Dans les coulisses du travail de nuit avec une infirmière, un éducateur et un ambulancier

Céline est infirmière urgentiste depuis plus de 20 ans. Elle travaille de nuit comme de jour depuis le début de sa carrière et elle aime l’ambiance particulière associée aux nuits. Il faut dire que peu importe le boulot, travailler de nuit est radicalement différent que travailler de jour. Joël, ambulancier volontaire et Cédric, éducateur, le confirment.
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Travailler la nuit, c’est évoluer dans un univers à part, où le rythme, les urgences et les interactions prennent une toute autre dimension. Une infirmière, un éducateur et un ambulancier partagent les coulisses de leurs nuits, entre calme apparent, moments d’entraide et situations parfois inattendues.
"La nuit, toutes les peurs et les angoisses des enfants ressurgissent"
Le Guide Social : Concrètement, comment se passe une nuit ?
Cédric, éducateur : Je travaille en aide à la jeunesse, dans un service résidentiel. Les nuits peuvent être très calmes, si tous les enfants dorment bien, tout comme elles peuvent être très agitées, si certains ont des angoisses, font des cauchemars, etc. La nuit, toutes les peurs et les angoisses ressurgissent, que ce soit ce qui est plus profond, mais aussi les difficultés vécues la journée ou les peurs pour le futur. Lorsque nous avons des enfants plus jeunes, les nuits sont souvent des moments critiques. Notre rôle est de veiller et d’apaiser tout ça, mais aussi de démarrer la journée avec eux, en préparant les déjeuners et les départs pour l’école.
Céline, infirmière : Tout dépend de la charge de travail. Si on a peu de patients, on est un peu plus cool, on tamise les lumières, on a moins de monde, on peut vraiment essayer de respecter le sommeil des patients qui sont là. Par contre, si on a une grosse charge de travail, le service ressemble à ce qu’il est la journée, si ce n’est qu’on a moins de ressources, en termes de médecins sur place, de possibilités d’examens, etc. Il y a aussi moins d’appels, d’allées et venues, la vie du service est différente. Les problématiques sont autres aussi, on n’a pas le même public que la journée.
Joël, ambulancier : La nuit, tout est à la fois plus calme et plus intéressant. Les rues sont calmes, tout le monde dort, on a l’impression d’être seuls lorsqu’on roule dans les rues endormies. Et en même temps, le monde de la nuit est différent du monde de la journée, les gens sont différents, les problématiques aussi. On a parfois des choses bien tordues qu’on ne voit pas la journée ! Et aussi des situations plus graves. Lorsqu’on appelle l’ambulance à 3h du matin, c’est souvent qu’on est réellement dans l’urgence.
"Lorsque nous l’avons déposée dans son lit, nous avons vu des larmes couler sur ses joues"
Le Guide Social : Quelle est cette ambiance particulière qui règne la nuit ?
Céline, infirmière : La nuit, même si nous avons parfois une charge de travail complète, le service est plus calme car on n’est pas constamment interrompus par des appels téléphoniques, des allées et venues, etc. C’est un moment propice à tisser des liens entre collègues, on se parle plus, on peut prendre le temps de se poser, de boire un café, de discuter, même en ayant beaucoup de patients, car le reste est plus calme. La nuit, il y a plus d’entraide entre nous. On vit également des situations particulières, avec des personnes qui arrivent avec des choses qu’on ne voit pas la journée, parfois bien cocasses et qui créent des souvenirs aussi entre collègues.
Cédric, éducateur : La nuit, toutes les angoisses et les peurs des enfants ressurgissent et être là, veiller sur eux, les réconforter, les aider à se rendormir ou à s’apaiser, c’est créer un lien fort avec eux, un lien différent de celui qu’on crée la journée. Ils sont à la fois plus forts et plus vulnérables la nuit et nous sommes les témoins de cela. On crée également des liens entre collègues qui sont plus privilégiés, et le lieu, la maison, est plus calme. Ça permet de se poser, de réfléchir, d’investir son travail autrement.
Le Guide Social : Vous auriez des anecdotes à partager ?
Céline, infirmière : On a régulièrement des jeux sexuels qui tournent mal, ce genre de choses.
Joël, ambulancier : A l’époque, je roulais pour la Croix-Rouge et nous étions de garde à notre domicile. Un 24 décembre, alors que j’étais en plein réveillon, nous avons été appelés pour reconduire chez elle une personne atteinte d’un cancer, en fin de vie, et dont l’état se dégradait. Il était pas loin de minuit lorsque nous sommes arrivés chez elle, où toute sa famille l’attendait. Lorsque nous l’avons déposée dans son lit, nous avons vu des larmes couler sur ses joues. Elle est probablement décédée peu de temps après. Elle habitait à Nazareth.
Propos recueillis par MF - travailleuse sociale
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