La solitude radicale de certains patients : de vieux schémas qui durent...

Il est des patients qui vivent dans une solitude extrême, totale, et la séance chez le psychologue est alors la seule occasion d’établir un contact humain. Comment gérer un transfert qui s’inscrit dans une vie sociale réduite à néant ?
Souvent essentielle à l’épanouissement, une vie sociale et relationnelle est un élément d’importance pour le bien-être de l’individu. Or, une solitude radicale est parfois rapportée par nos patients. Pas d’emblée, mais au fil des séances, la souffrance liée à une vie où les contacts humains sont quasiment absents se dépose alors de tout son poids. Les séances sont finalement les seules occasions d’interagir régulièrement avec un autre être humain. Mais cette interaction doit rester spécifique et ne constituer en aucun cas une sorte de « compensation » de vie sociale.
Solitude ou isolement
Nous parlons bien sûr de solitude imposée, non souhaitée, qui prend alors la couleur de l’isolement social. Suite à une séparation, un deuil, ou parfois simplement dans le détricotage progressif d’un réseau fragile, l’isolement se traduit par un vide, une absence, un sentiment d’abandon qui non seulement coupe la personne de toute vie relationnelle, mais peut aussi à la longue rompre le contact avec elle-même, ses attentes, ses désirs. Ne reste qu’une hébétude vaguement honteuse de se retrouver seul (e) sans le vouloir.
Rompre l’isolement
Les séances psychologiques ne sont pas là pour masquer le problème par des rencontres répétées qui « remplaceront » une vie sociale inexistante par un succédané maladroit. La relation thérapeutique reste « à part » et ne remplace pas les interactions sociales. Par contre, le cabinet peut et doit être le lieu d’une mise au travail de cet isolement si la souffrance qui l’accompagne le justifie. D’abord par une simple prise de conscience de cette dernière, ensuite pour amorcer, à petits pas, des changements au quotidien.
Question d’estime
L’estime de soi sera altérée par un échec social. Or, cette faible estime peut, à son tour, encourager l’exclusion, le repli sur soi, la peur de l’autre et donc l’isolement. Renouer d’abord avec soi-même, prendre le temps de se dire, de s’explorer, de se comprendre, de retrouver une certaine bienveillance avec soi-même, un souci de soi, c’est une première étape indispensable. L’espace-temps des séances a un rôle majeur à jouer dans cette introspection première.
Le lien à l’autre
Dans un second temps, le rapport à l’autre, dans tout ce qu’il charrie, peut également être mis au travail. Dans l’histoire du sujet, dans ses liens passés, dans ceux qu’il souhaite nouer, il s’agit de mettre au jour une trame qui peut toujours se retisser autrement. A petits coups, se mettre à l’écoute de ses envies et s’autoriser à les vivre. Les lieux d’apprentissage divers (trompette, zumba, peinture sur soie) peuvent à la fois étayer la reconstruction de soi à soi et permettre des occasions fructueuses de contacts humains.
Le goût de soi
Enfin, et c’est souvent le troisième temps thérapeutique de la mise au travail, la solitude peut être goûtée, appréciée, recherchée pour ce qu’elle est : un temps de rencontre avec soi, en ce compris ses manques et ses frustrations. Une conversation bienveillante avec soi-même, initiée dans le tête-à-tête bienveillant mené avec le thérapeute, et poursuivie ensuite dans le quotidien de nos patients qui ont pris peu à peu l’envie de se connaître et de s’écouter.
La séance reste une séance
Finalement, la séance reste donc bien un temps thérapeutique qui ne remplace aucunement la vie sociale et le thérapeute veillera donc à tenir son cadre pour maintenir la différence essentielle entre une conversation entre amis et une consultation psychologique. L’espace-temps du cabinet servira bien sûr à mettre au travail cette souffrance sociale, mais sans jamais se confondre avec elle, ni chercher à compenser l’une par l’autre.
DB, psychologue
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