Un site de l'Agence pour le Non-Marchand
Informations, conseils et services pour le secteur associatif

Rencontre avec Anne, accompagnatrice énergie au sein de la FdSS

Rencontre avec Anne, accompagnatrice énergie au sein de la FdSS

Malgré les aides sociales, la hausse des prix de l’énergie est synonyme d’appauvrissement d’une partie de la population, en particulier de celle déjà précarisée. La question de la consommation d’énergie devient alors centrale. Pour soutenir les travailleurs sociaux qui interviennent auprès de ces usagers, l’équipe de la CASE de la FdSS forme, crée des outils et rédige des plaidoyers pour rendre compte de la situation. C’est ce que nous a raconté Anne Delvaux, accompagnatrice énergie depuis six ans.

Depuis un an, la population est impactée par une inflation historique. Les factures d’électricité et de gaz ont connu une hausse conséquente, plongeant des personnes déjà précarisées dans une situation financière encore plus difficile. Cette précarisation, souvent combinée à celle de logements énergivores, se répercute au-delà des portefeuilles par le déploiement de comportements dangereux comme l’utilisation de poêles non-homologués ou le développement de maladies dues à l’humidité d’un habitat mal chauffé.

L’intervention de soutien et de prévention des travailleur.se.s sociaux.ales est alors indispensable mais rendue difficile par un manque de connaissances à propos des aides et procédures spécifiques au domaine de l’énergie. C’est à cet endroit, entre autres, qu’intervient Anne Delvaux, accompagnatrice énergie au sein de la FdSS (Fédération des Service Sociaux) depuis six ans.

D’assistante sociale à accompagnatrice sociale énergie, elle nous raconte son parcours et son métier.

 Lire aussi : Reconversion professionnelle : "Mon job ? Conseillère en prévention à l’ONE !"

De la première à la deuxième ligne

Après un bachelier d’assistante sociale et un master en sciences du travail, orientation développement social, Anne Delvaux exerce au sein d’une AMO (Aide en Milieu Ouvert) dans les Marolles, en tant qu’assistante sociale, pour ensuite intervenir sur des projets de rénovation en Wallonie  : «  J’accompagnais alors les habitants de quartiers sociaux autour des projets de rénovation que je complétais par un travail de recherche à propos des souhaits de changements des habitants.  »

Après quatre ans dans le quartier marollien, elle rejoint le CAFA (Centre d’Accompagnement et de Formation pour Adulte) du CPAS de Saint-Gilles puis du service de médiation de dettes, qu’elle a coordonné pendant six ans  : « Au bout d’un moment, j’ai eu envie de voir autre chose, de rejoindre la seconde ligne. Forte de mes constatations de terrain, j’ai ressenti le besoin de créer des outils pédagogiques, de former les travailleurs et d’interpeller le politique.  »

C’est ainsi, qu’en 2016, elle rejoint le CASE (Centre d’Appui Social Énergie) de la FdSS, en tant qu’accompagnatrice énergie.

Le CASE, qu’est-ce que c’est  ?

Le Centre d’Appui Social Énergie (gaz, électricité et eau) est un centre régional, créé en janvier 2011 avec le soutien du Ministre de l’Energie de la Région bruxelloise et de Bruxelles Environnement. L’équipe pluridisciplinaire qui le compose compte des conseillers juridiques, une chargée de mission en communication, des chargés de mission en stratégie et plaidoyer, des accompagnateur.rice.s énergie et des conseillers techniques. Il a pour mission de répondre aux questions et besoins des travailleur.se.s sociaux.ales de première ligne à propos des questions socio-énergétique et socio-hydrique.

Le centre leur propose une permanence téléphonique et e-mail, des formations autour des nouvelles législations, des aides financières et des aspects techniques et sociaux mais aussi aux outils pédagogiques créés par les travailleur.se.s du CASE utiles à l’animation de groupes  : «  Certain.e.s travailleur.se.s sociaux.ales souhaitent animer des groupes d’usager.ère.s afin de les sensibiliser à la consommation d’énergie. Nos outils actualisés leurs permettent d’apporter les informations nécessaires. Il est également possible de les accompagner lors des animations.  »

 Lire aussi : Accompagnateur social : un métier varié et passionnant

Un poste multi-facettes

Forte de son expérience en tant qu’assistante sociale couplée à une formation technique, Anne Delvaux accompagne quelques particuliers lors de visites à domicile  : «  On fait le tour du logement, on écoute les problématiques, on teste les compteurs, on constate les fuites, on vérifie les droits auxquels la personne a droit, on aide à rédiger un courrier et on réalise un travail de repérage d’intervenants pour définir un plan d’action. Pour des cas plus techniques, on peut demander à notre technicien de venir avec nous.  »

En plus des permanences, des formations et des accompagnements sur mesure, les accompagnateur.rice.s énergie peuvent jouer le rôle de modérateur.rice.s au sein de projets énergétiques impliquant des groupes de citoyen.ne.s, des ASBL et des sociétés de logements. Elle nous livre l’exemple d’un projet d’installation de panneaux solaires dans un quartier de Saint-Gilles (Bruxelles) porté par une de ses collègues.

En collaboration avec l’ASBL City Mine(d), qui a pour but la réappropriation de la ville par les habitant.e.s, elle a accompagné un groupe de Saint-Gillois.es dans sa communication avec la société de logements sociaux Foyer du Sud autour de l’installation des panneaux solaires et de la redistribution de l’électricité : «   On part des ressources des habitants et on cherche ensemble des réponses. Cette mission permet de créer du contact, des relations entre les habitants et la société de logements sociaux, dans l’objectif de transmettre une méthodologie plus collective et solidaire.  » Deux groupes de la sorte sont accompagnés chaque année pour le CASE.

Anne Delvaux complète : « Toutes les six semaines, nous animons un réseau de vigilance avec les travailleurs sociaux (CPAS, maisons médicales...) en lien avec l’accès à l’énergie. Une autre mission consiste à la rédaction de plaidoyers et de cartes blanches pour la presse. Il est important pour moi de faire remonter les constats du terrain aux politiques pour que les décisions soient prises en connaissance de cause. »

«  Une journée type  ? Cela n’existe pas !  »

Quand on lui demande de nous exposer une journée type, elle rit et répond spontanément  : « Une journée type  ? ça n’existe pas  ! Quand on est en permanence, les questions vont dans tous les sens même si le point de départ, c’est la facture. Qu’en est-il du tarif de l’énergie  ? Quand y a-t-il un risque de coupure d’énergie, quelles sont les démarches à connaître  ? Et en fonction des demandes, soit on apporte une réponse immédiate, soit on doit faire un travail d’analyse.  »

Les journées sont rythmées par le flot des différentes missions attenantes au poste d’accompagnatrice énergie qui, on le ressent tout au long de notre échange, produit un réel engouement chez Anne Delvaux : « Ce service de deuxième ligne m’apporte la possibilité d’aller beaucoup plus loin dans mes connaissances grâce à un rythme moins soutenu que celui de la première ligne. Je dois répondre à des questions assez pointues et mettre à jour mes connaissances continuellement. On pense avoir fait le tour des situations mais il y a toujours des choses nouvelles à appréhender et l’équipe pluridisciplinaire représente un réel soutien dans l’apport de réponse éclairées. Plusieurs cellules composent la FdSS (recherches, aide alimentaire...) qui nous permettent d’appréhender d’autres réalités, de lire le travail des chercheurs et d’interroger nos pratiques.  » Elle ajoute  : «  C’est un métier diversifié, touche-à-tout qui demande des connaissances sociales, juridiques et techniques. Et surtout, il touche un besoin et un droit fondamental  : l’accès à l’énergie. Je trouve donc du sens à ce que je fais au quotidien.  »

 Lire aussi : Accompagnatrice sociale : "Voici pourquoi j’aime mon métier !"

Une crise énergétique révélatrice d’une précarité installée depuis longtemps

Comme elle le précise, le travail de terrain, au travers des visites à domicile, se confronte à une précarité du logement parfois émotionnellement forte. Anne Delvaux nous confie  : «  Après autant d’années, je suis toujours touchée par les situations dans lesquelles se trouvent les personnes. Les conditions de logement sont parfois vraiment difficiles et les personnes n’ont aucune prise sur leur situation car elle relève souvent d’une question de rénovation, origine des problématiques.  »

La crise énergétique et l’augmentation de son coût attachée impactent le nombre de cas de précarité. En conséquence, les douze employé.e.s qui composent le CASE observent un accroissement des sollicitations de la part des travailleur.se.s sociaux.ales :  «  On s’en sort mais la charge de travail est plus importante. On reçoit de plus en plus de demandes d’accompagnement de travailleurs sociaux qui veulent sensibiliser leurs usagers à la consommation d’énergie et aux différentes manières de faire des économies.  »

Pour l’accompagnatrice énergie, cette crise est révélatrice d’un problème de logement qui existe depuis de nombreuses années. Problématique qui se répercute bien au-delà d’une facture impossible à payer. Anne Delvaux pointe  : «  Le problème de logement est bien présent à Bruxelles. Or, avec la crise énergétique, on culpabilise les gens. On leur dit de réduire la consommation, que c’est collectivement qu’il faut faire attention. Mais quand vous vivez dans un logement mal chauffé, cela entraîne des dégradations de l’habitat, des maladies ou des comportements dangereux comme l’utilisation de poêles à pétrole. Il y a un fossé entre ce qui est vécu et le discours de faire des économies à tout prix.  »

A. Teyssandier

[Découvrez les autres professions du secteur psycho-médico-social] :
 Les témoignages
 Les fiches métiers

Savoir plus :

A noter  : Il existe également une antenne wallonne, Énergie Info Wallonie, qui réalise aussi des formations, des plaidoyers et dont les permanences sont à destination des particuliers.




Ajouter un commentaire à l'article





« Retour