Expert psychiatre : éclaireur des juges
La justice moderne prend en compte l’état de santé de la personne accusée. Elle s’intéresse aux aptitudes de celle-ci et au principe de « bonne santé mentale » qui légitime la capacité d’une personne ou non. Pour cela, elle a de plus en plus recours à des spécialistes tels que des psychologues ou des experts psychiatres. Au Guide Social, on a voulu savoir le rôle que jouaient ses experts et en quoi leur diagnostic était crucial pour le jugement de certaines affaires.
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La psychiatrie, la criminologie, la justice. Une trinité qui, à elle seule, nous abreuve d’un hourvari d’images, de maux et de fantasmes nourrissant notre imaginaire autour de cette profession. Lorsqu’on parle d’imaginaire concernant les experts psychiatriques, nous pensons forcément à cette construction culturelle que nous a servi le septième art. Celle en image sépia, terne, froide où l’atmosphère est pesante. Où les experts sont perçus comme des acteurs principaux des affaires judiciaires. Un imaginaire fantasmé, tissé comme la plus belle des dentelles. Un tissage marchant parfaitement. Cependant l’imaginaire reste l’image sublimée de notre regard. Elle est une vérité vraie le temps d’un instant. Le Docteur Xavier BONGAERTS expert en psychiatrie légale, va nous aider à éclairer la réalité de cette profession.
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De la psychiatrie à l’expertise
Tel Prométhée emmenant le savoir sur terre, les experts psychiatriques permettent d’éclairer un jugement le plus neutrement possible. La neutralité, c’est l’une des premières choses qu’énonce le docteur Xavier Bongaerts « L’expert psychiatre est là pour donner un diagnostique factuel à la demande exigée par la mission des autorités judiciaires », résume-t-il sa mission.
L’expert psychiatre est un psychiatre qui a été reconnu par un juge qui fait appel à lui pour son expertise. Le Procureur du Roi dispose d’une liste d’experts psychiatriques, lesquels sont les plus souvent désignés au cas par cas. « Pour la région de Bruxelles-Wallonie on est à peine une dizaine… » dit-il en soufflant. L’expert psychiatrique n’est donc pas un collaborateur permanent des instances judiciaires qui le désignent. La désignation se fait par courrier ou, dans les cas urgents, par téléphone, auquel cas l’expert sera ensuite notifié par courrier. Il a le plus souvent suivi une formation en criminologie après ses études de psychiatre ou une formation en psychiatrie légale lui permettant de connaitre et maitriser la loi. Cependant, depuis 2015, la loi a évolué pour donner un titre légal aux experts psychiatre tout en les inscrivant sur une liste nationale d’experts. Cependant le statut n’est pas au point est dans les faits rien n’est encore opérationnel. « Par exemple, je n’ai pas été payé en tant qu’expert psychiatre comme l’établit la loi pendant plus de 6 mois à cause des différents problèmes ».
Le Docteur Xavier Bongaerts nous raconte ensuite sa rencontre avec cette particularité de sa profession. De comment à l’âge de 30 il a dû gérer sa première affaire de ce genre : « C’est un hasard de ma carrière qui m’a poussé à interagir dans le cheminement des affaires judiciaires. Et de suite j’ai trouvé cela stimulant et très intéressant surtout que j’avais suivi plus jeune une formation de criminologie. D’ailleurs je suis à mon tour enseignant en criminologie à l’université libre de Bruxelles. »
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Comprendre la déviance de l’accusé
L’expert psychiatre est invité à intervenir seulement dans le cadre de l’article 71 du code pénal qui stipule qu’il n’y a pas délit dès lors que l’auteur se trouvait dans un état de démence ou a été poussé par une force à laquelle il ne pouvait pas résister. Son expertise permet de savoir si l’individu est capable de différencier les notions de bien et de mal.
C’’est l’instance judiciaire qui décide si oui ou non il y a nécessité de désigner un expert. Dans la plupart des pays, selon une étude britannique de Bluglass, il apparait que les experts psychiatriques ne sont désignés que dans 5% des procédures criminelles. Cependant en Belgique, cette désignation fait office de « routine » selon la nature des affaires. « On est habilité à intervenir dans des affaires concernant des homicides, des abus sexuels, incendie volontaire, délits avec violence, récidive, délits étrange ou inhabituel…Là où on ne peut intervenir en termes de problème de santé mentale c’est pour les psychopathes, c’est une chose dont nous ne sommes pas aptes à traiter ». L’expert psychiatre est donc habilité à intervenir et interagir avec la personne à partir de ce postulat-là. La relation est ensuite très succincte et protocolaire : « On demande à la personne de se présenter, en lui demande pourquoi elle est ici. Et ensuite on s’attarde sur son chemin de traverse, les possibles traumatismes, les moments de rejets. On s’intéresse à sa vie. A toutes choses pouvant expliquer cette déviance ».
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L’expert n’est donc pas là pour donner des preuves, ou participer activement au jugement. Son rôle est construit, déterminé, établit avant l’heure. Il doit remplir la mission d’éclairer sur les capacités de l’individu. De savoir si oui ou non il comprend la notion colorimétrique de la justice, à savoir la conscience et la délimitation du bien et du mal. Dans le justice moderne, l’expert psychiatrique est le stradivarius du juge. Un membre fondamental du grand orchestre judiciaire, qui grâce à sa mélodie permet de savoir si oui ou non la personne coupable est apte et en plein conscience de son soi.
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B.T.
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