Un site de l'Agence pour le Non-Marchand
Informations, conseils et services pour le secteur associatif

Tanguy, ambulancier : « Mon métier ? C’est le plus beau du monde ! »

26/05/25
Tanguy, ambulancier : « Mon métier ? C'est le plus beau du monde ! »

À la tête de l’ASBL Ambulance-Prévention-Secours, Tanguy Fontaine cumule trois décennies d’expérience sur le terrain. Loin des images spectaculaires associées aux sirènes et à l’urgence, il nous ouvre les portes d’un métier profondément humain, exigeant, et souvent mal compris. Entre passion intacte, réalités logistiques et récits de terrain, il raconte sans fard un quotidien où chaque mission compte.

À Rumes, dans la région de Tournai, un grand garage abritant plusieurs camions d’ambulances sert de base à l’ASBL A.P.S (Ambulance-Prévention-Secours). À l’entrée du hangar, dans une petite pièce, des talkies sont suspendus sur une étagère, grésillant des bribes de conversation : « Au niveau de La Louvière, ça coince, il y a 50 minutes de bouchon. » Quelques mots qui donnent immédiatement le ton : ici, l’entraide et la convivialité sont reines. À la tête de l’ASBL depuis 2018, Tanguy Fontaine cumule aujourd’hui 30 ans d’expérience. Et l’étincelle est toujours là, intacte, dans son regard – celle de ceux qui n’ont jamais cessé d’aimer leur métier.

« Je ne m’arrêterai pas. Il est hors de question que je change de métier. J’aime ce que je fais et je ne ferai pas autre chose, c’est sûr, je finirai dans ce métier », assure-t-il.

Lire aussi : Tous les témoignages de professionnels et professionnelles de la santé et du social

Un premier pas presque par hasard

À 18 ans, Tanguy ne sait pas encore où il va : « Le parrain de ma mère était adjudant pompier à Péruwelz et il était un peu chagriné que personne ne reprenne la relève. A l’époque, je cherchais du boulot. C’est de cette façon que j’ai commencé ce métier ». Sans vraiment le prévoir, ce choix va orienter toute sa carrière.

Il entame alors une formation d’une année à l’académie de Jurbise. « Une des meilleures du pays, sans hésiter. Jurbise a la réputation d’être très bourre-crâne parce qu’on doit apprendre très vite mais le résultat est très bon. » À l’époque, la formation dure un peu plus de six mois, à raison de trois à quatre cours par semaine. Aujourd’hui, elle s’étale sur environ un an, stages, examens et mémoire compris. Pour lui, le principal manquement reste l’aspect pratique : « Les cours sont beaucoup trop théoriques. La réalité du terrain est toute autre. Par exemple, il n’y a aucune formation à la conduite prioritaire. On nous montre une ambulance de loin et c’est tout. » Malgré ces limites, il continue d’accueillir de bon cœur dans sa structure des stagiaires venus de cette école.

De salarié à chef d’entreprise… sans jamais quitter le terrain

L’histoire de Tanguy ne s’arrête pas là. Après 11 années en tant que pompier puis 12 années en tant qu’ambulancier à la Croix Rouge, une opportunité inattendue se présente : « L’ASBL existe depuis 2015 avec comme directeur jusque-là, mon ancien patron. En 2018, pour des raisons qui lui sont propres, il décide d’arrêter. J’avais les finances pour acheter le matériel ». Il reprend donc l’ASBL.

Au départ, elle compte une ambulance et deux personnes. Aujourd’hui, les ambulances sont au nombre de 7 et les véhicules adaptés au transport de personnes à mobilité réduite (PMR) au nombre de 8. Le succès est au rendez-vous : « On a travaillé dur, très dur. En basse saison, on est une trentaine d’ambulanciers et en haute saison, avec les volontaires, on monte à 75. On tourne à un chiffre d’affaires d’un million et demi par an. »

Un métier méconnu, parfois mal compris

Il faut savoir que APS, comme son nom l’indique, intervient principalement dans le domaine des transports non urgents, mais assure également une présence active lors d’événements festifs et sportifs dans le cadre de la prévention. Sur demande ponctuelle, les pompiers peuvent aussi faire appel à ses services, notamment lorsque leur propre ambulance équipée d’un brancard se trouve indisponible, en panne ou en entretien. APS, disposant également d’une ambulance brancardée, est ainsi appelée en renfort pour assurer la prise en charge dans ces situations.

Tanguy le répète souvent : « Les gens ne connaissent pas notre réalité. Ils croient qu’il n’y a qu’un type d’ambulance alors qu’il y en a deux. » D’un côté, les services d’urgence 112, subventionnés. De l’autre, les ambulances dites ATNUP – ambulance pour transport non urgent de patients – comme la sienne, qui ne reçoivent aucun subside de la part de l’état. « Tout est à nos frais : les véhicules, le personnel, les équipements, le carburant. Alors oui, ça coûte. »

Précisons que le métier d’ambulancier ne se limite pas à la conduite d’une ambulance. En réalité, il englobe une dimension primordiale : celle d’apporter les premiers soins. Comme le souligne Tanguy, « n’importe quelle ambulance chez nous va faire de la réanimation. On a tous nos brevets. »

Des journées qui ne se ressemblent jamais

Il sillonne les routes du Hainaut dès les premières lueurs du jour, comme ses collègues qui se relaient en continu, 24h/24 et 7j/7. Chaque matin démarre sur les chapeaux de roue : dix personnes prennent leur poste, réparties entre deux à trois ambulances classiques et cinq véhicules adaptés aux PMR. Il n’y a pas vraiment de journée type car chaque mission est différente : dialyses, radiothérapies, consultations à domicile, transferts hospitaliers ou encore allers-retours depuis des établissements pénitentiaires rythment leur quotidien. Les premières rotations s’enclenchent entre 5h30 et 6h du matin. Les derniers patients sont souvent récupérés vers 18h, ce qui ramène les équipages aux alentours de 20h à leur base. Et là, pas de repos immédiat : les véhicules doivent être nettoyés et désinfectés. Pendant ce temps, l’équipe de nuit prend le relais, prête à assurer les interventions jusqu’au lendemain à l’aube.

Sur le terrain, les ambulances ne connaissent pas de frontières : si les conventions principales lient l’entreprise aux hôpitaux du groupe Épicura et du Centre Hospitalier de Wallonie picarde, les véhicules interviennent sur l’ensemble de la Belgique francophone. De Mons à Ath, en passant par Mouscron ou même Libramont, les demandes affluent. Parfois, c’est jusqu’à Ostende que l’une des ambulances est appelée.

Une équipe portée par la passion

« Je n’ai pas à me plaindre, on a de bonnes équipes », affirme Tanguy avec fierté. Pour lui, la clé du bon fonctionnement de son ASBL repose avant tout sur la motivation et l’engagement de ses collaborateurs : « Que ce soit une ASBL ou une autre entreprise, si tu n’as pas du personnel qui en veut, ça n’avance pas. Heureusement, on a des gens qui aiment leur métier, ce qu’on ressent tous les jours. »

Son engagement dépasse même le cadre professionnel : « J’ai drillé mon fils quand il était petit », confie-t-il avec un sourire. Aujourd’hui, ce dernier est lui aussi devenu pompier et ambulancier dans la troupe. Dans l’équipe d’APS, la mixité crée une dynamique de travail équilibrée et complémentaire puisqu’elle est composée d’autant de femmes que d’hommes et est également intergénérationnelle avec des membres allant de la vingtaine à 66 ans.

Le poids de l’humain, la force du lien

Quand on lui demande quelles sont ses plus belles expériences en tant qu’ambulancier, Tanguy prend une pause avant de répondre avec humilité : « J’en ai tellement vu… que ce soit en 112 ou en ATNUP, il y a de tout. Mais ce qui reste, ce sont les remerciements. » Pour lui, chaque "merci" sincère, chaque regard soulagé ou sourire rendu à la fin d’un trajet vaut bien plus que n’importe quelle distinction : « Les plus beaux moments, c’est quand les gens disent qu’ils sont contents du transport. C’est simple, mais ça veut dire beaucoup. »

Il se souvient aussi des interventions marquantes du 112 : « Quand tu arrives à récupérer une vie, le sentiment est fort. Tu ne l’oublies pas. » En dehors des urgences, les petits gestes de reconnaissance touchent tout autant : « On reçoit plein de mails de patients, surtout ceux qui ont fait de longues radiothérapies. Quand ils nous envoient une boîte de pralines ou une petite carte, c’est qu’on a vraiment marqué quelque chose. » Pour Tanguy, les plus belles expériences tiennent à cette relation humaine discrète, solide et précieuse, tissée au fil des kilomètres.

Lire aussi : Dans les coulisses du travail de nuit avec une infirmière, un éducateur et un ambulancier

Un métier en constante transformation

L’univers de l’ambulance n’a plus grand-chose à voir avec celui d’il y a trente ans. Tanguy l’explique : « Avant, on jetait vite fait le patient sur le brancard et puis on y allait à fond. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout la même chose. » Le matériel, les véhicules, les techniques, tout a évolué : « On est passés des vieux VW T1 ou T2 d’époque à des Mercedes. » Au-delà des outils, la manipulation des patients s’est transformée. « Avant, on ne nous apprenait pas forcément à réaliser une bonne prise en charge d’une personne. Aujourd’hui, tout est sur-médiatisé, sur-formé pour dire de protéger aussi bien l’ambulancier que le patient et tant mieux. »

Entre patience et empathie, les défis du quotidien

Le métier d’ambulancier ne se limite pas à conduire ou à porter des patients. Il exige une force mentale constante, une véritable capacité à garder son sang-froid dans des situations parfois tendues. Tanguy en parle : « Les horaires, c’est déjà un défi en soi. Mais il y a aussi les patients qui ont un caractère bien trempé. Il faut savoir prendre sur soi, rester calme, parce que ce sont souvent des gens en très grande souffrance. »

Il admet qu’il arrive de tomber sur des patients irrespectueux : « Il faut mordre sur sa chique, comme on dit. L’empathie fait partie de notre métier. » Certains refusent même d’embarquer : « Parfois, on arrive sur place et le patient ne veut pas monter. Il est de mauvaise humeur, a mal dormi… alors on doit appeler l’hôpital, le médecin référent, essayer de le convaincre. Quand il s’agit d’une dialyse, c’est vital. Mais on ne peut pas forcer quelqu’un. » Heureusement, dans 95% des cas, les patients sont conciliants.

Un dernier mot, pour la relève

Aux personnes qui souhaitent devenir ambulanciers et ambulancières, Tanguy a envie de dire : « Faites-le par passion, pas pour les finances. Un ambulancier, ce n’est pas si bien payé que ça, sauf si on fait des heures supplémentaires. » Pour lui, aimer ce métier, c’est aimer profondément les gens, quelles que soient les situations : « On va croiser toutes sortes de personnalités, il faut faire ce métier avec sérieux. Celles et ceux qui pensent le faire juste pour l’uniforme ou pour s’amuser, qu’ils ne le fassent pas. »

Il insiste : « Ce n’est pas un métier comme un autre : il faut l’avoir au fond de soi. Il faut être humble, savoir se remettre en question et surtout, savoir faire passer les autres avant soi. » En y repensant, il ajoute : « Ce métier m’a fait grandir. À 25 ans, j’étais un petit con. À 48, je commence seulement à comprendre certaines choses. » Malgré les difficultés, les sacrifices, il n’échangerait sa place pour rien au monde : « On voit du pays, on rencontre une tonne de gens. Ce métier, c’est le plus beau du monde. »

Pauline Février



Ajouter un commentaire à l'article





« Retour