Autisme : mieux former les professionnels ? Un besoin criant !
Interventions intensives précoces boudées, séances de logopédie non remboursées, manque de sensibilisation du grand public pour favoriser l’inclusion, professionnels du social et de la santé peu formés à l’autisme…L’APEPA, association de parents pour l’épanouissement des personnes autistes, a recensé d’importantes lacunes dans le système belge. L’asbl propose des solutions concrètes pour améliorer la situation.
« Le 1er Plan transversal Autisme a été lancé le 25 avril 2016. Après 3 ans et à l’approche de nouvelles élections, l’heure est au bilan et aux adaptations, la transversalité et la continuité restant primordiales », note l’APEPA qui regroupe parents, professionnels bénévoles et personnes autistes. « Les actions proposées dans le cadre de ce Plan représentent une avancée, il faut donc continuer à l’appliquer et ce, quelles que soient les majorités qui sortiront des urnes par-dessus tous les clivages politiques. Mais subsistent d’importantes carences. »
L’asbl a dénombré une série de situations problématiques dans nos contrées. Pour chacun de ces constats, elle a émis une piste de solution. Toutes ces données ont été rassemblées dans un document qui a été transmis aux partis politiques en cette période post-électorale.
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Manque de formation à l’autisme des professionnels
– Constat :
Pour l’APEPA, les professionnels médicaux et para-médiaux mais également les enseignants ou bien encore les éducateurs ont des connaissances bien trop lacunaires, n’étant pas (suffisamment) formés à la question de l’autisme. Résultat, sur le terrain, un nombre limité seulement de professionnels de première ligne (ONE, médecins de familles, pédiatres, puéricultrices, etc.) sont capables de réaliser une détection « pouvant mener à un diagnostic précoce par un Centre de références en autisme (CRA) ou par les quelques psychiatres et neurologues qui se sont formés à l’autisme de leur propre initiative », alerte l’asbl.
Une situation qui engendre des conséquences catastrophiques dont celle-ci : des enfants montrant des signes certains d’autisme doivent parfois attendre des années avant d’être correctement diagnostiqués. Notons que les troubles du comportement, qui ne sont pas pris en charge via des approches éducatives préconisées, bloquent l’évolution, l’autonomie mais aussi le bien-être de la personne autiste. Sans compter que cela est un frein à la vie en communauté mais aussi à l’inclusion.
– Proposition :
Pour combattre ce fléau, l’association préconise que tous les professionnels des secteurs de l’enfance et de la santé reçoivent une formation de base leur permettant de repérer sur le terrain les premiers indices de l’autisme. « Les professionnels de santé pour les soins somatiques (dentisterie, urgences, infirmiers, gastro-entérologie, gynécologie, gérontologie, etc.) doivent connaître les particularités de l’autisme », préconise-t-elle. « Il en est de même pour les personnels agissant en situation d’urgence, que ce soit en hôpital, service de secours, pompiers, policiers, agents pénitentiaires, etc. »
Ecole : offrir un choix de solutions dès la maternelle
– Constat :
Dans la théorie, les enfants autistes peuvent bénéficier d’une série d’aménagements scolaires. Les options sont multiples : suivre des classes de pédagogie adaptée de l’Enseignement spécialisé, être intégré dans l’enseignement spécialisé avec une pédagogie individualisée ou dans l’enseignement ordinaire ou finalement bénéficier des aménagements raisonnables. Voilà pour la théorie. Par contre, sur le terrain, cet éventail de choix est illusoire…
L’asbl constate une « répartition inégale des possibilités sur le territoire, c’est le cas en particulier des classes à pédagogie adaptée. » Et de rajouter : « Un autre problème important est le maintien de la qualité des solutions offertes : insuffisance de formation continuée, de supervision. »
– Proposition :
Sa première revendication est de renforcer l’enseignement spécialisé avec l’aide des régions et du fédéral. Elle plaide également pour la révision du nouveau décret sur l’accueil, l’accompagnement et le maintien des élèves à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire fondamental et secondaire. Elle souhaite que le texte de loi accueille « une obligation pour la direction d’accepter l’expert proposé par les parents et que les Associations de parents d’enfants à besoins spécifiques puissent siéger dans la Commission de l’Enseignement obligatoire inclusif et non pas seulement les fédérations des parents d’élèves. » Autre demande : développer davantage l’inclusion au sein de l’enseignement ordinaire.
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Interventions intensives précoces absentes
– Constat :
« Seule l’unité A.P.P.I. de l’HUDERF à Bruxelles propose l’Early Start Denver Model à une poignée d’enfants, approche qui est préconisée pour les enfants en bas âge). Une autre initiative, celle du Chat Botté, a, elle aussi, montré son efficacité pour la (re-)scolarisation des enfants présentant des comportements-problèmes », écrit l’APEPA dans son mémorandum. « De plus, des études internationales ont démontré l’efficience de ces interventions, certains pays ayant un recul de plusieurs décennies à ce sujet. Voir aussi les études US et NL sur les économies budgétaires réalisées sur le parcours de vie des personnes en ayant bénéficié. »
– Proposition :
Comment changer la donne ? Pour l’asbl, la solution réside dans le fait accroître en transversalité des pôles d’interventions intensives précoces fixes et mobiles. Où ça ? Notamment au sein des crèches, des classes maternelles, des centres de jour, des hôpitaux de jour ou encore des lieux de loisirs.
Les séances de logopédie toujours pas remboursées…
– Constat :
Les personnes avec autisme sont confrontées à des soucis de communication verbale ou non-verbale. Grâce à son expertise et ses compétences professionnelles, un(e) logopède peut donc être une grande source d’aide pour ces citoyens. Pourtant, pour l’INAMI, le remboursement des séances de logopédie est lié au QI >86. Une prise de position qui prive une série de personnes autistes d’une intervention financière bienvenue. De plus, les autistes avec un plus haut niveau de QI n’ont pas non plus accès à ce remboursement des frais. Pourquoi ? Car l’autisme dans le DSM-5 est classifié en affection psychiatrique. Bref, les enfants qui ont vraiment besoin de ces séances de logopédie sont privés d’un coup de pouce essentiel, ce qui a un impact énorme sur les finances des parents.
– Proposition :
En collaboration avec l’Union Professionnelle des Logopèdes Francophones et les futurs ministres wallon et bruxellois, l’asbl ambitionne de faire changer d’avis l’INAMI afin d’obtenir enfin une modification de ce règlement qui nie les besoins palpables en logopédie des enfants/adultes autistes.
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Manque de répit pour les parents
– Constat :
« Il faut distinguer la formation clinique sur l’autisme et la formation aux approches éducatives recommandées », pointe l’APEPA. Souci et de taille : le territoire wallon n’accueille que de très rares formateurs aux bonnes pratiques (psy, logo, ergo…). Elle observe aussi des carences au niveau de solutions de répit pour les parents.
– Proposition :
« Après l’annonce du diagnostic, qu’une farde soit remise aux parents et responsables légaux sur les ressources en matière d’autisme, comportant, entre autres ressources, un dépliant sur le site « Participate-Autisme » créé spécialement pour parer à ce manque de suivi, aussi bien pour les parents qui viennent d’apprendre le diagnostic que pour ceux dont l’enfant est en attente de diagnostic… Ce site de 3000 pages est scientifiquement correct, écrit par les 8 Centres de Référence et de Diagnostic belges, l’APEPA et la VVA, mais il manque de fonds pour continuer à l’actualiser », propose-t-elle. Autre demande : permettre aux parents, aux aidants proches ou encore aux familles d’accueil de suivre des modules de formations communes, en compagnie de professionnels.
Rayon revendications, elle préconise également de proposer davantage de solutions de répit, d’aide aux activités périscolaires, d’accueil temps libre adapté et inclusif pour les enfants autistes.
Plus de lits pour les patients Double Diagnostic
– Constat :
Certains citoyens autistes souffrent également d’une maladie mentale. Ces patients ont des besoins particuliers et nécessitent donc une prise en charge adaptée. Or, cette dernière n’est pas assez développée chez nous.
– Proposition :
Pour accompagner correctement les patients Double Diagnostic, il convient d’offrir un nombre de lits en suffisance, afin de répondre correctement à la demande. En parallèle, l’asbl milite pour développer encore plus le réseau des Cellules Mobiles d’Intervention. Finalement, elle propose de former le personnel soignant à une vision globale et non fractionnée de la santé mentale et des enjeux du Double Diagnostic.
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Inclusion : manque de sensibilisation du grand public
– Constat :
« De la petite enfance à la fin de vie, l’inclusion dans le milieu ordinaire a tendance à rester l’exception, l’orientation en milieu spécialisé étant la règle, et l’exclusion des deux milieux est toujours présente en cas de problématiques importantes (déficience intellectuelle profonde, comportements-problèmes sévères…) », déplore l’association.
Et de rajouter : « Il y a clairement pénurie de ressources dans le milieu spécialisé, et encore plus pour maintenir les personnes dans leur milieu de vie. L’emploi des personnes avec autisme est une catastrophe par manque de job coaching spécifique à l’autisme, pourtant leurs qualités pourraient représenter un atout non négligeable pour les entreprises. »
– Proposition :
Face à ce constat, il est grand temps de sensibiliser les Belges à la question de l’autisme. Pour intégrer correctement les personnes autistes dans la société, l’asbl souhaite mener une vaste campagne médiatique afin de combattre les stéréotypes et les idées fausses entourant l’autisme.
Après-école : un chemin semé d’embûches
– Constat :
Une fois le parcours scolaire terminé, les personnes autistes sont confrontées à d’importante difficultés. Tout d’abord, les places et les solutions d’accompagnement ne sont pas légion. Ensuite, il existe très peu d’offres d’emploi accessible à ce public particulier. Bref, gagner son autonomie est un vrai parcours du combattant.
– Proposition :
L’asbl pense d’abord aux jeunes de 16 – 25 ans, des jeunes qui ont besoin de soutien pour vivre une transition sereine de l’école vers des études supérieures ou la vie professionnelle. Pour les adultes, elle plaide pour la création de postes de coaching emploi. Conserver et consolider le Budget d’Assistance Personnelle : voilà une autre revendication. Pour elle, ce budget ne soit pas être dilué dans une Assurance Autonomie. « Les personnes en grande dépendance ne peuvent pas survivre avec quelques heures de service à domicile, si tel est le choix de la personne », conclut-elle.
– [A lire] : Un questionnaire pour diagnostiquer l’autisme
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