Accueil de la petite enfance : en quête de reconnaissance
Dans ce second épisode de notre série consacrée au secteur de l’accueil de la petite enfance et à son personnel, zoom sur le pénurie de personnel qualifié. Entre pénibilité des horaires, congés parfois imposés, difficultés de concilier vies professionnelle et personnelle, il est bien difficile de recruter du personnel qualifié pour exercer ces fonctions. Lorsque s’ajoute le manque de reconnaissance, c’est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
[Dossier] :
Episode 1 : Le secteur de la petite enfance sous tension : la parole au terrain
Nous avons rencontré deux professionnelles du secteur de l’accueil de la petite enfance. Chloé a 49 ans, elle est puéricultrice de formation et travaille depuis 25 ans dans une crèche communale, en milieu urbain. De son côté, Noémie a 38 ans, elle est éducatrice spécialisée de formation et s’est reconvertie depuis 2 ans dans le secteur de l’accueil de la petite enfance. Elle travaille également en crèche, en milieu rural.
Le Guide Social : Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler dans ce secteur ?
Chloé : J’ai toujours aimé m’occuper des enfants des autres, c’est tout naturellement que je me suis formée pour devenir puéricultrice. Jusqu’à il y a peu, je faisais encore du baby-sitting après le travail !
Noémie : J’ai toujours voulu travailler avec des enfants, mais finalement, après mes études d’éducatrice spécialisée, j’ai été engagée dans un autre secteur, où j’ai travaillé pendant 6 ans. Par la suite, je me suis arrêtée quelques années à la naissance de mes enfants, puis j’ai ressenti le besoin de recommencer à travailler, mais autrement, avec un autre public : les jeunes enfants. Comme le métier est en pénurie, j’ai pu être engagée, même si je ne suis pas diplômée en puériculture.
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Le Guide Social : Voyez-vous une évolution dans le regard porté sur votre profession ?
Chloé : Depuis le début de ma carrière, je ressens de plus en plus une reconnaissance par rapport à notre métier en tant que « vrai » métier, avec un panel de compétences, une réelle expertise. Avant, les parents nous déposaient leurs enfants « à garder », aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Nous sommes devenus des partenaires dans la relation éducative, il y a un trio de confiance « enfant - parents - personnel » qu’il n’y avait pas avant. Bien entendu, ce n’est pas toujours le cas. Parfois, des parents nous disent encore « Amusez-vous bien ! » en quittant la crèche et ça me met en colère ! Je ne passe pas ma journée à jouer, j’ai un réel rôle éducatif avec l’enfant. Ceci étant, je constate tout de même une belle évolution au niveau de la reconnaissance de notre profession.
Noémie : Lorsque j’ai commencé, j’étais pleine d’énergie, épanouie et super motivée. J’avais et j’ai toujours un réel plaisir à m’occuper d’enfants. Maintenant, je suis un peu frustrée car, certes, j’ai un bagage professionnel et une certaine motivation, mais je trouve que nous manquons de formations continues pour pouvoir proposer de nouvelles activités. Ce qui est difficile, c’est que nos responsables ne travaillent pas eux-mêmes en crèche et, dès lors, ne comprennent pas nos demandes, que ce soit en termes de formations ou de renforts au niveau du personnel. Pour ma part, je me sens plus reconnue par les parents : on les rassure, on les conseille, on collabore avec eux. Parfois ce n’est pas facile, il peut y avoir des conflits ou une difficulté à instaurer le rapport de confiance nécessaire, mais ça passe par la manière dont on est avec l’enfant. Si le parent sent qu’on est attentive au bien-être de son enfant, alors c’est gagné.
Le Guide Social : Comment percevez-vous l’évolution des normes et des attentes dans le secteur des crèches, notamment en ce qui concerne votre quotidien et votre rôle auprès des enfants ?
Chloé : En 25 ans, j’ai vu les normes ONE évoluer, et d’une certaine manière, c’est très bien car cela montre l’importance qui est accordée à l’accueil des bébés, mais d’un autre point de vue, cela met beaucoup de pression sur les crèches. Notamment au niveau de l’intendance. Là où je travaille, on a de plus en plus de travail d’intendance à faire et de moins en moins de temps d’observation et de jeu libre avec les enfants. C’est un peu comme si on nous disait que la « simple » observation des enfants n’a pas de valeur et qu’on doit s’agiter dans tous les sens pour justifier notre salaire. Et en même temps, le taux d’encadrement est trop bas pour permettre d’être réellement attentives à chaque enfant. Je mets un point d’honneur à le faire, y compris avec les enfants qui sont moins demandeurs, plus débrouillards, mais ce n’est pas facile car nous sommes trop peu. »
Noémie : Lorsque l’ONE vient contrôler, j’ai l’impression qu’ils font plus attention au respect des normes qu’aux activités qu’on propose aux enfants. Pour moi, ça prend trop de place, même si les normes sont importantes. Notre rôle éducatif n’est pas assez mis en avant.
Propos recueillis par MF - travailleuse sociale
Les professionnelles en charge de l’accueil des jeunes enfants sont le premier maillon de la chaîne socio-éducative qui prend place autour de ce qui n’est rien de moins que l’avenir de notre pays. Leurs compétences vont bien au-delà de la simple présence. Outre les nombreux soins nécessaires à prodiguer aux plus petits, elles sont un guide, un tuteur, elles éveillent les tous petits au monde, créent une dynamique de groupe, etc. Bref, elles permettent l’émergence de compétences essentielles à toute vie sociale. À ce titre, elles méritent d’être reconnues comme des partenaires éducatifs à part entière.
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