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A Namur, le centre de diagnostic de l’autisme "a comblé un manque"

02/04/24
A Namur, le centre de diagnostic de l'autisme

Au CEAN - centre d’évaluation autisme Namur - l’équipe est au complet depuis début 2024. Ouvert deux ans plus tôt, il est le cinquième centre de référence pour le diagnostic de l’autisme créé en Fédération Wallonie-Bruxelles, répondant à un manque de services dans la région. A l’occasion de la Journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme, Le Guide Social a rencontré la neuropédiatre Marie Deprez et la coordinatrice de réseau post-diagnostic, Manon Leclaire.

Ouvert depuis 2022, le Centre d’Evaluation Autisme Namur (CEAN) est le cinquième (et le plus récent) centre de référence pour le diagnostic de l’autisme créé en Belgique francophone. Il accueille les jeunes de 0 à 18 ans.

Composée de neuropédiatres, pédopsychiatres, psychologues, psychomotricienne, logopèdes, neuropsychologue, infirmière sociale, coordinatrice pour le post-diagnostic et secrétaire, l’équipe de quatorze professionnel.le.s est au complet depuis le début de l’année. Et s’est récemment installée dans de nouveaux locaux au sein du CHU UCL Namur, sur le site Sainte-Elisabeth.

"Un parcours long en temps et énergie"

Avec son antenne à Libramont - en collaboration avec le CAPAL (Centre d’Action Pour l’Autisme en province de Luxembourg) - le CEAN est venu «  combler un manque dans l’axe Namur - Luxembourg », explique la neuropédiatre Marie Deprez, l’une des médecins du CEAN. Jusqu’à présent, les familles devaient se rendre à Bruxelles, Liège ou Mons pour avoir un diagnostic.

Depuis qu’il a ouvert, ce centre namurois accueillent des jeunes qui proviennent «  d’un périmètre proche », la preuve qu’il « répond réellement à un besoin », souligne à son tour Manon Leclaire, coordinatrice de réseau post-diagnostic.

De fait, la distance géographique pèse lourd dans « un parcours [de diagnostic] long en temps et en énergie. Diminuer le temps de trajet supplémentaire, c’est bénéfique pour les parents et les enfants », insiste la coordinatrice. Sans compter que les « listes d’attente sont hyper importantes » dans les autres centres, continue-t-elle.

Aussi, bien intégrées sur le territoire, les antennes namuroise et luxembourgeoise peuvent rediriger les patient.e.s vers un réseau de professionnel.le.s à proximité, rebondit Marie Deprez.

L’étape du diagnostic

Pour accéder au CEAN, les parents doivent dans un premier temps inscrire leurs enfants sur une liste d’attente. A ce jour, il faut attendre entre neuf mois et un an et demi pour avoir un premier rendez-vous, précise Manon Leclaire. Des délais qui risquent de s’allonger avec le temps : dans les autres centres plus anciens, cela peut prendre jusqu’à trois ans.

Puis, les patient.e.s sont reçu.e.s par un médecin et un thérapeute pour un rendez-vous de préadmission. Le but : déterminer si l’enfant doit démarrer un bilan complet. « Car c’est un gros travail de se lancer dans une démarche de diagnostic », explique Marie Deprez.

Une fois la décision prise d’entamer le parcours, l’équipe décide des tests dont l’enfant a besoin pour savoir s’il présente bien un trouble du spectre de l’autisme, continue la neuropédiatre.

« En général, on fait une photographie du développement de l’enfant : un bilan logopédique, une évaluation développementale, parfois une évaluation intellectuelle, une évaluation psychomotrice, une évaluation au niveau psychoaffectif, etc. », énumère Marie Deprez. Un travail qui dure entre quatre et six mois, à l’issue duquel le médecin et le thérapeute présentent les résultats aux parents et font des recommandations pour la prise en charge de l’enfant.

Un point d’ancrage pour les jeunes et l’entourage

Une fois le diagnostic posé, le CEAN propose un programme de coordination. Le ou la jeune peut être accompagné.e pendant cinq ans, ou bien septante forfaits renouvelables une fois, pour un total de dix ans.

« C’est important pour l’évolution du/de la jeune sachant qu’il peut y avoir des moments critiques dans son développement, comme le passage de la maternelle au primaire ou encore l’adolescence  », explique Manon Leclaire.

Cet accompagnement – qui n’est pas thérapeutique – s’articule de différentes manières. Tout d’abord, la coordination propose un plan d’intervention individualisé. Grâce au réseau construit par le CEAN, la coordination peut rediriger la famille vers des professionnel.le.s compétent.e.s dans l’autisme afin d’aider l’enfant dans ses particularités et ses difficultés. « On reste un point d’ancrage pour tout ce réseau autour du jeune. On est là aussi pour répondre aux questions, aux difficultés rencontrées », continue Manon Leclaire.

Dans le cadre de cette mission, la coordination exerce aussi un travail de sensibilisation du réseau et du grand public à la thématique de l’autisme. « Il y a beaucoup de personnes qui sont concernées, pas seulement les accompagnants directs : ça concerne aussi les hôpitaux, le monde du travail, l’école ordinaire ou spécialisée », observe-t-elle.

Ensuite, la coordination peut réaliser un travail de réévaluation. « Il faut pouvoir réévaluer les besoins d’un enfant de douze ans qui a reçu un diagnostic à trois ans, car il y aura eu une nette évolution  », explique la coordinatrice. Pour cela, l’équipe du diagnostic est mobilisée pour effectuer des tests.

La dernière mission de la coordination est « l’accompagnement dans le cheminement vers l’acceptation du diagnostic, tant au niveau de la famille que de la fratrie. C’est important de pouvoir comprendre ce qu’est l’autisme et quelles sont les conséquences sur le quotidien  », continue-t-elle. Des groupes de paroles pour les parents ont ainsi été mis en place, ainsi que pour les personnes qui présentent un trouble du spectre de l’autisme. Des formations sont également proposées aux enseignant.e.s et parents, afin de comprendre ce qu’est l’autisme.

Mieux former les professionnel.le.s

La formation est d’ailleurs un enjeu majeur autour de la question de l’autisme. Pour la neuropédiatre Marie Deprez, il est nécessaire de travailler davantage auprès de la première ligne : les infirmières de centres scolaires, des centres PMS, de l’ONE, etc. « Il y a encore beaucoup de travail de sensibilisation pour pouvoir repérer les signes spécifiques, adresser aux bonnes personnes afin que l’enfant soit pris en charge le plus vite possible. Même s’il doit ensuite attendre pour avoir un diagnostic posé. Et parallèlement, pour éviter d’envoyer n’importe qui vers les centres de diagnostic  », constate-t-elle.

Lire aussi : Autisme : mieux former les professionnels ? Un besoin criant !

De fait, « l’autisme est fort médiatisé avec des images et des stéréotypes qui ne sont pas toujours justes », rebondit Manon Leclaire qui soulève aussi l’importance de mieux former les professionnel.le.s de la deuxième ligne. L’idéal, dit-elle, ce serait que des diagnostics soient « posés par des neuropédiatres, des pédopsychiatres en collaboration avec une équipe multidisciplinaire et qu’on ne voit que les jeunes qui posent réellement des questionnements ».

L’enjeu de la rééducation fonctionnelle

Au sein du réseau namurois actif sur la question de l’autisme, l’envie émerge de mettre en place un centre pour la rééducation fonctionnelle. Comme il existe déjà au sein de l’antenne luxembourgeoise. Le projet a « toute sa nécessité  », juge Manon Leclaire. « Car c’est le constat que nous faisons nous aussi : c’est bien de pouvoir faire des diagnostics, mais après ? Aujourd’hui, les services existants sont vite saturés », observe-t-elle.

Et, très souvent, ces suivis ne sont pas financés. Par exemple, « jusqu’à présent un enfant avec un diagnostic de trouble du spectre autistique n’avait pas de remboursement logopédique  », illustre Marie Deprez. Le gouvernement fédéral a récemment décidé de supprimer le critère de QI comme facteur d’exclusion automatique pour le remboursement des séances.

Idem pour la psychomotricité où les remboursements sont minimes et les coûts pèsent sur les familles. Alors que «  ça a été prouvé que plus tôt on rééduque, au mieux est l’évolution  », insiste la neuropédiatre.

Un problème qui s’ajoute au manque de professionnel.le.s spécialisé.e.s sur l’autisme. « On voit des centres se mettre en place avec une approche multidisciplinaire et spécialisés dans l’autisme mais ça ne couvre pas tout le territoire, c’est loin pour les parents » et les frais ne sont pas toujours pris en charge, observe Manon Leclaire qui note toutefois que de plus en plus de professionnel.le.s décident de se former spécifiquement sur l’autisme.

Enfin, l’ouverture du CEAN à Namur montre que les temps sont lentement en train de changer. « Il y a dix ans encore, c’était niet ! Aujourd’hui, il y a des progrès avec de nouvelles initiatives qui apparaissent, mais ce n’est pas suffisant  », conclut Marie Deprez.

A noter

Quelques chiffres : le centre reçoit un financement pour 150 enfants par an sur les deux antennes de Namur et Luxembourg (63% pour Namur et 37% à Libramont).

Le coût : les démarches de diagnostic et de coordination sont prises en charge par la mutuelle. Une quote-part minime reste à charge des parents.

Adresse : le CEAN est situé dans le même bâtiment du neuropédiatrique multidisciplinaire

Site de Saint-Jean de Dieu (Sainte-Elisabeth)
Rue Louis Loiseau, 39a - 5000 Namur 9 +32 81 70 88 74 9 info.cean@chuuclnamur.uclouvain.be

Caroline Bordecq



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