CPAS : une évolution nécessaire...
En quelques années, les CPAS ont vu leur contexte législatif, institutionnel et sociétal fortement évoluer. L’urgence est maintenant à la stabilisation. De façon à préserver, et surtout renforcer le cœur de métier de ces institutions, son personnel… Et les personnes aidées.
Augmentation permanente des bénéficiaires du revenu d’intégration (RI) et des personnes qui viennent chercher au CPAS « un complément ». Diversification des publics, avec une hausse notamment du nombre d’étudiants, de travailleurs aux revenus modestes, de personnes en situation de monoparentalité et/ou d’origine étrangère. Priorisation à la mise à l’emploi des publics fragilisés. Pression sur les travailleurs sociaux, dont le nombre reste constant depuis dix ans alors que le nombre de dossiers n’a cessé d’augmenté. Amplification des contraintes administratives et budgétaires. Inflation des réglementations. Accentuation de la logique de contrôle et de contractualisation. Voici devenu, en très résumé et de façon incomplète, le contexte dans lequel les CPAS doivent aujourd’hui travailler. C’est en tout cas, peut-être avec une dose d’amplification due au ressenti des travailleurs, ce que rapporte le terrain. La sonnette d’alarme que les travailleurs sociaux tirent, au même titre que les dirigeants des CPAS.
Alors, que faire ? Il n’y a pas de solution « clé sur porte » ni de recette magique. Une (véritable) prise de conscience des mandataires locaux, récemment élus, et des décideurs politiques, en passent de l’être au niveau régional en suite des prochaines élections, serait déjà un bon premier pas.
Une dotation complémentaire du Fonds spécial de l’aide sociale doit être réfléchie, pour porter au strict minimum l’intervention régionale en faveur des CPAS ; celle-ci pourrait être calculée sur base objective, au prorata de l’augmentation de la charge de travail des CPAS et en fonction de l’évolution du nombre de bénéficiaires du RI.
Il est devenu indispensable de stabiliser les CPAS dans leurs missions, leur fonctionnement et leur positionnement institutionnel. Un « temps d’arrêt » s’avère en effet essentiel pour digérer les diverses évolutions intervenues ces derniers mois, dans la Loi organique qui régit nos institutions et pour mettre en œuvre les synergies encouragées entre communes et CPAS pour les services de support. Sans aller plus loin !
À un niveau plus opérationnel, pourquoi ne pas mettre à disposition gratuitement des CPAS, par la Région, des outils informatiques performants et correspondant aux nouveaux besoins de gestion : logiciels sociaux, suivi des PST… Dans le même ordre d’idées, la Wallonie pourrait mettre en place une cellue régionale, pluridisciplinaire, d’appui à la mise en œuvre du RGPD, susceptible d’impacter considérablement les processus de travail. Pour assurer pleinement leurs missions, les CPAS ont également besoin de voir renforcer leurs premières lignes. Recruter !? Un vœu pieux diront beaucoup dans le contexte budgétaire actuel, surtout pour les communes « sous contrôle budgétaire », mais tout aussi pieux qu’indispensable. Une révision générale des barèmes permettrait encore de prendre en compte la spécialisation de certains (nouveaux) métiers en CPAS, les surcoûts engendrés par cette spécialisation devant être compensés par la Wallonie. Enfin, il convient d’assurer que les CPAS ne soient pas impactés par la réforme APE ; celle-ci doit garantir la neutralité budgétaire à court et long termes pour les institutions, au travers entre autres de la nouvelle méthode de calcul et de l’indexation…
La liste des mesures à prendre ou à préserver pour permettre aux CPAS de faire face à l’évolution de la précarisation en Wallonie est longue. Sans cela, les CPAS ne seront pas consolidés dans leur rôle de pivot des politiques sociales, au niveau local et supra-local, ce qui ne pourra que se répercuter sur la population grandissante, qui en a besoin. Leurs spécificités doivent être prises en compte dans le cadre d’un futur Plan wallon de lutte contre la pauvreté, avec des moyens complémentaires octroyés dans ce cadre. Ils doivent se voir confier un rôle de co-acteur à part entière, avec les communes, dans le cadre des Plans de cohésion sociale. Pour œuvrer efficacement au maintien de la dignité humaine, les mécanismes de « coordination sociale » dans lesquels les CPAS joueraient un rôle d’initiateurs, doivent être (re)mis en place et soutenus.
Maintien de la dignité humaine… C’est l’ADN de nos institutions sociales, leur finalité. Ce qui précède ne constitue que les moyens d’y parvenir, en sachant que les CPAS n’ont, et de loin, pas toutes les clés en mains. Les stabiliser, les conforter… pourrait ramener en partie la sérénité nécessaire pour un travail d’accompagnement des publics fragilisés, le temps pour transformer la contractualisation, toujours plus standardisée avec nos bénéficiaires, en une relation d’émancipation, les moyens de poursuivre un véritable travail social en CPAS.
Alain Vaessen - Directeur Général de la Fédération des CPAS de Wallonie
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