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Rencontre avec Frédéric, directeur de communication à l’hôpital

Rencontre avec Frédéric, directeur de communication à l'hôpital

En 2018, Frédéric Dubois, alors âgé de 40 ans, décide de quitter le monde du journalisme pour devenir directeur de communication de l’Intercommunale de Santé Publique du pays de Charleroi. Dans cet entretien, le Carolo revient sur l’importance du métier de communicant dans le milieu de la santé, surtout en période de pandémie.

Au bout d’une heure d’entretien avec Frédéric Dubois, on ne fait même plus attention à son téléphone qui n’arrête jamais de sonner. «  Excusez-moi  ! Mon travail c’est aussi ça...  », commente le Carolo en faisant taire une nouvelle fois la sonnerie qui résonne. Et dire que cet ancien journaliste craignait de s’ennuyer quand, en 2018, il a pris le poste de directeur de communication de l’Intercommunale de Santé Publique du pays de Charleroi (ISPPC). Aujourd’hui à la tête d’une équipe de cinq personnes, il l’assure  : «  aucune journée ne se ressemble  ».

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"On dit souvent que les anciens braconniers font les meilleurs garde-chasses"

Le Guide social  : Pourriez-vous nous raconter votre parcours  ?

Frédéric Dubois  : Je suis licencié en journalisme et communication de l’ULB. J’ai travaillé pendant 17 ans comme chroniqueur judiciaire et fait-diversier pour différents médias comme La Nouvelle Gazette, la DH, Le Soir, Vers l’avenir, Télésambre... C’était du 7 jours/7 et 24h/24.

Parallèlement, j’ai fondé une société de vidéos d’entreprises avec deux collaborateurs. Je m’occupais plutôt de la partie scénario et administrative.

Au bout de 17 ans à être en standby tout le temps et avec un avenir de la presse peu joyeux (on s’attendait à des regroupements), je me suis dit à 40 ans qu’il fallait penser à se recaser.

Quelques années avant, j’avais déjà été intéressé par le poste de directeur de communication au sein de l’ISPPC, mais je n’avais pas postulé. Quand l’occasion s’est représentée j’ai sauté dessus.

Je ne voulais pas forcément arrêter le journalisme mais je voulais une certaine sécurité. En tant qu’indépendant, pour gagner ma croûte je devais souvent sortir du journalisme pur et dur. Le confort du salariat m’attirait et les avantages que j’ai en tant que directeur sont intéressants.

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Le Guide social  : Pourquoi avoir choisi le secteur de la communication et de la santé ?

Frédéric Dubois  : C’est le parcours de beaucoup de journalistes qui décident de quitter le métier et passent de l’autre côté du miroir. On dit souvent que les anciens braconniers font les meilleurs garde-chasses. Effectivement, en tant que communicant.e, on sait ce que les journalistes veulent, quelles sont leurs contraintes... Cela aide beaucoup. Puis, j’ai gardé tous mes contacts. Je suis toujours président de la maison de la presse de Charleroi, je connais les journalistes de la région.

Aussi, j’ai toujours baigné dans le milieu de la santé  : mon père est kiné, ma belle-mère gynécologue. Je trouve que c’est valorisant et plus humain que de travailler pour Coca-cola, par exemple.

"L’objectif est avant tout d’améliorer l’image de marque de l’ISPPC qui est une grosse machine"

Le Guide social  : Qu’avez-vous gardé de votre précédente expérience qui vous sert aujourd’hui ?

Frédéric Dubois  : Tout l’aspect vidéo car on en fait beaucoup en interne pour les réseaux sociaux. D’ailleurs, quand je suis arrivé j’ai tout de suite complété mon équipe avec un spécialiste de l’audiovisuel.

Ensuite, j’ai gardé le contact relativement facile avec les gens, le côté humain. La volonté de vouloir apprendre de nouvelles choses, on est toujours curieux quand on est journaliste. Je reste aussi réactif  : je saute sur la balle tout de suite et les journalistes qui me contactent ont rapidement les infos. Enfin, je continue d’écrire, notamment pour le magazine interne pour lequel je rédige les deux tiers du contenu. Je garde de ce côté scribouillard.

Le Guide social  : Quelles sont vos missions en tant que directeur de communication ?

Frédéric Dubois : Je suis responsable d’une équipe de cinq personnes qui gèrent la communication interne et externe de l’intercommunale. Concrètement, cela passe par les réseaux sociaux, le site internet, un journal interne publié quatre fois par an à 3.000 exemplaires, la communication d’informations à destination du personnel via l’intranet ou encore une newsletter hebdomadaire. Et personnellement, je m’occupe des relations avec les médias.

L’objectif est avant tout d’améliorer l’image de marque de l’ISPPC qui est une grosse machine  ! Cela représente 6000 personnes, cinq hôpitaux, une dizaine de polycliniques, un pôle enfance et adolescence important, sept crèches, trois maisons de repos... C’est très vaste et très varié au niveau du public cible et du personnel. En interne, les employé.es ne se rendent pas toujours compte ce qui est fait et pourtant ils/elles doivent être au courant car ce sont eux/elles les meilleur.es marketeurs de leur entreprise.

Le Guide social  : Pourriez-vous nous raconter une journée-type  ?

Frédéric Dubois  : Il n’y a pas vraiment de journée-type car il n’y a pas une journée qui ressemble à une autre, et c’est ce qui est chouette. Généralement, je commence en triant les mails du public, pour réorienter les demandes.

Ensuite, avec l’équipe nous cherchons des idées pour le community management. Nous produisons une cinquantaine de vidéos par an, pour lesquelles il faut préparer le tournage, le montage et la diffusion. Nous essayons de les raccrocher à une actualité.

Pour la presse, il y a quelques événements qu’on peut anticiper comme le premier bébé de l’année, les périodes d’allergies ou quand il y a une actualité. Sinon, on ne sait pas vraiment quand on va nous contacter.

En fonction de l’actualité d’un service ou d’une certification qu’on obtient, il faut aussi lancer un communiqué de presse et gérer la presse derrière.

Nous nous occupons également de l’organisation d’événements que ce soit dans les services ou la grande fête du personnel une fois par an au Spiroudome. Je travaille beaucoup avec les ressources humaines aussi : on crée des visuels pour les offres d’emploi qu’on publie sur les réseaux sociaux, on les aide pour les salons de l’emploi pour les goodies, la décoration du stand, pour faire la publicité aussi sur leur présence au salon.

J’ai aussi des demandes régulières de société de production cinématographique qui recherchent des hôpitaux pour tourner des scènes. Récemment, il y a eu Dany Boon, Kad Merad et Charlotte Gainsbourg qui sont venu.es tourner une journée à Marie Curie.

Enfin, il y a des missions à plus long terme comme le rapport annuel ou le magazine Pulsations tous les tous les 3 mois.

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"En cas de crise, la communication est l’un des piliers fondamentaux"

Le Guide social  : Pourquoi votre métier est-il important dans la vie des hôpitaux ?

Frédéric Dubois  : La communication a un côté rassembleur  : c’est en communiquant qu’on crée une équipe. Mais les managers n’ont pas toujours le temps de communiquer avec la même efficacité, aussi bien sur les aspects positifs que négatifs. Et avec une équipe de 6.000 personnes, si on n’a pas de moyens et une stratégie, cela ne peut pas fonctionner.

De même, souvent les managers ne sont pas préparé.es aux crises médiatiques, notamment. Ils/elles ne savent pas comment réagir et préfèrent se taire, ce qui est pire que tout. Ou bien, ils/elles peuvent mal communiquer, en étant sur la défensive et en cherchant des excuses qui sont parfois démontées. Dans ce cas, on passe en sur-crise.

En cas de crise, la communication est l’un des piliers fondamentaux. Pendant la pandémie, c’était le pôle managérial, le pôle logistique, l’hygiène et la communication.

Le Guide social  : Vous parlez du Covid, comment cette crise a impacté votre travail  ?

Frédéric Dubois  : Je suis arrivé à l’ISPPC en 2018, donc un an avant la pandémie et ensuite cela a été de la communication de crise pendant deux ans.

Au niveau de la communication externe, nous avons été extrêmement sollicité.es. Je recevais trois ou quatre appels par jour de journalistes pour avoir les chiffres des cas Covid ou encore des demandes de tournage dans les soins intensifs. Nous étions très ouvert.es à ce sujet car nous voulions montrer ce qui se passait.

En interne, lors des premières vagues, il a surtout fallu rassurer le personnel sur la disponibilité du matériel, l’implication de la direction et les encourager. Facebook a été un bon moyen de communication avec le personnel. Le nombre de membres a quadruplé à ce moment-là. Personnellement, je prends souvent la parole sur ce groupe et pendant la pandémie le directeur général intervenait souvent avec des mots d’encouragement, des bonnes nouvelles et pour répondre aux questions afin de couper court rapidement aux rumeurs. À ce moment-là, on entendait tout et n’importe quoi.

Le Guide social  : Chasser les rumeurs, c’est ce qui a été le plus compliqué pendant le Covid  ?

Frédéric Dubois : Oui, il y avait tellement de choses qui circulaient dans les médias parce que on était dans l’inconnu. Il fallait vraiment recentrer les gens sur l’essentiel, les rassurer et leur donner des explications. Ne rien cacher et être clair, c’est un principe de la communication  ! Les mensonges finissent toujours par sortir et ensuite c’est le rétropédalage, c’est la pire des choses.

"Être sur le terrain permet de parler avec les employés de leurs soucis, des difficultés rencontrées et de les faire remonter à la direction parce que la communication ne va pas que dans un sens"

Le Guide social  : Qu’est-ce qui est resté au niveau de la communication après la pandémie  ?

Frédéric Dubois : Avec cette crise nous avons mis en place de nouveaux canaux de communication avec le personnel ou remis en route certains qui étaient tombés en désuétude, comme la newsletter.

À mon arrivée, ce n’est pas une bonne période pour l’ISPPC. Il y avait des problèmes notamment de nature politique avec l’ancienne direction qui était déjà partie quand j’ai commencé.

La nouvelle direction a tout nettoyé au fur et à mesure mais il restait de vieux squelettes dans les placards. Le personnel était désabusé et l’ISPPC ne jouissait pas d’une bonne réputation auprès du public. Rapidement il a fallu travailler là-dessus et en un sens la pandémie a permis de retrouver une certaine solidarité. C’est peut-être le seul avantage de cette période-là.

De mon côté, cela a permis d’accélérer mon travail en interne. Très vite, j’ai été connu par l’ensemble du personnel car j’intervenais à la télévision, j’étais très actif sur les réseaux sociaux internes et j’allais les voir régulièrement sur le terrain.

Le Guide social  : Etes-vous souvent en contact avec l’équipe et le public  ?

Frédéric Dubois : Oui car j’aime aller sur le terrain, plutôt que de faire les choses par téléphone. En quatre ans j’ai bien fait le tour de l’ensemble des services.

Être sur le terrain permet de parler avec les employé.es de leurs soucis, des difficultés rencontrées et de les faire remonter à la direction parce que la communication ne va pas que dans un sens.

Par exemple, juste avant la pandémie, des infirmier/ères de nuit s’étaient plaints du fait qu’ils/elles se sentaient un peu délaissé.es. J’ai convaincu mon chef de faire le tour des hôpitaux et quatre ou cinq nuits nous sommes allés à leur rencontre, sur le terrain.

Ces contacts me permettent aussi d’avoir des oreilles partout car je ne peux pas être sur les 70 sites de l’ISPPC en permanence. Certain.es me contactent via Facebook ou m’appellent.

En revanche, je suis moins en contact avec le public car je n’interviens pas dans la relation soignant.e - patient.e. Toutefois, on est tou.te.s patient.es à un moment dans sa vie donc je suis tous les jours en contact avec mon public cible.

"Dans le milieu hospitalier, il y aura tout le temps de nouvelles choses à apprendre"

Le Guide social  : Qu’est-ce qui vous plait aujourd’hui dans votre métier  ?

Frédéric Dubois : Ce qui me plait surtout, c’est de découvrir un nouvel univers avec des centaines de nouvelles informations. Maintenant, nous allons vers l’intelligence artificielle et je vais encore apprendre de nouvelles choses.

C’est quelque chose qui est intarissable dans le milieu hospitalier parce que la médecine avance tout le temps. Il y aura tout le temps de nouvelles choses à apprendre.

Le Guide social  : Quelles sont les qualités indispensables selon vous pour exercer ce métier ?

Frédéric Dubois : Je pense qu’il faut toujours être empathique. Il faut toujours se mettre à la place des gens vers qui on communique, que ce soit le personnel ou le public cible. Il faut essayer de comprendre leurs attentes, leurs problèmes et répondre vite à leurs inquiétudes.

Il faut également être réactif avec la presse. En général, un.e journaliste qui cherche un.e médecin lance plusieurs filets et c’est le premier qui remonte qu’il/elle va pêcher. En interne, je dois donc savoir qui sont les personnes ressources qui vont être disponibles rapidement et qui vont bien parler car tout le monde n’est pas capable de parler devant une caméra.

"J’ai eu plusieurs fois les larmes aux yeux de voir la solidarité au sein du personnel"

Le Guide social  : Est-ce qu’il y a un moment qui vous a marqué depuis que vous avez commencé ?

Frédéric Dubois : Il y en a eu tellement pendant la pandémie  ! J’ai eu plusieurs fois les larmes aux yeux de voir la solidarité au sein du personnel. Des ateliers couture se sont mis en place chez nous et des gens venaient coudre des masques après le travail. C’était assez poignant.

Un autre moment important a été la toute première grande fête du personnel que nous avons organisée en janvier 2020. C’était la première fois qu’on organisait quelque chose d’aussi vaste. Ensuite, j’ai été une véritable star  !

Le Guide social  : Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent se lancer dans ce métier  ?

Frédéric Dubois : De conserver une certaine empathie et de ne jamais prendre les gens de haut.

De plus, tout le monde pense pouvoir faire de la communication mais c’est du travail préparé longtemps en amont. Il faut une vision à long terme et ne pas seulement répondre aux demandes au jour le jour.

Il faut se tenir au courant des technologies car tout bouge extrêmement vite, il y a régulièrement de nouveaux moyens de communication régulièrement.

Le secteur de la santé est aussi compliqué au niveau humain. Les patient.es viennent rarement de gaieté de cœur. Il faut donc pouvoir expliquer ce qui se passe, les contraintes du personnel et le fait que la médecine n’est pas une science exacte. Il y a encore des gens qui décèdent et on ne sait pas pourquoi.

Caroline Bordecq

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