Pourquoi le torchon brûle-t-il entre les psychologues et la Compsy ?

Il est vrai qu’actuellement l’augmentation demandée aux psychologues pour être enregistrés annuellement à la Commission des Psychologues (ComPsy) fait grand bruit et suscite l’incompréhension dans la communauté des psychologues. Elle avait déjà augmenté l’année dernière (de 50 à 65 Euros) et cette année 2020, cet enregistrement passe à 95 euros !
[DOSSIER]
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Les associations professionnelles comme l’Union professionnelle des psychologues cliniciens francophones, l’UPPCF et son pendant néerlandophone (VVKP) ont manifesté leur incompréhension mais elles n’ont pas été entendues suffisamment. Cela a renforcé les positions divergentes entre la Commission et plusieurs associations professionnelles, conflit favorisé par l’évolution rapide de la profession du psychologue clinicien ces trente dernières années.
Si la Commission a été créée pour protéger le titre en 1993, elle a dû évoluer, notamment en 2014 en étendant ses missions, par exemple en édictant le code de déontologie et en structurant les organes disciplinaires imposés légalement. En toute logique, le code de déontologie s’appliquant à toute personne portant le titre de psychologue (article 1), la Commission aurait dû aussi adapter ce dernier pour qu’il s’applique aussi à toute personne exerçant la psychologie clinique. Il s’agit du genre d’adaptation requise pour se structurer en Ordre pour tous les psychologues comme ce fut le cas pour d’autres professions libérales, en traitant les plaintes des patients/clients, en respectant les missions des associations professionnelles des psychologues et en développant des liens de collaboration plus structurés avec ces dernières.
Du côté associatif, cette évolution nécessite de plus en plus une adaptation dans le sens de la défense de chaque psychologue et du soutien quasi syndical de ses membres. Elle doit aussi disposer des ressources nécessaires pour mieux collaborer avec la ComPsy.
Nouer des liens de collaboration plus structurés
Il nous paraît donc primordial que des liens de collaboration plus structurés se nouent entre l’UPPCF et la Commission des Psychologues. Par exemple, s’il est vrai que les membres des séances plénières de la Commission sont constitués de psychologues mandatés par les associations, leurs fonctions sont devenues plus floues, voire caduques avec la complexification de la profession. La loi de 1993 sur le port du titre de psychologue prévoit la création d’une séance plénière dont la mission essentielle est de statuer sur des demandes d’enregistrement, ce qui est plus complexe pour les diplômes émanant d’une université étrangère, par exemple.
Depuis 2014, la Commission se voit attribuer des missions qui sont de plus en plus celles d’un Ordre et le nombre des membres a crû énormément. Son chiffre d’affaires en 2018 va aller bien au-delà au million d’Euros annuels ! Une gestion plus complexe aurait été nécessaire et serait à revoir avec les ministères concernés, la direction de la ComPsy et des représentants qualifiés des associations professionnelles.
Ces évolutions législatives et budgétaires n’ont pas été accompagnées par des adaptations indispensables dans le management de la Compsy. On ne peut donc demander aux psychologues mandatés par les associations professionnelles pour les séances plénières de se positionner en toute connaissance de cause en matière de gestion administrative et financière ou de stratégie politique. Ce n’est pas de leur compétence et expertise. Ils ne sont pas à même de pouvoir critiquer ou approuver un bilan financier et un budget prévisionnel. Pour effectuer un contrôle efficace, les associations professionnelles doivent mandater d’autres personnes qualifiées et idéalement cela devrait s’opérer dans un organe comparable au conseil d’administration d’une entreprise. Pour un organe de droit public comme la Compsy, cela nécessiterait un comité de pilotage regroupant la direction de cet organe, des représentants du ministère dont elle dépend et des représentants qualifiés des associations professionnelles. Le ministre de tutelle et la direction de la Compsy doivent donc entamer une adaptation en profondeur des modalités de gestion en collaboration avec les associations professionnelle représentatives.
Un conflit de compétences entre ministères
Pourquoi cela pose-t-il tant problème actuellement ? Si la loi sur l’exercice de la psychologie clinique promulguée en 2016 signe une avancée très conséquente pour la profession qui se voit enfin reconnue comme profession de santé, une conséquence est le fait que les psychologues exerçant la psychologie clinique dépendent pour l’exercice de leur profession du Ministère de la Santé Publique. Les psychologues cliniciens et la Commission des psychologues se retrouvent victimes d’un conflit de compétences entre ministères. En effet, l’Ordre est-il celui des psychologues sous la tutelle du Ministère des Classes Moyennes ou celui des psychologues cliniciens sous la tutelle du Ministère de la Santé ? Les avis peuvent diverger tant au sein des ministères concernés que des psychologues eux-mêmes…
En conclusion, pour mener à bien les adaptations complexes mais nécessaires, la direction de la Commission des Psychologues devrait s’engager à collaborer avec des représentants du Ministère des Classes Moyenne, avec les représentants dûment qualifiés des associations professionnelles représentatives (dont l’UPPCF) dans le respect des lois… et si possible avec des représentants du Ministère de la Santé.
Thierry Lottin,
Vice-président UPPCF
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