Un site de l'Agence pour le Non-Marchand
Informations, conseils et services pour le secteur associatif

Pierre-José Marsin : « Quand je me présente en tant que sage-femme, il y a toujours un effet de surprise »

30/08/22 # Sage-femme
Pierre-José Marsin : « Quand je me présente en tant que sage-femme, il y a toujours un effet de surprise »

Le Guide Social a abordé le métier de sage-femme notamment à travers différents portraits. Ces témoignages ont tous un point commun : la personne interviewée est une femme. En effet, l’intitulé du poste est équivoque et l’imaginaire collectif veut qu’à son évocation, on visualise une professionnelle. Cependant, bien que rares, des hommes, aussi, exercent cette profession. Nous en avons rencontré un ! Pierre-José Marsin nous a livré son expérience.

Alors que de gros nuages noirs se forment à l’horizon, annonçant un bel orage de chaleur, nous rejoignons Pierre-José Marsin dans son imposante maison sur les hauteurs de Liège. Avec vue sur son magnifique jardin, nous entamons notre échange autour de la situation peu courante qui nous réunis aujourd’hui : le métier de Pierre-José Marsin. En effet, l’ancien infirmier est sage-femme depuis sept ans à la maternité du CHU de Liège. Il nous raconte ce qu’il se joue auprès de son équipe et des patientes, quand on est un homme dans un métier principalement féminin.

Devenir sage-femme : « Un chemin de vie »

Le Guide Social : Bonjour Pierre-José Marsin. Nous nous rencontrons aujourd’hui afin d’en savoir plus à propos de votre position d’homme dans le métier de sage-femme.

Pierre-José Marsin : Bonjour. Eh bien, oui, j’ai 43 ans. Je suis sage-femme depuis 2015 mais je suis initialement infirmier depuis 2002.

Le Guide Social : Vous avez donc repris des études sur le tard pour devenir sage-femme.

Pierre-José Marsin : Oui car j’ai toujours voulu faire ça. J’ai fait le choix d’être infirmier pour le panel de champs d’activités et de spécialisations qu’offre le métier. A l’occasion d’un stage en 3ème, j’ai touché à la maternité et le contact s’est vraiment très bien passé. Je me suis retrouvé à 20 ans à devoir faire des soins très intimes et j’ai été accueilli de manière très positive. C’est une option que je n’avais jamais envisagée mais qui à ce moment-là, m’est apparue comme possible.

Le Guide Social : Et pourquoi avoir attendu 11 ans ?

Pierre-José Marsin : A la fin de mes études, j’avais vraiment besoin de travailler. Je n’avais pas la possibilité de faire deux années d’études supplémentaires. Ainsi, j’ai travaillé essentiellement en blocs opératoires mais toujours avec l’idée de la maternité en tête. A l’occasion d’une remise en question à un moment de ma vie, j’ai sauté le pas et j’ai repris les études afin de devenir sage-femme. Après l’acquisition du diplôme, je n’ai pas exercé tout de suite car j’attendais d’avoir une place dans une institution qui me plaisait. Grâce aux stages, je savais dans quelles structures je voulais travailler et surtout celles dans lesquelles je ne voulais pas. Je suis donc retourné au bloc opératoire pendant deux ans, le temps qu’une place se libère. Ainsi, en 2017, j’ai intégré l’équipe de la maternité du CHU de Liège.

Le Guide Social : Que pouvez-vous nous dire de vos études ?

Pierre-José Marsin : Alors là, tout a roulé. Je n’ai jamais eu aucun souci, je me sentais totalement à ma place. Ces deux années ont été magique. Il y a eu des remises en question, des hauts et des bas bien sûr mais toujours pour avancer. Car oui, un homme sage-femme qui reprend des études ça interpelle. J’ai senti qu’il fallait que je fasse ma place et qu’il y avait un travail supplémentaire à réaliser pour avoir la confiance de l’équipe. Mais cela passe très vite. Après quelques jours, elles ont compris que je prenais ça très au sérieux. C’est mon chemin de vie, alors je plaçais la barre haute. Et je trouvais que c’était une forme de respects pour elles aussi.

« On partage avec les couples des moments très forts et intenses »

Le Guide Social : Et qu’est-ce qui vous a attiré en particulier dans les maternités au sein desquelles vous vouliez travailler ?

Pierre-José Marsin : L’aspect familial car tout le monde se connaît et la bienveillance qui caractérise l’équipe. La bienveillance est indispensable à ce métier car c’est un métier de relations. On ne peut pas considérer la profession de sage-femme sans le relationnel, l’un ne va pas sans l’autre. J’adore cet aspect, les gens me passionnent. C’est ce qu’il me manquait dans mon poste d’infirmier de bloc. Ici, je retrouve les relations dans des moments de vie qui sont privilégiés. On partage avec les couples des moments très forts et intenses. C’est la part du métier que j’adore.

Le Guide Social : C’est l’accompagnement des couples qui vous plait, en somme.

Pierre-José Marsin : Exactement. Je dis toujours que l’accouchement n’est pas forcément mon but en soi, c’est vraiment tout ce qu’il y a avant : les heures à accompagner le couple dans le processus jusqu’à l’accouchement.

Le Guide Social : A quoi ressemble votre emploi du temps ?

Pierre-José Marsin : Alors moi, je fais essentiellement du bloc accouchement et de la néo-natalité. Quand je suis en pause d’accouchement, j’accompagne les couples pendant huit heures dans leur admission, le travail, les symptômes… En néo-natalité, je réalise des soins pour les nouveaux nés qui restent primaires car pour les soins plus importants, on les transfère vers des services où l’on peut réaliser des soins plus intensifs.

Le Guide Social : Comment s’est passé votre arrivé au sein de l’équipe ?

Pierre-José Marsin : Très bien car le métier de sage-femme est un travail collectif. Nous allons tous et toutes au front pour aider une sage-femme en difficulté, pour faire face à des situations difficiles. Je trouve ça incroyable. Je ne pourrais plus me passer de ça. Quand on sait que l’on a 50 sage-femmes derrière nous, qui nous soutiennent, vers qui on peut se tourner si l’on a un problème, ça n’a pas de prix. Humainement c’est vraiment fort !

Le Guide Social : Ce qui est très différent de votre expérience d’infirmier ?

Pierre-José Marsin : Le travail en bloc est très subdivisé. On va avoir des spécialités en chirurgie générale, orthopédique, ophtalmique… Dès le départ, il y a une sorte de scission avec des petites équipes. On travaille en association mais on ne partage pas les mêmes expériences. A la maternité, il y a aussi différentes sections mais on fait tous et toutes un peu de tout. Cette polyvalence crée l’union.

« Je considère mes collègues comme ma deuxième famille »

Le Guide Social : Dans votre équipe de 50 sage-femmes, vous êtes le seul homme. Quels souvenirs gardez-vous de votre arrivée, votre intégration ?

Pierre-José Marsin : Cela a beaucoup interpellé au début car elles n’avaient jamais travaillé avec un homme de toute leur carrière. Les premières semaines, j’ai senti comme de la méfiance. J’entrais dans une pièce et elles s’arrêtaient de parler. Et finalement, c’est comme toutes les relations. On partage des choses, des expériences et alors on apprend à se connaître et toutes les barrières se sont envolées. Aujourd’hui, je me sens complétement comme faisant partie de l’équipe. Je considère mes collègues comme ma deuxième famille, vraiment. Je dors 8h, je travaille 8h et je suis avec ma famille 8h… Et je le dis toujours, si professionnellement je suis épanoui, c’est grâce à elles car elles ont su générer en moi toute la confiance et le professionnalisme que je peux déployer à 200%. Et j’apprends encore tous les jours. Ce métier est d’une richesse qu’on ne peut s’imaginer ! Et les découvertes quotidiennes sont l’objet d’échanges et de partages de connaissances.

Le Guide Social : La communication est donc au centre de l’esprit d’équipe.

Pierre-José Marsin : Notre métier, c’est de la communication. On parle tout le temps. Par exemple, il y a une chose qui me stresse c’est l’IFI-C car il menace notre équilibre. Du fait, de modifier les revenus en fonction des barèmes, cela peut créer des tensions au sein de l’équipe. Eh bien, ici on en parle beaucoup.

Le Guide Social : Quels conseils donneriez-vous à des hommes qui voudraient faire le même parcours que vous ?

Pierre-José Marsin : Il faut se lancer ! C’est un métier qui permet un enrichissement humain incroyable auprès des collègues et des patientes. On assiste à des choses qui sont exceptionnelles dans la vie des gens. Obtenir leur confiance…c’est tout un travail aussi, d’autant plus quand on est un homme. Quand les couples arrivent et que je me présente en tant que sage-femme, il y a toujours un effet de surprise et je sens que je vais devoir montrer que je suis aussi capable qu’une sage-femme femme. C’est un petit défi en plus car je dois être à 100% de mes capacités tout le temps. Si le couple voit un doute ou une hésitation, je ne serais pas légitime pour la prise en charge.

Le Guide Social : Des couples ont déjà refusé votre suivi ?

Pierre-José Marsin : En 6 ans, j’ai dû faire face à cela 2 ou 3 fois. Dans un premier ça me choquait car c’est de la discrimination de genre. Mais aujourd’hui je me dis que c’est le choix des couples et que leurs croyances leur appartiennent. Cela ne remet pas en question mes qualités et compétences de sage-femme.

Le Guide Social : Pourquoi aimez-vous tant votre métier ?

Pierre-José Marsin : C’est pour la richesse humaine vraiment. Je rencontre beaucoup de catégories de personnes et je ne m’en lasse pas.

Propos recueillis par A.Teyssandier

Et pour aller plus loin :

[Regardez]

[Ecoutez]


 La totalité du podcast d’Aline, sage-femme
[Découvrez les fiches métiers dédiées à la profession de sage-femme] :
 Tout savoir sur le métier de sage-femme
 Quelle formation pour devenir sage-femme en Belgique ?
 Sages-femmes : de plus en plus de spécialisations
 Quel est le salaire d’une sage-femme en Belgique ?
[Découvrez des témoignages de sages-femmes] :
 "Quand je suis témoin d’une naissance, j’ai des papillons dans le ventre "
 Fabienne Richard, sage-femme : portrait d’une militante anti-excision
 "Il faut avoir des sages-femmes bien dans leurs baskets !"
[Découvrez les autres professions du secteur psycho-médico-social] :
 Les témoignages
 Les fiches métiers



Ajouter un commentaire à l'article





« Retour