux
Selon l’enquête, les aidant.es-proches considèrent que quatre droits sont bafoués :
- 1. le droit au revenu du à la perte d’un certain nombre d’heures de travail, à l’impossibilité de suivre des formations pour poursuivre sa carrière ou encore à l’impact du statut de cohabitant. Selon le mémorandum : "64% disent avoir déjà renoncé à un emploi, une promotion ou une formation du fait de leur rôle d’aidant-proche ; 58% font connaître leur statut d’aidant-proche sur leur lieu de travail (collègues, supérieurs, employeur) ; 70% ont dû diminuer, suspendre ou arrêter leur temps de travail."
- 2. le droit à l’épanouissement culturel et social difficile d’accès en conséquence d’un manque de temps et d’argent.
- 3. le droit à l’aide sociale, médicale et juridique face au manque d’informations disponibles ou transmises par les professionnel.les.
- 4. le droit au travail est également mis à mal par un manque d’indulgence et d’empathie de la part des employeurs, menant les aidant.es-proches à : "prendre sur leurs jours de congés légaux, puis sur des jours de congés sans solde - voire sur des absences maladie - pour parvenir à assurer les soins et l’aide à leur proche. "
Cette situation entraîne de l’absentéisme au travail qui, selon les aidant.es-proches interrogé.es, pourrait être évité grâce à l’organisation "d’une sensibilisation des entreprises à cette thématique, l’intégrer dans les cursus de formation des conseillers en prévention et des personnes de confiance, prévoir des dispositifs de télétravail et de flexibilisation des horaires, octroyer des jours de congé rémunérés annuels autres que les jours pour raisons impérieuses, octroyer un pot d’heures annuelles pour permettre à l’aidant-proche d’arriver plus tard ou partir plus tôt de son travail…"
Les professionnel.les constatent les même droits bafoués et soulignent l’importance du droit de "rester un enfant, un adolescent […] Ils proposent de faire des programmes régionaux en santé et de travailler à soutenir des programmes de psychoéducation à hauteur d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes."
Ces mêmes jeunes qui plongé.es trop tôt dans la vie d’adulte "signalent qu’ils se sentent pris entre leurs envies de jeunes et la menace de la non-assistance à personne en danger. Cette situation entraîne de la frustration et beaucoup de culpabilité."
Situation renforcée par un manque d’informations à propos de leurs droits sur quoi ils et elles pointent l’importance du soutien des professionnel.les : "La rencontre avec une assistante sociale impliquée change les choses dans leur vie. Ils soulignent particulièrement apprécier quand cette personne réfléchit à trouver des solutions avec eux et quand elle prend de leurs nouvelles."
Renforcer la prévention des risques au niveau individuel et grand public
La charge de l’accompagnement peut impacter la santé physique et mentale de l’aidant.e-proche ce qui n’est pas suffisamment signifié aux concerné.es. Pour 43% d’entre elles et eux, "les professionnels de la santé et de l’accompagnement ne sont pas (assez) attentifs à leur propre santé lorsqu’ils le prennent en charge."
Ce que les professionnel.les ne perçoivent pas. Au contraire, "plus de 90 % des professionnel.le.s estiment être attentifs à la santé de l’aidant-proche."
Ils et elles reconnaissent cependant, un manque de prévention, qu’ils et elles considèrent devant être plus transversale et renforcée par la compréhension générale du terme d’aidant.e-proche afin d’apporter des solutions efficaces et rapides : "En somme, les professionnel.le.s recommandent une approche globale qui inclut la sensibilisation du personnel médical, l’uniformisation de la terminologie, la sensibilisation au rôle d’aidant-proche et une offre de répit améliorée, ainsi que l’utilisation de différents canaux de communication."
Ils expriment d’ailleurs un point d’attention à l’égard des jeunes en s’appuyant sur le modèle flamand et son "Kind Reflex1". Il s’agit de "se poser systématiquement la question de l’impact d’une situation, d’une décision sur les jeunes s’ils sont présents dans la situation."
Structures et services
Le soutien des structures et services ressort comme insuffisant de la part des aidant.es proches qui dénoncent "un manque de centres de jour adaptés à tous les handicaps et aux pluri-pathologies, ainsi qu’un manque de places dans bon nombre d’institutions. Plus d’un quart d’entre eux ne s’y sentent pas suffisamment accueillis, ni soutenus."
Ils et elles soulignent également l’absence d’aménagements dans les hôpitaux concernant les handicaps, les troubles cognitifs ou du comportement.
Les jeunes font mention d’un besoin de services spécifiques à leur situation, de l’intervention d’une personne tiers, d’un.e médiateur.rice et de lieux d’accueil sécurisés afin d’avoir un espace où faire une pause, « prendre du recul et bénéficier d’un endroit calme.
Les 10 priorités :
Sur base de l’ensemble de ces éléments, 10 priorités ont été définies :
- 1. Permettre une réelle conciliation entre la vie d’aidant-proche et la vie professionnelle/scolaire, avec une attention particulière au maintien d’un revenu suffisant et à l’impact sur le montant de la pension ;
- 2. Renforcer le soutien aux initiatives de centralisation de l’information telles que le réseau SAM et créer des référents aidants-proches de proximité pour la diffuser et la transmettre ;
- 3. Organiser des campagnes de sensibilisation à l’aidance de manière large (tout public et tous canaux) ;
- 4. Sensibiliser les (futurs) professionnel.le.s des secteurs juridique, du psycho-médico-social, de l’enseignement et du travail aux enjeux de l’aidance ;
- 5. Automatiser l’ouverture de droits et l’information proactive aux aidants-proches ;
- 6. Créer un "parcours aidant-proche", dispositif individuel pour prévenir les risques liés à l’aidance ;
- 7. Mettre la notion de prévention et de vigilance au niveau de la santé de l’aidant-proche au cœur des priorités de l’axe prévention santé des Régions, avec une attention particulière au public précarisé ;
- 8. Accorder des compensations financières et/ou avantages sociaux pour les aidants-proches afin d’éviter une précarité liée à l’aidance ;
- 9. Renforcer l’accès aux services de répit et de relais pour le proche aidé afin de permettre à l’aidant-proche de trouver un équilibre professionnel et social ;
- 10. Faire de la loi de reconnaissance aidant-proche un réel outil de soutien et de protection socio-juridique pour les aidants-proches, quel que soit leur profil et celui de leur proche aidé.
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