Commission des Psychologues : la hausse de la cotisation fait polémique !

Du 15 novembre au 31 décembre, les psychologues sont tenus de renouveler leur inscription auprès de la Commission des Psychologues en payant une cotisation annuelle. Pour 2020, le prix a été augmenté de 30 euros, passant de 65 à 95 euros. Une décision que défend, nombreux arguments à l’appui, la Compsy. Mais, ses justifications ne convainquent pas une partie du secteur, à commencer par l’UPPCF. Cette dernière envisage carrément de boycotter la Commission !
[DOSSIER]
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Début novembre, la newsletter envoyée par la Commission des Psychologues à ses membres en a surpris (désagréablement il faut bien le dire) plus d’un. Et pour cause : les praticiens y ont découvert qu’ils allaient devoir mettre davantage la main au portefeuille... 30 euros de plus. Chaque année, les psychologues doivent renouveler leur inscription à la Compsy afin d’être autorisés à porter légalement le titre. Une démarche qui est concrétisée par le payement d’une cotisation annuelle. Pour 2020, cette dernière passe de 65 à 95 euros.
Afin de tuer dans l’œuf toute polémique et ainsi éviter le scénario tendu de 2017, la Commission des Psychologues a rédigé un texte à l’attention de ses membres afin de justifier en long et en large cette nouvelle hausse de la cotisation. Malgré tout, cette démarche de communication et de transparence n’est pas parvenue à calmer certains esprits échauffés. Ainsi la riposte ne s’est pas fait attendre… Via sa newsletter, l’Union Professionnelle des Psychologues Cliniciens Francophones & Germanophones (UPPCF) a rapidement contacté ses membres afin de préparer une contre-attaque.
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Faire évoluer les outils et services
Pour la Commission des Psychologues, cette hausse de la cotisation annuelle était un mal plus que nécessaire. Bien que consciente que cette augmentation représente un investissement conséquent pour chaque psychologue, elle estime qu’elle est essentielle pour faire évoluer ses outils et services afin de répondre de manière optimale aux attentes.
« Depuis 2014, le Code de déontologie des psychologues prévoit la mise en place de conseils disciplinaires. Suite à la création de ces instances qui ont déjà géré 250 plaintes, la cotisation a été augmentée de 15 euros. À l’époque, en 2017, la pilule n’était déjà pas bien passée chez les professionnels », rappelle Jonathan Dujardin, porte-parole de la Compsy. Et de pointer : « Cette hausse n’était pas suffisante pour pouvoir gérer financièrement toutes nos missions. Nous avons donc été contraints d’effectuer une majoration. » Mais justement quelles sont les missions endossées par la structure ? « Elles sont nombreuses », répond-il. « Je peux par exemple pointer la gestion d’une série de nouvelles législations comme le RGPD. Il y a également désormais l’insolvabilité des psychologues en société. Sans compter les nouvelles collaborations nouées notamment avec le SPF Santé. Nous l’avons aidé ainsi que les psychologues au niveau du fameux visa. Tout cela a engendré un coût et une importante charge de travail. »
Autre élément pour justifier l’augmentation de la cotisation : les nombreux investissements réalisés pour moderniser certains outils, à commencer pour le développement d’une nouvelle base de données. « Elle concerne quasiment 15.000 personnes à gérer. Cela a eu un coût non négligeable », explique le chargé de communication. « Face à ce vaste public, il était nécessaire de se doter d’une nouvelle base de données plus performantes afin de répondre aux besoins. Cohérent et respectant le RGPD, cet outil offre une belle vitrine aux psychologues. Ils ont chacun un profil qui reprend leur adresse mais aussi leur public cible ainsi que les différentes langues parlées. Prochaine étape : intégrer notamment les spécialisations des praticiens ainsi que la possibilité de les localiser. Ces nouveautés prennent du temps à se mettre en place, c’est complexe au niveau technique. Voilà en tout cas une plus-value de l’inscription : ce service est compris dans le prix de l’inscription. »
Notons encore que la Commission a aussi financé des projets de recherche afin d’obtenir une vision globale de la profession et de ses besoins. Le but étant de la faire évoluer dans le bon sens…
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Le secteur prépare sa riposte
Face à cette augmentation de la cotisation, les réactions, souvent négatives il faut bien l’admettre, ne se sont pas fait attendre. En ligne de mire, nous retrouvons l’Union Professionnelle des Psychologues Cliniciens Francophones & Germanophones qui a rapidement riposté à la nouvelle en envoyant un mail à tous ses membres. Dans cette newsletter, elle affirme que l’augmentation serait essentiellement motivée par la situation financière délicate de la Compsy. « Celle-ci était largement bénéficiaire jusqu’en 2016 ce qui s’était traduit par une croissance modeste du droit d’enregistrement. Elle aurait alors plongé dans le rouge à la suite de dépenses inconsidérées dont la nouvelle direction rejette la responsabilité sur les anciens », écrit-elle. Et d’annoncer : « L’UPPCF ne peut accepter que les psychologues soient pénalisés financièrement du fait d’erreurs de gestion dont ils ne sont nullement responsables. Nous avons été mis devant le fait accompli après l’approbation par le Ministre de tutelle de l’augmentation. »
Conjointement avec son homologue flamand, le VVKP, l’association professionnelle prévient qu’elle compte bien contester l’augmentation auprès du Ministre de tutelle en exigeant un audit financier de la Compsy. Mais la contre-attaque ne s’arrête pas là. Dans le courriel, elle informe également ses membres sur leurs possibilités d’action. Elles vont de l’expression d’un « simple » mécontentement à carrément le recours à la grève de l’enregistrement et donc au boycott pure et simple de la Commission.
Un des scénarios présentés est donc de ne pas s’enregistrer à la Compsy : « Vous ne mentionnez plus le titre de psychologue et vous le remplacez par l’intitulé de votre diplôme avec la mention du numéro de visa en psychologie clinique. La loi de 1993 sur la protection du titre est respectée et votre visibilité professionnelle assurée », indique-elle aux psychologues. Et dans un autre scénario, elle va plus loin : ne pas s’enregistrer à la Compsy et maintenir malgré tout le titre de psychologue. « Ce maintien du titre sera alors illégal et pourrait entraîner une mise en demeure de s’enregistrer de la part de la Compsy puis, à défaut, d’éventuelles poursuites pénales. Osera-t-elle les entamer si des centaines, voire des milliers de psychologues sont dans le cas ? »
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Des poursuites pour abus de titre…
Cette menace de boycott n’est évidemment pas vu d’un bon œil par la Commission des Psychologues. « Nous sommes d’accord qu’ils expriment leurs opinions. Nous pouvons entendre qu’ils estiment que la cotisation leur semble trop chère », réagit Jonathan Dujardin, avant de rappeler : « La loi impose aux psychologues de s’inscrire chaque année. Face à ce boycott nous devrons peut-être envisager des mesures répressives comme des poursuites pour abus de titre. C’est une attitude que nous n’avons pas l’habitude de prendre mais face à des situations compliquées nous devrons peut-être nous y résoudre. Nous sommes là pour le bien des psychologues mais s’ils nous tournent le dos… Honnêtement, nous essayons vraiment d’être constructifs, de ne pas trop être répressifs et d’offrir un service plus direct. Alors oui, nous nous concentrons sur la profession dans son ensemble, moins sur l’individu car nous sommes là pour installer des garde-fous et donc nous pouvons sembler moins impliqués que les associations professionnelles. Or, nous avons un réel impact sur la profession sur le long terme. »
La profession est en tout cas secouée par de sérieuses perturbations. Afin de faire redescendre la tension et d’obtenir une éclaircie, la Commission des Psychologues organise ce vendredi 15 novembre une table ronde réunissant les représentants des associations. Cette réunion parviendra-t-elle à calmer les esprits ? Réponse dans les prochains jours !
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E.V.
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