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Accueil de la petite enfance : le quotidien du travail en crèche

07/01/25
Accueil de la petite enfance : le quotidien du travail en crèche

Ces derniers temps, nous avons beaucoup parlé et entendu parler du manque de places en crèche, de la pénurie de personnel, et d’autres problèmes rencontrés par le secteur de l’accueil de la petite enfance. Au-delà de ça, nous avons voulu en savoir plus sur ce qu’est le quotidien vécu par ces professionnelles de l’accueil de la petite enfance, sur les petits et grands défis rencontrés et sur ce que leur apporte leur métier.

[Dossier] :
Episode 1 : Le secteur de la petite enfance sous tension : la parole au terrain
Episode 2 : Accueil de la petite enfance : en quête de reconnaissance
Episode 3 : La relation de confiance avec les parents

Nous avons rencontré deux professionnelles : Chloé, 49 ans, puéricultrice en crèche communale en milieu urbain depuis 25 ans et Noémie, 38 ans, éducatrice spécialisée de formation et travaillant en crèche communale depuis 2 ans, en milieu rural. Toutes les deux ont un vécu professionnel qui présente de nombreuses similitudes, malgré les différences d’environnement.

Entre activités et contraintes, à quoi ressemble une journée en crèche ?

Le Guide Social : Dans quelle type de structure travaillez-vous ?

Chloé : Je travaille dans une crèche située en ville. Nous avons un jardin, ce qui est assez rare, même si toutes les crèches ont en général un extérieur. Parfois, c’est simplement une terrasse par étage. Dans ma crèche, il y a un rez-de-chaussée et 2 étages, chaque étage correspond à un groupe d’enfants. Au total, il y a une capacité maximum de 42 lits, ce qui signifie que nous avons 50 enfants inscrits. Ils sont répartis en 3 groupes d’âges, avec un taux de présence de 15 enfants par jour et par groupe. Nous demandons un minimum de 3 jours de présence par semaine.

Noémie : Dans la première crèche où j’ai travaillé, il y avait une capacité journalière de 28 enfants, mais je ne sais pas combien étaient inscrits. Le minimum de présence était de 2 jours par semaine. Les enfants étaient répartis en 2 groupes, situés dans une seule grande salle, avec des séparations modulables. Nous avions un petit jardin. La crèche où je travailla actuellement est beaucoup plus petite : elle n’accueille que 11 enfants par jour.

Le Guide Social : Décrivez-nous une journée type.

Noémie : Le matin, c’est l’accueil des enfants. Il y a toujours des périodes plus chargées, où beaucoup de parents viennent en même temps et ça peut être stressant. On sent les parents qui s’impatientent, mais en même temps, on ne peut pas presser le parent qui nous confie son enfant, car cette transition est importante, aussi bien affectivement que pour les infos qu’on reçoit. Les parents finissent par comprendre et par arriver un peu plus tôt ou plus tard ! Les enfants prennent leur déjeuner à la maison. Durant la période d’accueil, les enfants jouent librement, puis lorsque cette période est terminée, nous faisons des activités avec eux, des bricolages, parfois des promenades et des petites sorties. Surtout avec les plus grands.

Ensuite, il y a la période des repas. Les bébés prennent leurs biberons à la demande et font plusieurs siestes sur la journée. Les plus grands font leur sieste après les dîners. Les repas et les mises au lit sont aussi des périodes plus chargées, ainsi que les réveils, lorsque les enfants dorment peu et se réveillent mutuellement. L’après-midi, en général, les retours commencent à partir de 15h, donc souvent, c’est réveil, collation et jeux libres... Personnellement, j’aime aller dehors et travailler la psychomotricité, donc je le fais le plus souvent possible.

Chloé : C’est à peu près pareil, si ce n’est que nous proposons aussi le déjeuner (tartines) jusque 8h30. On fait aussi les panades nous-mêmes. Nous avons des conteuses, des musiciennes, des animatrices extérieures qui viennent parfois pour proposer des activités, sinon, nous en mettons en place nous-mêmes. Nous avons beaucoup de partenariats, c’est vraiment très enrichissant. En fait, personnellement, c’est toute l’intendance que je trouve lourde, et avec les années, cette intendance devient de plus en plus contraignante.

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Taille des crèches : l’impact sur le travail et l’épanouissement des équipes

Le Guide Social : Est-ce que la taille de la structure a un impact sur votre qualité de travail ?

Chloé : Oui, je pense. Nous sommes une grosse structure, mais avec de petits groupes, puisque chaque étage a son équipe. Donc chez nous, l’intendance représente une part importante du travail : réchauffer les repas, faire les déjeuners, faire les panades, refaire les lits, etc. D’un autre côté, nous sommes une grosse structure, communale qui plus est, donc avec toutes les lourdeurs que ça peut impliquer au niveau des demandes, des changements, etc. Une des choses qui me pèse, c’est le changement constant de responsables : en 25 ans, j’en ai vu défiler une vingtaine. Nous aussi pouvons être affectées à une autre crèche. Ça n’a jamais été mon cas, mais ça pourrait. Cela aussi a un impact direct sur notre travail et sur l’ambiance dans l’équipe.

Noémie : La taille de la structure influe sur notre qualité de travail ? Clairement oui. Dans la plus grosse structure, la plus grande partie de l’intendance était prise en charge par une personne spécifiquement affectée à cette tâche : elle réchauffait les repas, refaisait les lits, préparait les panades, désinfectait les jeux, etc. On avait moins de travail à ce niveau, contrairement à la crèche où je suis maintenant et où nous devons prendre cet aspect en charge. On fait une tournante entre nous pour que ce soit équilibré. D’un autre côté, dans la plus grosse crèche, il y avait trop d’enfants. À un moment donné, ils étaient 11 par jour dans mon groupe, puis c’est devenu 13, 14, 15. Ça n’a l’air de rien, mais 3 ou 4 enfants en plus, c’est énorme, surtout si nous ne sommes pas plus nombreuses. Une situation qui crée des tensions… Le fait que tous soient dans la même pièce aussi, ce n’est pas toujours simple.

Le Guide Social : La taille de l’équipe change la donne également.

Noémie : Une grosse équipe, c’est plus de conflits, plus de tensions, plus de caractères différents à concilier et ce n’est pas facile. Ici, nous sommes une plus petite équipe, donc d’un côté, ça signifie moins de personnel, mais d’un autre côté, on est obligées de mettre chacune de l’eau dans son vin. Nous ne sommes que cinq, on n’a pas le choix de s’entendre. On essaie de prendre en compte les points forts et les points faibles de chacune, d’être dans la bienveillance, de se respecter, de prendre en compte les moments de fatigue, etc. Personnellement, je suis beaucoup plus épanouie dans la plus petite structure, ça me correspond mieux, aussi par rapport aux enfants, à ce qu’on peut mettre en place avec eux.

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Entre inquiétudes pour l’avenir et passion pour leur métier

Le Guide Social : Y a-t-il quelque chose qui vous fait peur pour l’avenir de votre métier ?

Chloé : On est déjà en pénurie de personnel et j’ai peur que le fait que la formation de puéricultrice devienne un baccalauréat n’aide pas les choses. D’un côté, c’est bien car ça donne une plus-value au métier, mais ça peut décourager certaines vocations, soyons honnêtes. En crèche, les horaires sont difficiles, les congés sont imposés, c’est compliqué de concilier vie professionnelle et vie privée et chez nous, par exemple, il n’y a pas de desiderata pour les horaires, que les travailleuses aient ou non des enfants, tout le monde est logé à la même enseigne. Les salaires sont bas et le métier est finalement peu attractif, sauf pour celles qui aiment les enfants… Et qui en font ou en ont déjà elles-mêmes ! Certaines finissent d’ailleurs par partir à cause de toutes ces contraintes difficilement conciliables avec la vie de famille. Qui va vouloir de ce type de contraintes et de ce niveau de rémunération avec un diplôme d’études supérieures en poche ?

Noémie : Je vois de plus en plus d’enfants, de bébés stressés. Ils dorment moins, crient beaucoup, mordent plus… Cela me fait peur car je me dis que toute cette vie stressante a un impact sur eux et que ça ne va pas aller en s’améliorant ! J’ai peur des dégâts au long cours sur tous ces enfants stressés. Aujourd’hui, on ne prend plus le temps de laisser les enfants grandir. Les parents sont stressés, les familles sont stressées, la vie professionnelle est stressante pour tous… Je crois aussi que les parents ne se rendent pas toujours compte de ce qu’est la réalité de la vie avec un bébé, du temps et de la disponibilité qu’il faut. Il faut accepter de se mettre un peu entre parenthèses, de mettre sa carrière entre parenthèses et cela, beaucoup de familles ne veulent ou ne peuvent pas le faire actuellement.

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Le Guide Social : Qu’est-ce qui rend votre métier formidable ?

Chloé : Le contact avec les enfants est tout simplement formidable. C’est ressourçant. C’est un boulot merveilleux, juste observer les enfants est merveilleux. J’aime le fait d’être partenaire de leur éducation, de créer un lien avec les familles. D’ailleurs, je suis restée en contact avec plusieurs familles, j’ai vu grandir pas mal de bébés, devenus adultes ou presque aujourd’hui. C’est l’aspect de mon métier que j’aime le plus, cette relation avec les bébés, lorsque je peux juste me poser et simplement être avec eux.

Noémie : Le contact avec les enfants, le fait de les accompagner dans leur évolution, les voir grandir, les aider à s’épanouir. Le contact avec les parents aussi, les aider dans leurs difficultés … J’aime le fait d’être un guide, un tuteur, de créer une dynamique de groupe, d’inciter à la collaboration entre eux. On est à la base d’une future génération, cela me porte, c’est valorisant de se dire qu’on aide une future génération à s’épanouir.

MF - travailleuse sociale



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