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Les guerres de l'opium ne sont pas terminées

27/03/19
Les guerres de l'opium ne sont pas terminées

19ème siècle. Les grands empires ont gagné les guerres de l’opium. Cultivé en Inde, acheminé clandestinement en Chine, l’opium permit de rééquilibrer la balance commerciale britannique, et de déséquilibrer la société chinoise. Les fumeries apparurent en nombre, comme dans Le Lotus Bleu, et l’opium était devenu une arme. Les Etats veilleront désormais à le contrôler, avec des conséquences néfastes qui ne seront jamais réellement évaluées. Les 14 et 15 mars dernier, à l’heure où explosaient des grenades à Anvers, les Etats du monde ont encore voulu croire en un monde sans drogue…

Dès après la Première Guerre Mondiale, en 1919, est signé le Traité de Versailles. Il institue la Société des Nations (SDN). Sa première Assemblée Générale se tient en 1920, et dès celle-ci est instituée une Commission Consultative du Trafic de l’Opium, étendue dès 1924 aux autres drogues nuisibles : il s’agissait de ne plus connaître de guerre de l’opium. Suite à la transformation de la SDN en l’ONU tel que nous le connaissons aujourd’hui, le Conseil Economique et Social institue dès 1946 la Commission des Stupéfiants (Commission on Narcotic Drugs, CND). Encore aujourd’hui, la CND se réunit annuellement à Vienne, et tente de trouver à chaque fois des décisions consensuelles entre tous les Etats représentés : c’est ce qu’on appelle le « Consensus de Vienne ».

La CND parvient à faire adopter les conventions internationales de 1961, 1971 et 1988. De manière générale, le moto est à la guerre à la drogue. Les politiques à l’égard des producteurs et des trafiquants, mais aussi des consommateurs, se durcissent. Alors que de nombreuses drogues étaient déjà utilisée depuis longtemps, parfois dans le cadre de coutumes immémorielles, elles sont peu à peu classifiées dans des catégories définissant l’étroitesse de leur accès.

Plusieurs problèmes émergent toutefois. D’abord, cette classification restreint l’usage thérapeutique de certaines drogues, alors qu’elles disposent de vertus thérapeutiques. Même si l’usage médical peut être autorisé, il est largement sous-utilisé dès lors que les substances mères sont interdites. Ensuite, l’interdit qui prévaut rate son objectif car, plus que de diminuer la disponibilité des produits, il crée les conditions d’un développement d’un marché illégal, profitable aux réseaux mafieux, qui poussent à l’accroissement des productions, à une baisse des prix et une large disponibilité. Pire, l’interdit qui prévaut induit l’illégalité et la clandestinité des consommateurs, pour lesquels l’accès aux dispositifs de santé est plus difficile.

Le consensus de Vienne se craquelle

Depuis peu, des politiques alternatives émergent, au Canada, en Uruguay et dans certains Etats américains légalisant le cannabis. Au niveau international, de nouveaux débats se tiennent, comme en 2016 lors d’une session spéciale de l’assemblée générale des Nations-Unies. Mais ces nouveaux débats et ces nouvelles politiques peinent encore à s’imposer : aux Etats prônant le respect des Droits Humains, d’autres insistent par des politiques dures, voire des peines de morts ou des assassinats extra-judiciaires.

Aujourd’hui, le consensus de Vienne se craquelle, toujours un peu plus. À l’heure où des Etats forts apparaissent là où on ne les attend pas, il est peu probable de voir une politique progressiste mondiale émerger en faveur des consommateurs, de leur santé et des Droits Humains. Il reviendra probablement aux Etats voulant développer des politiques alternatives de triturer, voire de sortir des conventions internationales. Qu’on le veuille ou non, aujourd’hui et encore plus demain, chaque Etat doit et devra redéployer sa politique drogues. Si la Belgique redéfinit la sienne sur base des Droits Humains, il lui faudra la revisiter en conséquence, et déjà abroger sa Loi Drogues qui date de 1921 et qui n’a jamais été revue sur ses principes-phares.

Sebastien ALEXANDRE

Directeur FEDITO BXL asbl - Drugs & Addictions Brussels



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